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publié par arnaud le 01/01/06
Piano Magic
- Disaffected
Disaffected

Polémique de fans

Le groupe nomade de Glen Johnson continue sa route, trouvant abri cette fois-ci sur la petite structure bordelaise Talitres,dont on ne peut que saluer l’initiative de sortir ce nouvel opus de l’anglais et de ses frenchies mercenaires (au nombre de quatre si l’on compte Angèle David-Guillou de Klima et Ginger Ale). Le débat fait d’ailleurs rage parmi les fans, qui regrettent la relative stabilisation de la formation, pour un son plus rock, moins éthéré et ayant de moins en moins recours à la programmation (comme si Glen délaissait les bidouillages ou plutôt les réservait à Textile Ranch, son projet electro solo). Alors certains vont jusqu’à renier le groupe, ne jurant que par son chef d’œuvre Low Birth Weight... Pourtant Piano Magic, à l’époque de son "apogée commerciale ", celle de la signature sur 4AD, semblait dans une voie sans issue, cherchant à perpétuer ce songwriting empreint de spleen, tout en ayant recours aux invités pour mettre les mots en musique, quitte à s’égarer : Writers Without Homes n’était qu’une collection de chansons et de collaborations, manquant cruellement d’homogénéité. Recentré autour d’un noyeau plus stable avec les Français Jérôme Tcherneyan, Franck Alba et Cédric Pin et de la voix occasionnelle de la délicieuse Angèle, Piano Magic sortait l’an dernier un Troubled Sleep Of Piano Magic qui semblait bien plus cohérent dans la forme, comme dans le son. On regrettera peut-être parfois le manque d’inventivité de certains arrangements, mais le disque est l’un des premiers du groupe à ne présenter aucune espèce d’interludes instrumentales " bouche-trous" (contrairement à Artists’ Rifles par exemple...), renforçant Glen Johnson dans son rôle de songwriter mélancolique inspiré.

Nostalgique et amère

Disaffected est tout à fait dans la lignée de son prédecesseur, ouvrant sur un You Can Hear The Room qui fait la part belle aux synthétiseurs de Cédric Pin, et toujours ce son de guitare qui illuminait déjà Speed The Road, Rush The Lights l’an dernier. La voix désabusée de Glen caresse les mots et parvient à surnager au dessus du flot de reverb et de distorsion du refrain. D’une facture plus pop et enlevée, Love Music, met encore l’accent sur le mariage du clavier et de la guitare, tout en célébrant le texte nostalgique de Johnson, registre dans lequel l’anglais excelle. On sent d’ailleurs l’auteur très inspiré sur ce début d’album, puisque Night Of The Hunter revisite son corpus favori, tout en présentant des images inédites. Sur ce morceau, le son shoegazant de la guitare de Glen fait son grand retour, contrastant avec les arrangements acoustiques d’Alba. Avec une entame plutôt rock et directe, on aurait du mal à croire que le morceau de choix de Disaffected soit marqué par un son très new-wave, entre les arrangements claviers de Depeche Mode sur Music For The Masses et le New Order des débuts. C’est Angèle David-Guillou qui prête les charmes de sa voix à cette chanson éponyme, dont les paroles, signées Glen, sont toujours aussi aiguisées et amères. L’union des éléments synthétiques et de la guitare acoustique est irresistible, de surcroît quand le titre, après une envolée rythmique, presque dancefloor, revient vers la mélodie : à coup sûr l’un des meilleurs morceaux du groupe jusque là.

Spectres romantiques

La suite est d’aussi bonne qualité avec un Theory Of Ghost, à la guitare traversée de réminiscences moyen-orientale, est une chanson moins évidente que les précédentes, nous ramenant vers le répertoire des débuts du groupe. Johnson y aborde encore son obsession pour les spectres, le romantisme exacerbé, dans un texte des plus troublants. I Must Leave London (écho du "London is fucked " de The End Of A Dark Tired Year), au folk simple et brillant en guise de critique douce-amère de la mère patrie ou Deleted Scenes, synthpop glaciale placée sous les meilleures auspices new wave, finissent de nous enchanter. Que dire de The Nostalgist qui utilise la voix d’Angèle comme fond sonore (à la manière du I’m Not In Love de 10CC ou du * Me Kitten de R.E.M.) ? Il constitue la réponse parfaite, tout en retenue, au fameux Luxembourg Gardens de Troubled Sleep.... Seul bémol, quand John Grant, de The Czars, et sa voix un peu trop puissante pour la musique fragile de Piano Magic, ne parviennent pas à sublimer Your Ghost qui semble se transformer en une longue démonstration appliquée.

Clair-obscur

Reste que Disaffected se referme sur un magnifique clair-obscur, You Can Never Get Lost (When You’ve Nowhere To Go), parcouru par le violon alto de James Topham, renouant avec le son d’Artists’ Rifles pour le meilleur. Bien sûr, il y en aura toujours pour reprocher au groupe de ne plus chercher à parcourir quelques terres plus aventureuses, toujours est-il que Piano Magic s’applique à donner sa vision de la pop music et parvient à un résultat des plus singuliers, avec une richesse des textes qu’on ne peut passer sous silence. Ajouté à cela les nappes submergeantes de claviers, les guitares souterraines et la voix d’ange de Mlle David-Guillou, il faudrait être fou pour se priver de cet album tant il est bon se perdre dans la douce tristesse de Mr. Johnson.

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publié par le 01/01/06