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publié par Renaud de Foville le 06/07/22
Olivier Dubois - "Tu ne continues pas par fierté ou par ego. Mais juste parce que c’est ta seule raison de vivre. "

Le Cargo !

Je n’y connais vraiment rien en danse. Je suis allé voir quelques spectacles, mais c’est tout. Mes questions vont être très naïves.

Olivier Dubois

Allez, on y va !

Le Cargo !

Comment tu viens à la danse ?

Olivier Dubois

Tardivement. Très tardivement. 23 ans ! Pourquoi ? C’est toujours un peu inconnu. Il y a un peu une réponse dans le solo, qui est la musique de la toute fin. C’est une musique j’ai cherché pendant des années. Je ne sais même pourquoi je l’ai cherché… mais je ne l’a trouvais pas ! J’ai commencé à chercher, je dansais déjà. Le jour où je l’ai trouvé, ce qui a pris un temps fou, j’ai compris que c’était pour cela que je dansais. Pour cette musique. Je ne sais pas… cette musique… m’a… je ne sais pas… ne me demande pas…

Le Cargo !

C’est ce morceau là spécifiquement ?

Olivier Dubois

Ce morceau là, oui. Je le connaissais, mais je n’arrivais pas à le retrouver. J’ai cherché, je ne trouvais pas, je ne trouvais pas ! Et un jour c’est arrivé et j’ai compris. J’ai compris que si je danse c’est pour cette musique, que j’ai dû écouter mille fois quand j’étais enfant. Mais pour la danse, il n’y a pas de vocation, genre le truc un peu divin qui te tombe dessus, qui viendrait d’ailleurs, touché par la grâce ! Ni une culture familiale pour le spectacle, ou le théâtre ! Non plus ! Je faisais beaucoup de sport… J’essayais plein de choses, dont la danse que j’ai trouvé très marrant mais rien de plus. Et à 23 ans je me suis dit, je vais essayer ! Je vais essayer… Donc j’ai essayé, j’ai pas fait d’école… A 23 ans pas de conservatoire, pas de tout cela. Puis j’essaye une formation dans le sud de la France, qui s’appelle Coline. Je fais l’audition et ils me disent on va essayer pendant un mois pour voir si tu es un moteur ou un boulet pour le groupe, je me dis tiens sympa… Et je vis comme un moine pendant un mois et ils me disent tu ne feras pas partie de la formation et avant que tu ne partes on voudrait te dire que tu n’as rien pour ce métier et tu ne danseras jamais… ce sont des sachant quand même ! J’aurai dû les écouter. Je suis parti. J’étais dans le sud, j’étais à Aix en Provence, et en fait je me dis je vais à Paris, je vais prendre des cours. J’ai pris des cours ouverts, là où tout le monde va. Et je me suis formé tout seul. Et comme j’avais cette sensation de retard, j’avais une boulimie, pour essayer de rattraper le temps perdu. J’avais deux challenges. Celui de récupérer le temps perdu donc. Je prenais donc quatre cours par jour, deux de classique, deux de contemporain, spectacle tous les soirs, lire tout ce que je pouvais lire. Et la seconde chose, mon second challenge, c’est que j’avais très peur que l’on soit intéressé par moi car j’avais un corps différent. Parce que j’étais gros. C’était mon angoisse, je ne voulais pas être un animal de foire. Je voulais que l’on m’engage parce que je savais danser. Au bout de six mois je me suis dit que je pouvais auditionner parce que je connais les mots. La terminologie je commence à la comprendre. C’était aussi un angoisse, le mot, le verbe, l’angoisse de ne pas comprendre. Les mots, les termes de la danse, les positions, les choses comme cela. Je passe une audition, et je suis engagé. Ils ont été très clairs en me disant « on fait un pari. Un pari parce qu’il y a… mais y a pas… Y a quelque chose, mais il y a rien derrière ».

Le Cargo !

Pardon mais quand tu fais cela… tu as 24, 25…

Olivier Dubois

Non, 23 toujours !

Le Cargo !

Mais à 23 ans les gens qui te croisent ils attendent que tu ais 8 ou 10 ans de danse. Mais aux auditions ils savent que tu n’as que quelques mois ?

Olivier Dubois

Oui, oui ils le savent. J’avais fait un CV, bon comme toujours tu le mitonnes un peu ton CV, évidemment tu essais que cela passe quand même, tu es un peu filou. Tu en vois qui arrivent avec des CV énormes alors qu’il y a rien… j’ai fait ça, ça, ça… Attention, il y a plein d’auditions qui ne m’avaient pas accepté sur CV. Mais celle ci, oui. J’y vais et ils m’engagent. Je continue à en même temps travailler dans cette compagnie qui m’a appris énormément. Sur ce que c’est un artiste, ce que c’est de monter sur un plateau, vraiment j’ai eu beaucoup de chance. C’est SINELDA (? ?????). Une compagnie qui avait gagné un grand concours à ce moment là et qui faisait un véritable travail de terrain de manière très intelligente et avec la conscience de la responsabilité de l’artiste sur un plateau. Et en même temps je continue à prendre des cours. Pendant longtemps je n’arrivais pas à dire que j’étais danseur, car j’étais toujours en formation. J’ai travaillé ensuite avec d’autres compagnies et puis plus tard vers 26,27 j’ai auditionné pour une compagnie où tout le monde me disait mais qu’est ce que tu vas foutre là bas !! Chez Preljocaj , dans le sud de la France, une compagnie contemporaine mais avec une technique très classique, où là tout le monde est gaulé sublimement, des corps magnifiques, tout le monde est beau et ultra technique. Il y avait 800 personnes qui auditionnent. Pour la petite histoire j’étais à Aix, dans ma chambre d’hôtel. A l’époque je travaillais déjà et dans ma chambre je me dis j’ai pas besoin de taf, j’y vais pas ! J’étais tout seul dans ma chambre. Et je me dis « pourquoi t’y vas pas ? » « J’y vais pas parce que c’est nul, c’est néo classique, c’est nul » « Ok, mais pourquoi vraiment tu n’y vas pas ? » « Bah déjà je suis en vacances... » « Non, mais vraiment pourquoi ? » « Bah parce que c’est Néo classique et que tu n’as pas totalement la technique... » « Ok, mais vraiment pourquoi tu n’y vas pas ? » « Parce qu’il ne voudra jamais de moi à cause de mon corps... » Je me suis dit « Ha ouai !! J’y vais » Le jour J j’y suis allé, j’ai posé le CV, j’ai eu le travail. Et à partir de ce jour là je me suis dit que j’étais danseur parce qu’en fait j’avais rien à foutre dans cette compagnie ! Et cela a été génial, j’ai eu beaucoup de chance. J’ai beaucoup dansé. Tout le temps, tout le temps… Je me suis formé avec les compagnies pour lesquelles je travaillais et j’ai eu beaucoup de chance parce que j’ai énormément dansé.

Le Cargo !

Ce qui est un peu étrange vu de l’extérieur c’est d’arriver dans un milieu comme celui de la danse alors que tu viens d’une famille qui n’est pas du tout là dedans. Comment as tu eu envie, comment savais tu que c’était ce que tu voulais…

Olivier Dubois

Je ne sais pas, j’avais envie de danser !

Le Cargo !

Et la danse c’est une palette très large, il y a tous les genres. Vers quoi…

Olivier Dubois

Moi je voulais tout danser ! Donc mon objectif c’était d’être le plus polyvalent. Je ne voulais surtout pas que l’on m’engage parce que j’étais différent. Quand je suis rentré chez Fabre après c’était bien à ce moment précis. Je voulais être capable de faire tout et je ne voulais pas être pris parce que j’étais différent, cela aurait été horrible pour moi. J’ai une grande chance c’est que j’ai un corps extrêmement… cool ! j’ai un corps très souple, je n’ai jamais mal, comme j’avais fait beaucoup de sport j’étais très puissant aussi, donc il y a beaucoup de facilité naturelle. Je n’ai jamais été en difficulté face à l’apprentissage. Même si je ne savais pas les mots quand on me disait là tu lèves ta jambe le plus haut possible et tu la laisses en l’air et maintenant pointe le pied et paf j’allais au maximum et on me disait… hummm je crois qu’on va faire quelque chose !! Mon corps était réceptif et facile. Ce qui m’aidait car mon objectif c’était de travailler partout. J’ai commencé tard si je me dis ça c’est pas pour moi ou ça c’est pour moi, cela n’ira pas. J’ai envie d’expérimenter, j’ai envie d’apprendre sur le terrain, de comprendre ce que j’aime par l’exercice et non par une pré pensée en me disant ça c’est pour moi, pas pour moi, c’est bien, c’est pas bien. C’est aussi comme cela que je me construis en tant qu’artiste. C’est pour cela que la question de permanence m’est étrangère. Ce qui permet de pouvoir travailler partout… oui partout !

Le Cargo !

En étant néophyte comme je suis, quand on voit ton spectacle solo, on se dit en tant que spectateur que tu n’as pas de chapelle, donc pas d’élitisme. Il y a une image de la danse comme d’un certain théâtre, et même de cinéma, qui serait réservés à quelques uns. En même temps c’est aussi une image que l’on a tant que nous, en tant que spectateur, nous n’y allons pas…

Olivier Dubois Hahaha oui c’est vrai, c’est vrai...

Le Cargo !

Dans les spectateurs ont sent qu’il y a des connaisseurs, des fans, des danseurs bien sûr, mais moi aussi j’ai eu totalement ma place en tant que spectateur…

Olivier Dubois

Parce que c’est une histoire de vie. Cela parle d’un pari pris. Cela parle d’échecs, de succès. Cela parle de se bagarrer, de quand les choses résistent, de se battre comme d’être vulnérable, cela parle de vie. C’est comme un documentaire, c’est la vie de quelqu’un et sur des choses que tout le monde partage à un moment. Quand on te dit non et toi tu dis je veux quand même !

Le Cargo !

Est ce que le fait de toucher le plus grand nombre possible et des gens très différents c’est quelque chose à laquelle tu penses en tant que danseur ou chorégraphe ?

Olivier Dubois

Non, je ne pense jamais au public.

Le Cargo !

Et pour cette pièce là, Sortir au Jour, tu ne penses pas au public ?

Olivier Dubois

Non, jamais.

Le Cargo !

Alors comment as tu crée celle là ?

Olivier Dubois

Par hasard. Les solos sont toujours venus un peu par hasard. Mais comme la chorégraphie en fait. Je ne voulais pas être chorégraphe, cela m’a attrapé … Là cela a été un peu étrange. Je vis aussi en Egypte, au Caire. Et j’ai un ami qui me dit je vais monter un jeune festival au Caire, ce qui est compliqué, risqué même. Sachant aussi qu’il n’aura pas d’argent. Donc je lui dis que je peux lui donner un coup de main, que je serai là pour son festival. Donc pour son festival je devais travailler avec une actrice égyptienne. Et comme c’était l’été elle avait envie d’être à la mer. Comme elle ne bougeait pas de sa plage, à un moment j’en ai eu marre. Je l’ai foutu dehors, je me suis dit je fais autre chose et je le fais tout seul. J’ai commencé à réfléchir à ce que je pouvais faire. J’avais lu le livre des morts sur l’Egypte ancienne, sur les écritures que l’on trouve sur les sarcophages et qui parlent du voyage de l’âme. Son titre c’est le Livre des morts ou le Livre pour Sortir au Jour. Pour faire vite on considère que l’on est mort quand l’âme ne retrouve pas son corps. Les corps sont avec des onguents, des pierres odorantes, des choses avec des odeurs très fortes car chaque jour l’âme part, elle va se confesser et séduire Ra pour être protégé des monstres de la nuit quand elle se retrouvera dans la barque, mais elle doit revenir dans le corps, reprendre de la force, pour repartir dans son voyage, pour travailler sur sa mémoire. Je trouvais que cela se rapprochait de l’haruspice quelque part. Et j’ai commencé à réfléchir sur tout cela. J’ai commencé à me poser des questions sur ce qu’il reste de ce que j’ai fait, qu’est ce qu’il en reste et que c’est ce que cela en dit. Sur cette position très particulière. Dans la danse je trouve que le danseur est très peu considéré. Déjà comme artiste en tant que tel. Alors que je veux avoir cette audace de dire « non, c’est moi qui porte l’œuvre ». Si tu pousses l’idée c’est pourquoi je dois voyager avec un visa alors que je pourrai voyager en tant qu’œuvre d’art. Je me suis posé toutes ces questions, parfois un peu folle, farfelue. J’ai fouillé dans tout cela mais en me disant il faut que cela soit ludique. J’ai envie de m’amuser. J’ai pas envie de répéter, j’ai envie d’être très honnête en revivant tout cela. C’est après cette réflexion que l’on pense à la scénographie, la réflexion sur la dramaturgie, comment tu amènes les choses. Je propose une dissection, mais je dois d’abord donner les outils. Expliquer comment on utilise ces outils. Ensuite on t’ouvre. Il y avait aussi un peu un coté jeux du cirque. On aime le sang, quand on le goût dans la bouche on y retourne. C’est pas grave, on continue, on pousse et on pousse. Et aussi terminer avec cette musique qui dit : « voilà pourquoi tout a commencé, sur cette musique ». Tout simplement.

Le Cargo !

En tant que danseur il y a une appropriation de l’œuvre. Avec ce spectacle qui est sur la mémoire, la mémoire du corps, tu montre que tu n’est pas l’interprète juste au moment de danser, c’est bien plus que cela !

Olivier Dubois

Tu deviens porteur d’œuvres. Ce sont des questions que j’ai souvent abordé dans d’autres pièces. Par exemple dans Faune j’ai fait la mort de Nijinski en disant Nijinski on s’en fout c’est l’après midi d’un faune. Et c’est je pense, la raison de plein de suicides dans l’art, à une époque où l’on osait se suicider. A un moment il y a cette folie de se dire, toi tu es mortel et tu portes l’éternel et cela rend fou. A un moment cela rend fou. Il y a quelque de philosophique, de mystique d’essayer de savoir comment tu vas supporter ce conflit. Et aussi incroyable que cela puisse paraître tu peux aussi dire à un moment « j’ai un droit sur l’oeuvre ». Ce sont des questions que j’ai porté déjà avec le premier solo. Comment survivre sur un plateau en tant qu’interprète. Quand tu es pénétré par trois entités, quand tu es pénétré par le public, l’oeuvre/l’auteur et par le chorégraphe. Cela s’appelait « Pour tout l’or du monde » et cela disait pour tout l’or du monde je le referai quand même ! Comme j’existe, de ma place de traducteur qui est aussi auteur. Et pourtant en tant que danseur je n’ai jamais réclamé de droits d’auteur. Car je ne pense pas avoir de droits là dessus précisément, mais en revanche je porte quelque chose, comme un droit matériel.

Le Cargo !

J’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui se répond entre le fait de ne pas vouloir être pris car physiquement différent et en même temps de te considérer, à la différence de beaucoup d’autres danseurs, totalement porteur de l’oeuvre que tu danses. De tout cela tu te retrouves en marge, non ? Même si tu travailles tout le temps.

Olivier Dubois

Oui, c’est sûr ! Mais c’est pour plein de raisons. Dans l’ADN, c’est dans ma nature sûrement. J’ai voulu travailler partout car j’ai la métamorphose, la transformation. Je dis qu’il est bien triste celui qui danse avec son corps. Avec les limites de son corps. Je n’ai jamais dansé avec les limites de mon corps. Il faut le transformer pour que le corps soit un outil complet. Même dans des endroits d’extrême violence pour le corps. Je suis allé très loin dans son utilisation. Parce que pour moi c’est un outil et il n’y a pas de problème. Vraiment aucun. Du coup c’est déjà un peu différent. Ce sont des écoles que l’on ne trouve plus beaucoup. D’avoir son corps complètement offert, comme il doit l’être, comme un outil de travail. Il peut être questionné, abîmé, sublimé aussi. On peut sentir très bon mais on peut sentir très mauvais aussi. Et c’est très bien… Donc dans la marge… oui ! De toutes façons… oui. Je le vois bien même aujourd’hui, dans toutes les pièces… Un jour on m’a dit « vous n’êtes d’aucune famille ». J’ai dit oui…

Le Cargo !

Ou de toutes …

Olivier Dubois

J’ai dit, en fait, je suis de la famille de celle qui n’en a pas. C’est Maguy Marin, qui n ‘a pas de famille. Ou alors je suis père de famille. Peut être… Mais oui, je ne suis dans aucune famille. Cela crée beaucoup de solitude, mais c’est aussi la singularité. On m’a appelé l’Enfant Terrible. C’est la plus belle déclaration d’amour… la plus belle. J’espère rester l’Enfant Terrible toute ma vie… parce qu’on s’inquiète toujours, qu’est ce qu’il va faire… Et cela ne sera jamais ce que tu attends. Cela dérange. C’est surtout le propre de l’art. De ne pas se conforter. Par exemple je me pose énormément de questions sur ce qui ce fait aujourd’hui. Plus on avance, plus je ne suis absolument pas adapté. Je ne comprends pas. Quand on me parle de genre, de migrants et quand on me parle climat.. mais depuis quand nous sommes des commentateurs journalistiques de la société, depuis quand un artiste c’est sa mission, sa vision même ? C’est très angoissant pour moi, je me sens de plus en plus seul là dedans… mais je continue ! Après j’ai quand même des soutiens, ça va ! Je ne vais pas me plaindre… ça va !

Le Cargo !

Tu disais que tu n’intègre pas le public au moment de la création, mais tu n’intègres pas non plus cette position, le fait que cela va peut être déranger…

Olivier Dubois

Non ! Mais moi je ne sais jamais…

Le Cargo !

Je me dis que c’est le prix d’une certaine liberté. Cela se paie. Même si tu n’as pas cette impression, ce qui pourrait être prétentieux, c’est ce que l’on te renvoie.

Olivier Dubois

Ce sont les gens qui font l’histoire, qui racontent et qui parlent. Je me bagarre pour avoir cette liberté. Et pourtant je ne suis pas un provocateur. On m’associe à cela mais je ne cherche pas la provocation. On a tous envie d’être là pour 25 000 ans. Si tu cherches la provocation c’est stupide car elle marche sur une époque, sur dix ans la provocation. Et je ne suis pas provocateur pour une franc ! Par exemple sur une pièce qui s’appelle « Révolution » qui dure deux heures et quart. Avec des femmes qui tournent autour de bars pendant deux heures et quart et cela hurle parce qu’au début elles tournent pendant trente minutes et que certains n’y voient rien alors que pour moi il se passe plein de choses. Après pour ceux qui tiennent c’est un événement ! Sur Faune je me suis insulté, craché, agressé dans la rue… mais vraiment … j’ai vécu des trucs… des insultes… Par la presse, par les gens !

Le Cargo !

Mais pourquoi cela provoque tout cela…

Olivier Dubois

Mais je ne sais pas !!!

Le Cargo !

Parce que à la limite tout cela n’a pas d’importance. Soit on rencontre le spectacle et on est dedans soit au pire on a perdu deux heures. J’ai vu ce genre de réactions ultra violentes pour des spectacles avec Denis Lavant, des propos hallucinants !

Olivier Dubois

Je ne sais pas ce que cela dérange. Je ne sais pas pourquoi je me suis fait insulter, vraiment agresser. La presse, la radio m’a traité… Ce porc qui danse, des choses vraiment très violentes.

Le Cargo !

Justement par rapport à cela, dans le solo une grande partie de la pièce est dû au hasard, les spectateurs tirent au sort ce que tu vas danser. Mais il y a deux ou trois passages qui reviennent à chaque fois, dont la scène à Avignon que tu racontes. JE l’ai vécu les deux fois où j’ai vu le spectacle avec une force incroyable, c’est aussi dérangeant et violent pour nous. Pourquoi revivre cela à chaque représentation ?

Olivier Dubois

Il y a aussi la Glorification qui revient, où l’on me couvre d’or. En fait soit on me couvre d’or, soit on me couvre de merde. Je crée de la passion ou de la haine, je n’arrive pas à trouver un milieu. Je dis appelez moi comme vous voulez mais appelez moi, et Dieu sait que l’on m’appelle de tous les noms ! Dans ce genre de parcours tu te poses beaucoup de questions, faut il continuer, pourquoi ? Quand je fais Faune à Avignon, j’arrive et c’est ma première pièce. J’avais fait un solo avant mais je n’avais pas de compagnie. C’est la première avec une compagnie. Avignon veut être producteur délégué, je refuse. Je préfère monter ma compagnie car j’avais peur qu’ils me fassent une sorte de filtre où tout serait magnifique. Et là couverture médiatique, Télérama en couverture, partout attendu ! Je fais une générale. Avignon me dit « tu as sorti un OVNI, tiens toi prêt ». Je connaissais très bien Avignon avec Fabre, j’ai tellement dansé la bas que c’était comme à la maison. Je n’avais pas le ciboulot qui avait gonflé, pour moi j’y dansais l’été comme d’habitude. Ce qui m’a beaucoup aidé quand… j’ai vu… ce qu’il s’est … passé ! C’était d’une telle violence… inattendue !!! Pour moi j’arrivais avec une pièce qui était clean et cool ! Tu rentres chez toi et là…. Olivier quoi… La douleur… L’injustice ! J’ai regardé la pièce sur la vidéo en me disant qu’est ce que je dois changer, qu’est ce que j’ai fait et en fait… non… la même… je fais la même ! J’ai pris des coups mais j’ai aussi eu des moments magnifiques. Mais je ne sais toujours pas pourquoi. Cela touche peut être à des endroits. Je ne sais pas !

Le Cargo !

Mais tu as besoin de revivre ce moment ?

Olivier Dubois

Dans le solo… le revivre… non ! Je ne sais pas… De le revivre, parce que cela m’a constitué. Cela a été une sorte de combat, pour exister. Et tu apprends qu’il faut faire ce que l’on à faire, qu’importe ce qu’il va se passer, c’est le propre de l’artiste. Mais c’est très bien si cela déplace. Pas si cela dérange, car je ne suis pas pour déranger, mais si cela déplace des choses, quand cela produit ces réactions c’est aussi hyper beau en soi ! Dans le Solo cela permet aussi de dire que cela n’a pas été qu’un long fleuve tranquille, pas du tout. Cela répond aussi à une époque. C’est arrivé à un moment où je dansais partout, j’étais partout, partout… Je travaillais avec qui je voulais, je gagnais très bien ma vie, j’étais en fait très peinard et j’ai fait cela, pris ce risque, en me disant on verra. Et cela a replacé le pourquoi je fais tout cela, même si j’avais déjà vécu beaucoup de violence comme interprète avec Fabre sur scène et avec le public. J’ai été emprisonné, enfermé dans des boites en verre, on m’en a fait des vertes et des pas mures. Ce qui est génial c’est que tu as donc plein de choses à raconter et que tu vis ce que plein de gens fantasment très certainement. Et cela donne du sens, cela remet tout cela à un niveau très humain.

Le Cargo !

Ce que tu raconte de ce qu’il s’est passé à Avignon cela rejoint ce que tu disais tout à l’heure sur l’interprète qui est porteur de l’œuvre. Ce que tu as vécu ce n’est pas l’auteur, le chorégraphe qui vit tout cela, c’est toi. Qui est sur scène, qui porte l’œuvre..

Olivier Dubois

Oui, c’est sa mission. C’est beau aussi. C’est dur, c’est injuste. Mais cela fait parti de mon métier ? Si je suis sur un plateau je défends une vision, je défends une œuvre qui peut parfois poser question. C’est donc aussi d’être au front. Je ne suis pas un amuseur. Dans le Solo ce passage répond à ce qu’il s’est passé à l’Avignon avec Fabre et qui répond à Faune qui a été la même chose et qui répond aussi au pourquoi du départ quand je dis que je ne voulais pas être engagé parce que j’étais différent. Une raison possible c’est que cette mise à mort de Nijinski n’a pas été acceptée du tout parce que c’était un gros qui dansait Nijinski. J’ai vu les articles de presse de 1912 ; le fameux scandale Nijinski, l’après midi d’une faune etc. qui est à mon sens une erreur, quelque chose de romancé sur la masturbation. On a romancé la question. La question elle est tout simplement qu’en 1912 Nijinski danse partout, c’est une star. Nijinski il est bondissant, il est virtuose, il sort l’après midi d’un faune, douze minutes, il est de profil et il fait un petit saut et on en voit jamais sa gueule. L’animal de foire n’a pas fait son exercice. Et on va le tuer. Et c’est ce qui s’est passé. Moi même avec le corps que j’ai je suis virevoltant, extrêmement technique, les jambes en l’air, dans tous les sens et là… qu’est ce que c’est ce truc… Et là on attaque parce que tu n’as pas fait l’exercice, tu te prends pour qui, tu n’as pas été virevoltant. Mais quand je l’ai fait je ne pensais pas faire cela, ce n’est pas ce que je cherchais, j’ai juste fait mon truc… Il m’a fallu du temps pour comprendre, beaucoup de temps.

Le Cargo !

Dans le solo tu recrées tout cela avec un public qui t’aime, acquis à ta cause pour une très grande partie. Pendant ces quelques minutes tu vas inverser ce rapport, tu les pousses dans leur retranchement des gens qui t’aiment.

Olivier Dubois

Parce que ce sont les mêmes. Les mêmes qui m’ont adoré et détesté. On est dans la passion. Ce sont ceux qui m’ont adoré qui m’ont craché dessus. Là vous m’aimez, on est tous beaux là maintenant, mais allez au bout de ce que vous êtes capable de faire dans la passion : tirez moi dessus. 2008 c’est Faune, c’est l’abatage, la mise à mort en direct. En 2012 j’arrive avec Tragédie, et là c’est l’inverse. Le public tape sur plateau, fait 200 mètres de queue pour le spectacle, cela n’a pas de sens non plus, cela n’a pas de sens. Mais aujourd’hui je pleure de ne plus avoir d’Avignon comme cela. De ne plus avoir un public passionné, dans un sens comme dans l’autre c’est sublime. Les monstres que nous sommes ne sont plus les bienvenus, même si on nous « adore », nous ne sommes plus les bienvenus. Alors on vient quand même nous voir, parce que l’on fait rêver, on nous fantasme. Pour moi comme un tyran, comme fantasme sexuel, de tout, mais rien dans la mesure. Et pourtant dans la vie je ne suis pas comme cela, je suis vraiment « normal », sans soucis ! Mais c’est le monstre, celui que j’ai toujours défendu, l’animal poétique, qui a une puissance universelle, qui peut faire peur, c’est vrai ! Il nous fait voir un autre, un ailleurs. Ce n’est pas moi sur scène qui fait voir quoi que ce soit. Denis Lavant est un monstre, parce qu’il n’est plus lui. L’art te dépossède de qui tu es. Sinon j’men fous. Si il n’y a pas ce la, cela n’a aucun intérêt. L’histoire de l’art s’est écrite avec des monstres. Aujourd’hui les programmateurs, les artistes sont responsables, pas la société qui est Panurge en fait. Après de mon coté je résiste à cela non pas de manière consciente. Je ne suis pas porteur d’étendard. Je suis convaincu que nous avons besoin d’être tous challengé, mais souvent on a peur. Il faut contenir le monstre que tu as en face de toi. J’ai compris que pour moi seuls des monstres pouvaient me tenir, me contenir sur scène et en fait grandissaient mon monstre. Et tu ne peux pas faire que ce tu aimes, car sinon tu n’es jamais perdu et cela ne te permet pas, ou alors avec beaucoup de chance, de te re questionner, de te ré inventer. Cela permet que cela ne soit pas toujours le même montre qui sort...

Le Cargo !

Comment fait on pour travailler avec des monstres ?

Olivier Dubois

C’est très simple. Amour, intelligence, c’est très humain.

Le Cargo !

Dans la mise à nu il y a une immense générosité et une part de narcissisme.

Olivier Dubois

Oui c’est tout à fait cela, enfin il n’y a pas de narcissisme.

Le Cargo !

Alors d’ego.

Olivier Dubois

Oui il y a de l’ego, mais pas de narcissisme. Comment veux tu tenir sans ego. Nous sommes dans tel endroit de vulnérabilité. Parce que tout artiste digne de ce nom se met à nu. Et il y a quelque chose qui tient, te fait tenir, c’est ton ego. Parce que tu essais de croire en toi. Un artiste sans ego qu’on me le présente, c’est ce qu’y te fait tenir droit. Tout le reste est un naufrage !! Tu es secoué, tu te transforme tout le temps. L’ego c’est ce qui reste de la dignité. Ce n’est pas un ego qui dit je suis le meilleur, c’est un ego qui te permet de rester digne.

Le Cargo !

C’est cet ego qui te permet de continuer après la violence d’Avignon.

Olivier Dubois

Non, ce n’est pas l’ego. C’est juste que tout cela est ma raison de vivre.

Le Cargo !

Mais quand tu le racontes, on voit cela comme hyper destructeur…

Olivier Dubois

Mais c’est… et c’est cela qui est intéressant. La construction, la destruction, la reconstruction… C’est non stop, tu n‘arrêtes jamais. On se construit sur nos ruines. Et on va nous bombarder, on va recommencer. Et parfois nous allons réussir à faire des palais, réussir à faire des temples. Cette part là c’est l’ego. C’est pas l’ego qui motive pour faire. L’ego te permet de tenir droit au Temps T. Mais il n’est pas moteur, générateur. Puisque tout ce qui va être généré, va être produit va être contre lui. Pour le secouer. Mais il faut qu’il sorte, pas en soirée, pas dans la vie, mais sur un plateau. C’est un ego très particulier. Il n’est pas conscient. C’est pour tenir droit et te sauver, c’est lui qui te sauve.

Le Cargo !

Et pourquoi la mise à nue physique ?

Olivier Dubois

Pour plein de raisons, mais surtout pour mettre ce corps à disposition. Dans une des enveloppes il y a un moment où je demande aux gens quelle partie de mon corps vous voulez toucher pendant une minute trente. C’est comme un idole. Et c’est aussi quelque chose que je partage avec tous. C’est simplement que nous avons tous un corps. Pour tous c’est un objet sexué, sexuel, sensuel, interdit. Fais ce que tu veux, vois ce que tu veux.

Le Cargo !

Il y a aussi l’idée de montrer un corps différent.

Olivier Dubois

Non. Moi je ne le porte pas comme différent. Je le sais, mais je ne le montre pas comme un événement. Jamais j’arrive en pensant regardez mon corps est différent. Je le sais, mais je ne le porte pas, je ne le pense pas.

Le Cargo !

Mais pourtant on en parle, quand je parle de ton spectacle j’en parle. Ce n’est pas le sujet du spectacle, mais on en parle. Car cela permet aussi au spectateur de se projeter différemment que sur des corps « parfaits » de danseurs étoiles.

Olivier Dubois

Je suis totalement d’accord, mais je ne l’ai pas en tête, car moi je danse avec un corps qui n’est pas le mien. Sinon je n’aurai jamais dansé. On oublie que le théâtre c’est Apollon mais c’est aussi Dionysos, et il est probablement beaucoup plus puissant. Ces deux là existent depuis l’antiquité et moi je suis plutôt un dionysiaque. Si j’arrivais avec mon corps différent, j’aurai l’impression d’être l’assistante sociale de moi même !! Je ne suis pas en psychothérapie non plus, mais je sais que cela permet aux gens… cela aide aussi à la fascination car on se dit « Lui il danse, là !! »

Le Cargo !

Oui, mais on sent aussi un travail titanesque.

Olivier Dubois

Oui j’ai bossé comme un fou !! comme un fou…

Le Cargo !

Au dernier solo que j’ai vu, tu étais assis face à un homme et tu avançais très lentement vers lui.

Olivier Dubois

Ha, Prêt à baiser !

Le Cargo !

On se dit il ne fait rien ou presque et tu finis tremper, transpirant… Donc on peut s’identifier à travers ton corps, mais quand on te voit danser on se dit heuuuu non… en fait….

Olivier Dubois

C’est un métier… (rires)… Sinon tu n’y arrives pas. Oui il faut une structure corporelle très forte. Eduquer son corps. La discipline… j’adore ça… j’adore la discipline de la danse. J’ai eu beaucoup de chance avec mon corps, je n’ai jamais eu mal… mais tout cela c’est pour avoir le maximum d’outils, pour jouer ! Ne plus être un danseur mais un homme qui danse, avec beaucoup, beaucoup d’outils !

Le Cargo !

Et pourquoi es tu passé à la Chorégraphie puisque tu as dit que ce n’était pas voulu… Ce n’est pas non plus une question d’âge ?

Olivier Dubois

Ha non pas du tout. Nous sommes en 2005 et je danse partout, je danse, danse, danse… je fais tous les étés… je fais au moins quatre spectacles dans Avignon ! Plein de compagnies… tout va bien ! Et arrive la proposition du festival d’Avignon et de la SACD de faire le Sujet à vif. C’est un tout petit truc dans le festival qui propose à des interprètes de collaborer avec un autre artiste pour créer quelque chose de trente minutes. Mais j’ai toujours trouvé cela importante car enfin on donnait une place à l’interprète et je trouve cela très beau et j’étais honoré. Je leur ai dit que je voulais travailler avec Claire Denis. On commence donc à travailler avec Claire et elle tombe très malade. Je me retrouve trois semaines avant la première tout seul ! Je dis à Avignon que je ne peux pas demander un artiste d’être la rustine, pas en trois semaines. Je leur dis la seule que je peux faire c’est ne pas respecter la règle et faire Olivier Dubois par Olivier Dubois ! Trois semaines… et ils me disent on veut que tu participes… et je crée « Pour tout l’or du monde »… par hasard ! Je crée cette pièce là. Je jouais à 18h. Je fais mon spectacle, puis tout le monde va voir d’autres spectacles… restent mes potes qui me disent ton solo est génial etc etc. mais ce sont mes potes ! C’est cool. Et puis tout à coup Avignon m’appelle pour me dire qu’ils ont je ne sais pas combien de demandes de théâtres pour acheter le spectacle. Moi je n’avais même pas de carte de visite !! J’avais pas de compagnie. Je n’avais rien. J’avais juste fait un solo, comme cela, pour rire ! Pour les propositions le festival s’occupe de ma production déléguée… c’est très cool ! Et on fait 250 dates et l’année suivante Avignon me dit on te veut pour le In, pour ta création. Je refuse trois fois, en leur disant que je suis danseur pas chorégraphe, c’est un autre métier… j’ai pas envie… je suis heureux, j’ai encore envie de danser. Et puis un jour je leur dis… ok j’ai une idée je veux faire quelque chose autour de l’Après midi d’un Faune ! Ils me disent tout de suite banco et ils s’occupent de tout !! Mais en fait je leur dis non, pas comme cela. Je veux monter ma compagnie, aller chercher les producteurs, pour savoir si j’ai quelque chose à dire ! Et en même temps je continue à danser à coté. Je monte ma compagnie, je crée Faune… qui est un abatage terrible. Avignon me soutient totalement. On commence avec une tournée de 40 villes quand même ! Et en même temps tout me dit d’arrêter… mais c’est trop tard, j’ai les veines ouvertes ! Et j’aime ça… et il faut que je crée et je continue !

Le Cargo !

Mais ce qui est fou c’est que ta première vraie création se passe très violemment…

Olivier Dubois

La première était un jeu, un amusement et même avec le succès je ne me dis jamais que je suis chorégraphe. Mais là je me dis que c’est dur mais j’ai monté ma compagnie et je veux continuer. J’ai envie de monter une pièce qui s’appelle Révolution. Avec 15 femmes. J’ai pas d’argent. Car j’ai perdu tous mes soutiens, t’es juste le tricard, personne ne veut m’aider. Alors malgré le budget énorme, je vais à la banque et je leur demande un prêt pour monter cette pièce en mon nom perso, je m’endette pour monter ce truc là ! Je n’ai que cela en tête ! Et c’est la première fois que je ne suis pas interprète, car sur Faune je dansais ! Je suis totalement à l’extérieur. On le fait, un accueil plutôt bon… trois dates… je continue à danser, pour d’autres chorégraphes… On la rejoue un an après et je ne sais pas ce qu’il se passe. Carton énorme, presse partout et là c’est repartit ! Je ne sais pas pourquoi ! Et tout est allé très vite. Pour tout, comme danseur, comme chorégraphe. Un exemple. Quand je fais Faune, je suis au bar du In à Avignon. Je connais absolument tout le monde. Personne ne te parle, la violence, l’ingratitude… on te fait des signes : « non, non ! ». Et il y a eu deux événement très forts. Je suis seul à une table et il y a Jan Fabre qui vient et s’assoit avec moi, Josef Nadj qui s’assoit avec moi et quelques autres qui s’assoient avec moi et on papote. Et un ami qui était là me dit as tu vu ce qu’il s’est passé ce soir. Je lui dis que j’ai parlé avec des amis. Il me dit non. Ces gens là ont tous vécu ce que tu as vécu et ils sont venus te protéger. Je n’y croyais pas totalement. Et toujours avec cette chose là, je suis allé faire un cri dans une île. Mais vraiment, je suis allé dans une île à coté de Cuba pour crier et je suis revenu. Et le même ami me demande ça va… je lui dis hummm… mais tu sais j’ai l’impression que l’on m’a mis dans une pièce, on m’a bandé les yeux et je ne sais pas où je suis. Il me dit Olivier tu as eu la considération que l’on donne à un artiste qui a fait 25 pièces. Et je sais que tu sais que c’est trop tôt, mais c’est comme ça. Il me dit maintenant tu as ton siège, prends le, assied toi. Et c’est cela, c’est allé très vite. Ce déferlement de haine, comme un déferlement de fascination. On en a parlé partout, tout le monde voulait voir le scandale. Après Avignon, nous avons joué à Beaubourg. Dans une ambiance glaciale.

Programmateur, co producteur… On le fait car il faut le faire !! Mais moi devant une salle bourrée à craquer je me dis que si c’est la même qu’à Avignon, je ne vais pas y arriver ! A la fin du spectacle, la salle debout, hurlant bravo...Et moi je ne comprends plus rien. Le programmateur revient en me disant j’adooooooooooore ! Mais tu as tout changé… heu non … rien du tout ! Mais toi par contre tu as changé, çà c’est sûr !

Le Cargo !

Est ce que le fait de travailler autant te permet aussi de tenir, de moins réfléchir à tout cela…

Olivier Dubois

Non je suis work addict, mais j’ai du temps. Pour réfléchir. Je réfléchis énormément. Je suis plein de doute, mais je ne supporte pas. Je dois l’affronter, et donc j’y vais car je ne le supporte pas. Les gens pensent que je suis sur de moi, alors que je suis juste quelqu’un qui est plein de doute ! Et j’y vais pour savoir. Sinon cela m’angoisse trop, mais en fait il y en a d’autres, et donc tu n’arrêtes pas. Car il y a les envies aussi, pas juste les doutes ! Envie d’essayer, d’être libre comme tu le peux, d’être heureux… plein de choses ! En tant que danseur j’avais le cuir épais, mais là avec les coups énormes que j’ai pris c’est une cuirasse que j’ai, très épaisse ! Quand on a traversé cela… en fait il y a ceux qui ont traversé cela… car tout est fait pour que tu arrêtes. Tout ! Personne ne te dit vas y continue, il n’y a que toi. Et tu ne continues pas par fierté ou par ego. Mais juste parce que c’est ta seule raison de vivre.

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publié par le 06/07/22