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publié par Mélanie Fazi le 14/04/12
Phoebe Killdeer & The Short Straws - Café de la Danse, Paris - 13/04/2012
Café de la Danse, Paris

Quel étrange et magnifique concert, tout en contrastes. Pour tout vous dire, nous n’avions pas l’intention au départ d’écrire ce compte-rendu. Lorsqu’on suit un groupe depuis plusieurs années et qu’on l’a souvent vu et chroniqué, il devient difficile de ne pas se répéter. Dans le cas de Phoebe Killdeer & The Short Straws, décrire leurs concerts n’est déjà pas facile en soi : une fois qu’on a parlé de la fabuleuse et contagieuse énergie que dégage le groupe sur scène, on a tout dit et rien dit à la fois. Seulement voilà, difficile de trouver le sommeil après certains concerts qui vous électrisent et vous euphorisent. Alors on pose ses impressions à chaud du haut de son petit nuage en attendant la redescente.

Monologue

Le début du concert nous laissait pourtant une amère impression de rendez-vous manqué. Le Café de la Danse est une belle salle où nous avons vécu bien des moments inoubliables, mais sa configuration particulière pose parfois problème : il arrive que le public choisisse de rester assis et que personne n’ose approcher de la scène. D’où un début de set particulièrement frustrant, où les premiers rangs restaient timidement assis par terre dans la fosse. Pour certains concerts calmes qui appellent au recueillement, passe encore. Mais pour Phoebe Killdeer & The Short Straws, il y a comme qui dirait maldonne. Difficile, de ce fait, d’entrer pleinement dans l’ambiance lors des premiers titres pourtant impeccables, “Pedigree”, “Innerquake” ou “Angel’s breath”. Sans bien savoir si c’est parce qu’ils sont joués de manière plus mécanique que d’habitude, ou si l’on est simplement gêné de la tournure que prennent les choses. On éprouve l’impression d’un monologue : le groupe donne, le public reçoit passivement, on espère que les premiers rangs finiront par se lever pour conjurer le mauvais sort, mais personne n’ose être le premier.

Miracle

Et puis, cinq ou six titres plus tard, Phoebe Killdeer demande au public de se lever. Hésitations, personne ne bouge. « Levez-vous ou vous aurez l’air ridicule sur ce morceau », insiste-t-elle, pince-sans-rire. Et enfin, le miracle se produit : les premiers rangs se lèvent, s’approchent, le spectacle peut vraiment commencer. Le morceau en question, bien sûr, c’est “Scholar”, belle machine de guerre sur disque comme sur scène. Et voilà, on est enfin libre de bouger, de danser, de se laisser porter par le courant. Surtout quand le groupe enchaîne avec un “Jack” tout aussi diaboliquement entraînant.

Anniversaire

À partir de là, le concert ira crescendo. Phoebe Killdeer et ses musiciens sur scène, dans leurs meilleurs jours, c’est une véritable tornade. Ils auront réussi non seulement à nous emporter (il y arrivent presque toujours), mais surtout à nous surprendre. D’une part, en variant légèrement la set-list, axée moins exclusivement cette fois sur l’album Innerquake. D’où une splendide version d’un morceau plus rare sur scène, “Licorice skies”, à l’ambiance moite et chargée de tension. D’autre part, la soirée sera entrecoupée de duos avec des invités spéciaux. Mélanie Pain, comparse de Phoebe Killdeer au sein de Nouvelle Vague, interprète un “Looking for a man” cocasse où transparaît une évidente complicité entre elles, ponctué par les mimiques de clown d’une Phoebe un peu moins théâtrale ce soir que lors des concerts précédents. Craig Walker d’Archive la rejoint ensuite pour “Twisted”, avant d’annoncer que c’est aujourd’hui l’anniversaire de Phoebe. Et le public d’entonner un “Happy birthday” sincère et spontané. Comme pour compenser, peut-être, l’absence d’échanges du tout début : on sent cette fois la volonté de rendre à Phoebe, mais aussi au groupe, tout ce qu’ils sont en train de nous donner. À ce stade, même le public des gradins s’est levé, et tout le monde ose enfin danser.

Puissance

Troisième duo, le plus inattendu : “Up and down” avec Maria de Medeiros, que nous ne connaissions qu’en tant qu’actrice et que nous découvrons chanteuse. Joli moment rendu un peu surréaliste par l’inévitable flash de scènes de Pulp Fiction qui nous traverse alors. De ce concert, outre les quelques morceaux plus hypnotiques qui parviennent à installer une ambiance lourde et palpable (“Highway birds” de toute beauté), on retient surtout ceux qui happent et qui électrisent, ces moments auxquels on avait cru devoir renoncer lors de ce début de soirée en demi-teinte. Plusieurs inédits souvent entendus en live (“Bait”, “Crawfish”), et puis en toute fin de rappel, un “Never tell a lie” d’une puissance inouïe. Difficile de décrire ces moments-là. Il nous en reste des bribes de souvenirs – des lumières aveuglantes, un raz-de-marée sonore, le jeu halluciné du guitariste Cédric Le Roux, la gestuelle de Phoebe toujours en mouvement, et surtout une jouissance pure : celle d’être là, de partager l’instant dans toute son intensité. C’est beau et fort, c’est tout ce qu’on vient chercher dans une salle de concert, et le groupe nous l’offre ce soir.

À reculons

Le rappel terminé, le public ne veut plus lâcher le morceau : on réclame le retour du groupe à grands cris. Les musiciens finissent par s’installer, et Cédric Le Roux explique alors qu’ils s’apprêtent à interpréter une reprise qu’ils n’ont jouée qu’une fois, et dont Phoebe est en train de rechercher les paroles sur le Net. L’intéressée réapparaît une page à la main, et le groupe de conclure la soirée en beauté sur une version grisante d’un morceau de Vince Taylor, “Shakin’ all over”, au terme duquel Cédric et Phoebe quittent la scène à reculons, laissant le batteur terminer en solo.

Merci

Les lumières se rallument sur les sourires béats du public pas encore remis de ce qu’il vient de vivre. On s’attarde un peu dans la salle, espérant croiser les musiciens afin de tenter de les remercier, maladroitement, pour ce fabuleux moment, pour tout ce qu’ils viennent de nous donner. Et parce qu’on ne sait pas toujours trouver les mots, parce que le sommeil ne viendra pas avant qu’on ait partagé ces quelques impressions, on les couche sur le papier sans être bien sûr de rendre justice à ce qu’on vient de voir. Parce que c’est, parfois, la seule manière de dire merci.

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publié par le 14/04/12
Derniers commentaires
ariele - le 14/04/12 à 20:18
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Merci pour ce live report. Je suis encore plus triste d’avoir manqué ce concert. Je serai définitivement là au prochain ! :)

- le 17/04/12 à 17:19
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c’est exactement au mot pres ce que j ai ressenti , bravo !

sh - le 17/04/12 à 19:39
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Oui, voilà, on n’aurait pas dit mieux...
Entendu en introduction de ’how far’ dans la vidéo d’un autre concert :
"no one here is allowed to think... there shall be no thinking in this room !"
qu’est-ce que ça fait du bien parfois !