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publié par gab le 11/08/23
Placebo
- Never let me go
Never let me go

Ça commence comme du Placebo et sans trop de surprise, la première écoute nous a laissé plutôt froid, à peu près aussi froid que le nouveau look de Brian Molko à l’approche de la cinquantaine : moustache et cheveux longs. Sans surprise, disait-on, au point qu’on a complètement manqué la sortie de ce Never let me go au printemps. Avec un titre qui sonne comme une nième compilation et une polémique autour des concerts sans smartphones sur les réseaux sociaux (Placebo étant assez virulent dans le domaine visiblement), il n’était pas gagné qu’on ose même l’écouter … et c’eut été bien dommage. Ne jamais se fier aux apparences, ni à la première écoute, puisque ce disque est attachant au bout du compte. C’est l’avantage lorsqu’on n’attend plus grand-chose d’un groupe, il y a moins de chances d’être déçu. Autrement dit, on est bien plus frustré cette année par les disques de Cat Power ou d’Alela Diane que par celui des Pixies. Mais on s’égare dans nos tops de fin d’année… qui contiendra en bonne place le Never let me go de Placebo.

broutille

Ainsi commençais-je, en fin d’année dernière, une petite broutille sur le « nouvel » album de Placebo. Elle serait classiquement restée à l’état de brouillon comme tant d’articles entamés ces dernières années si je ne m’étais rendu compte il y a quelques jours que je tournais malgré moi en boucle sur Placebo cette année aussi. C’est assez inexplicable mais je fais une fixette sur la compilation des 20 ans du groupe sortie en 2016, A place for us to dream, qui, à mon grand dam d’anti-compilationniste invétéré (à l’exception notable de Radio, l’excellente compilation des Little Rabbits), est sacrément bien équilibrée et contient d’excellentes versions alternatives des morceaux du groupe. Mais ceci est un autre article. Une chose entrainant l’autre, je suis revenu sur Never let me go et force est de constater qu’il est, lui aussi, plutôt bien équilibré. D’où une seconde tentative de broutille.

désensibilisation

Oui, Never let me go tient la route et même mieux. C’est d’ailleurs le single "Beautiful James" entendu en fond sonore dans un magasin de chaussures l’an dernier qui nous a mis la puce à l’oreille. Après l’étonnement initial, on ne put s’empêcher de trouver le titre sacrément bon avec son gimmick synthétique et un refrain allant chercher, une fois n’est pas coutume, du côté lumineux de la force. Les premiers morceaux de l’album, à l’instar du single, sont clairement dans l’efficacité musicale, notamment avec de classiques couplets basse-batterie avant l’entrée des guitares sur les refrains ("Forever chemicals" et son intro hyper-accrocheuse). Ce serait taillé pour les stades qu’on n’aurait rien à redire. Fort heureusement, le groupe n’a ni perdu son sens de la formule (« With friends like you, who needs enemies » sur "Forever chemicals", « a hug is just another way of hiding your face » sur "Hugz"), ni ses thèmes sombres tournant principalement autour du besoin de désensibilisation émotionnelle par substances chimiques interposées (« I want my medecine » de "Happy birthday in the sky"). On sent que Brian Molko sort d’une période émotionnelle et chimique difficile et qu’il est prêt à aborder les sujets personnels un peu plus explicitement que d’habitude (« Sorrow can set you free » de "The Prodigal").

planète

« I am alive » chante donc Brian dans "The Prodigal" et on le croit d’autant plus volontiers que le groupe change de braquet en milieu de disque et quitte l’efficacité pour aller vers plus de feeling. Ça commence par un "Surrounded by spies" tout en tension rythmique et scansion du chant pour finir avec une belle montée paranoïaque en fin de morceau. Ils enchainent avec "Try better next time", une fable entêtante renvoyant à la pochette de l’album et l’état de la planète (une pochette étonnante qui de loin fait penser à une banquise et une mer ultra-polluée mais de plus près se révèle être une plage de cailloux multicolores). La série se termine avec notre préférée, la poignante "Sad white reggae" qui va chercher l’intime du côté des racines écossaises de Brian et vers laquelle on ne cessera de revenir encore et encore.

équilibriste

Placebo se referra une dernière belle petite série pour clore le disque ("This is what you wanted" et sa ritournelle de piano, "Went missing" mi-parlé/mi-chanté, "Fix yourself" et son « caucasian Jesus ») dans une ambiance plus calme et recueillie, sans se départir de l’intensité, un exercice d’équilibriste qui lui va bien aussi. Et voila Never let me go, le 8e album du groupe presque 10 ans après le précédent. Un album contenant toutes les facettes musicales du groupe, avec un Brian qui semble avoir trouvé un équilibre personnel, chantant le dégoût de soi et la renaissance. Un album qu’on n’attendait plus vraiment mais qu’on prend comme il vient, avec plaisir.

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publié par le 11/08/23