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publié par Mélanie Fazi le 25/04/08
Phoebe Killdeer & The Short Straws - La Maroquinerie, Paris - 24/04/2008
La Maroquinerie, Paris

Pantomime

Un automate. C’est ce qui nous traverse l’esprit en voyant Phoebe Killdeer poser l’ambiance lors d’un premier morceau en grande partie instrumental. Gestes saccadés sous la lumière tamisée, visage caché par sa très longue chevelure châtain. Le spectacle auquel on assiste pendant cette introduction, médusés, tient davantage de la pantomime que du concert de rock. Même pour nous qui avions certaines attentes, l’entrée en matière est déroutante. Et promet un concert hors du commun.

Imprévisible

Ce n’est rien de le dire, que nous attendions cette soirée du festival “Les femmes s’en mêlent”. Plus d’un mois après sa sortie, l’épatant Weather’s coming ne nous quitte toujours pas. Le souvenir de l’excellente session que nous avait accordé le groupe, ainsi que les compte-rendus enthousiastes sur le concert du Nouveau Casino que nous avions manqué, avaient nourri notre impatience. Pourtant, nous n’étions pas vraiment préparés à ce qui se passe sous nos yeux. On a le sentiment, soudain, que tout est possible, et surtout l’imprévisible.

Allumettes

On avait évoqué, à propos de certains titres de l’album, une ambiance de polar. Phoebe Killdeer, toute de noir vêtue, pourrait en être une tueuse à gages. Elle compose sur scène un personnage extrêmement inquiétant. On sent d’ailleurs nettement, par moments, qu’elle intimide le public autant qu’elle le fascine. Elle tisse avec lui un lien étrange, s’adresse à lui en anglais alors qu’elle parle un français impeccable (sans qu’on sache si c’est pour créer un lien ou une distance, et cette incertitude ajoute au côté troublant du spectacle). En fin de concert, elle ponctue une version survoltée de “How far” par des intermèdes silencieux où elle tend le micro vers la foule, perchée en bord de scène, donnant à la chanson un rythme assez curieux. Dans sa manière de raconter des bribes d’histoires absurdes ou décalées, elle évoque une fois de plus Tom Waits, l’une de ses grandes influences. On ne sait jamais à quoi s’attendre - jamais deux fois à la même chose. Elle déploie sur scène toute une panoplie de gadgets, du collier de fleurs à la boîte d’allumettes (elle les craque une par une pour ponctuer l’une de ses chansons, faisant ainsi émerger quelques secondes son visage de la pénombre).

Magnétisme

La formidable énergie de certains titres ne nous étonne pas réellement - c’est après tout ce qui nous avait scotchés à l’écoute de Weather’s coming. Mais on ne pensait pas que le spectacle serait à ce point théâtral. Ni que Phoebe, sur scène, dégageait un tel magnétisme. On peine à détacher le regard de ses mains aux gestes fluides et précis, de ses yeux incroyables dont le blanc ressort si nettement au milieu d’un visage très mobile - un masque fascinant, quasi expressionniste. Il y a dans ses mouvements une grande assurance : tout est calculé, minuté, mais sans excès. Impression renforcée par le travail sur les jeux de lumière, mais aussi par l’excellence d’un groupe qu’on sent aussi carré que réactif, et chez qui on discerne une vraie complémentarité. Les morceaux qui nous auront le plus marqués ne sont pas ceux qu’on attendait - même si “Jack” et “Paranoia” étaient prenants. Pour présenter “Looking for a man”, elle commence par demander si quelqu’un, dans le public, est à la recherche d’un homme. Obtenant une réponse positive, elle commente « Messieurs, vous savez où chercher » avant de demander, très pince-sans-rire, la description de la demoiselle pour s’assurer que les intéressés la retrouvent. Les morceaux plus atmosphériques de Weather’s coming prennent un relief intéressant sur scène, notamment le superbe “Licorice skies”, ainsi que “Stuck inside” qui réserve quelques beaux moments de sauvagerie.

Marionnette

On repense souvent, au cours du concert, à cette phrase lue dans une présentation de l’album, concernant la fascination qu’elle éprouve pour les liens entre sons et mouvements. On y avait trouvé l’une des clés permettant d’approcher l’album, mais cette déclaration ne prend tout son sens que sur scène. Phoebe Killdeer y devient une étrange marionnette animée par sa propre musique - une marionnette à la voix magnifique et versatile, évoquant parfois certaines chanteuses de jazz. Face à ce spectacle souvent déroutant mais toujours passionnant, on a une fois de plus la certitude d’avoir découvert l’un des personnages les plus intrigants du moment, une artiste à la démarche personnelle et entière. On ne rêve plus désormais que de la revoir sur scène pour tenter de cerner un peu mieux le phénomène.

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publié par le 25/04/08
Derniers commentaires
Rod - le 25/04/08 à 13:59
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T’ecris tres bien hein. Vilaine.

Bon c’est bien, ca me degoute encore plus de ne pas avoir été accrédité sur ce festival :(