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publié par Renaud de Foville le 21/11/05
non stop
- road movie en béquilles
road movie en béquilles

Juin 2005

Dakota du Sud. Réserve indienne de Pine Ridge. Le jardin de Henry Red Cloud. Après une douche plus que fraîche et tout ce qu’il y a d’archaïque je m’allonge sur un des bancs de la table du petit déjeuner. J’ouvre en grand les deux portes de la voiture de location. Une technique qui me vient de la route du rock et qui permet d’écouter nos CDs... comme à la maison. Le lecteur de la voiture ne faisant pas le mp3 je n’ai pas beaucoup de choix. Pensant être seul dans le coin je me permets un petit Non Stop Fredo (c’est encore le nom sur la démo que m’avait prêté, il y a de cela plus de deux ans, Lithium, le défunt label, qui devait sortir l’album produit par Arnaud michniak car ils voulaient l’avis d’un père de famille sain et équilibré !!!). Allongé sur ce banc, perdu au milieu des états unis, dans un des coins les plus pauvres du pays et chez un peuple aussi beau et généreux qu’opprimé et ignoré les phrases de Non Stop claquent dans l’air. Les formules géniales s’entrechoquent dans mon petit cerveau d’européen bousculé par ce qu’il vit depuis quelques jours. « Je pensais que si je donnais ma photo à un tueur à gage cela me donnerait le goût du voyage ». Ce n’est pas juste une formule géniale et hilarante, c’est de la poésie, c’est une histoire, un livre, un film en quelques mots.

La journée commence à peine. Avant de partir travailler j’apprends que ce soir nous aurons le droit à une cérémonie de sudation. Henry et ses neveux vont nous préparer cette cérémonie toute la journée. Henry passe nous répète, content de sa blague, qu’il sait très bien qu’à Paris nous aimons que cela soit chaud, très chaud même. Damn Hot. Alors il va la faire, juste pour nous, vraiment chaude. Très chaude.

un crane de bison

Fin de journée. Autour d’un immense feu de bois qui a été activé toute la journée. Un crane de bison posé à terre me fait penser à Lift To Experience. En face du feu une tente en forme d’igloo. Très basse. Recouverte hermétiquement de tissus. A l’intérieur, au centre, un trou dans la terre. Henry nous a expliqué que c’était là que l’on allait déposer les pierres qui chauffent depuis plusieurs heures dans l’intense feu de bois. Le soleil va bientôt se coucher. D’autres français nous ont rejoint. Le jeune fils d’Henry est là aussi. Tout le monde se met en sous vêtement. L’atmosphère est détendue. Henry continue à expliquer à tous que les parisiens aiment qu’il fasse chaud, qu’il a fait en sorte que cela soit très chaud, pour nous, rien que pour nous. Ravis, nous en sommes ravis. Nous rentrons selon un ordre précis, le rituel, pour nous asseoir en cercle sous la tente. Henry est à droite de l’entrée, c’est lui le M.C. Je suis la seconde personne à gauche de l’entrée. à ma gauche Jean-Louis mon compagnon de voyage et à ma droite un des imposants neveux qui ressort pour amener les pierres sur une fourche dont s’empare Henry pour les placer méthodiquement au centre de la tente. Une vingtaine de pierres en tout, tellement chauffées que même leur centre est en feu ! le neveu nous rejoint en apportant un grand seau d’eau. Il ferme la « porte » et nous nous retrouvons dans le noir complet. La chaleur est plus que supportable et pendant quelques instants je me dis que si c’est cela leur « damn hot »... même le parisien que je suis peut tenir sans problème.

pierres incandescentes

En quelques instants l’atmosphère a changée. Henry qui nous a raconté avec humour comment allait se dérouler la cérémonie à changé de ton. Ses neveux ont commencé de superbes chants traditionnels pendant qu’il verse doucement des louches d’eau sur les pierres incandescentes. L’atmosphère se remplit de vapeur d’eau brûlante. La chaleur monte à une vitesse sidérante. Les chants nous pénètrent, nous transportent. La chaleur continue à augmenter. Le taux d’humidité devient tropicale. Assis en tailleur, je ne sais même pas comment je vais pouvoir tenir. La chaleur est insoutenable, délirante et continue de monter. Comme cette cérémonie se déroule en quatre temps je me dis que je vais devoir sortir dès la fin de cette première séance, fin qui tarde à venir. Je ne sais pas combien de temps cela a duré, mais mon corps se bat, essaie de s’adapter. Mon cœur, mes poumons, le sang, la transpiration... J’ai l’impression que je vais tomber, presque défaillir. Le seau est vide. L’atmosphère n’est plus que vapeur d’eau. J’ai l’impression de respirer l’air au dessus d’un volcan. Toujours assis en tailleur, les yeux fermés, transporté autant qu’écrasé je sens tout à coup la porte s’ouvrir. La vapeur d’eau s’engouffre dehors, la lumière lunaire qui baigne la tente d’une couleur surréaliste rend le spectacle saisissant. Instinctivement je me tourne vers la sortie pour respirer l’air frais de la nuit. A grandes bouffées salvatrices. Quelques minutes précieuses, quelques mots rassurant de Henry et je me dis que si je ne fais cette cérémonie qu’une seule fois dans ma vie, autant essayer d’aller jusqu’au bout et bien plus loin encore. Une cérémonie de sudation c’est un instant de prière, d’unité avec les autres et de solitude en même temps, un dépassement de soi, une introspection. Cette cérémonie vous permet d’apercevoir ce que peut être la transe.

allongés au sol

Un rapide coup d’œil rapide à tous mes compagnons me fait remarquer que les indiens ne se tiennent pas assis en tailleur, mais allongés au sol, une serviette sur la tête. position que j’adopte aussitôt et jusqu’à la fin de la cérémonie. Tout simplement parce que l’air chaud monte et que l’humidité de la terre permet de gagner quelques degrés. C’est dans cette position, la joue collée contre le sol (et alternant entre la droite et la gauche comme pour un steak qui cuit) que je vais finir cette première cérémonie dans un état second. Mon cœur, mon corps s’est peu à peu adapté. Les chants majestueux et les prières de chacun (pour ceux que l’on aime et pour « mother the earth ») me font peu à peu rentrer dans ce que j’imagine être un transe... je me retrouve, le visage collé au sol, parlant à voix basse et à moi même, des larmes se mêlent à la transpiration qui coulent abondamment depuis plus de deux heures. Je pense à tellement de choses que je m’y perds, je pense à certaines personnes qui m’apparaissent avec une évidence rare... je sens, je vois, je vis... Je répète sans cesse les mêmes mots, les mêmes sons, les mêmes phrases...

Red Cloud

La cérémonie se termine. Nous sortons. Admirer le feu qui se meurt doucement. La nuit étoilée est magnifique. Nous sommes peu loquaces, car personne n’est encore vraiment sorti de la tente... Henry nous avoue qu’effectivement, pour les parisiens que nous sommes, nous avons eu le droit à une séance chaude, très chaude... Tout le monde vient me demander ce que cela fait une première fois (chaque personne croisée les jours suivants me le demandera). Nous nous asseyons sur un banc, le corps purifié, l’âme bouleversée, j’écoute les histoires d’Henry... ses cérémonies les plus marquantes... ses hauts faits d’armes... Puis nous allons dîner avant qu’Henry ne me demande de raccompagner ses neveux... Deux ou trois heures plus tard je me retrouve sur les petites routes perdues de la campagne du Dakota du sud. Un de mes compagnons de cérémonie se penche vers moi et me demande dans la pénombre de la voiture de mettre le disque de Hip Hop français que j’écoutais ce matin. Il me dit qu’ils l’ont tous trouvé énorme... qu’ils ne savaient pas que les français pouvaient avoir un tel son... Le Road Movie en bequille de Non Stop défile, les kilomètres aussi... Personne ne parle. Je sais que les indiens ne comprennent pas les paroles, mais que le son, les mélodies, les arrangements, la voix, le phrasé leur plaisent. Puis vient le dernier morceau (l’avant dernier sur l’album sorti récemment). Le fils du soldat inconnu. Rupture total avec l’ensemble de l’album. Morceau sublime et sublimé par la journée que je viens de vivre. Le tableau est surréaliste, impressionnant. Les garçons sont ravis et étonnés par ces petits frenchies. Après cela les critiques peuvent raconter ce qu’ils veulent. Les vrais fils de soldat, les descendants de Red Cloud, l’un des plus grands chefs de guerre de l’histoire des États-Unis ont parlé.

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publié par le 21/11/05
Derniers commentaires
somnambule - le 25/11/05 à 18:19
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Fabuleux concert de nonstop ! Y a qu’un comme lui ! Si je le croise...

air - le 26/11/05 à 11:47

En effet énorme concert... tu sais il était avant et après dans la salle le Non Stop et en plus, je ne le connaissais pas avant, très sympa. Faut pas hésiter à lui dire si tu le croises ça lui fera très plaisir

Informations

Sortie : 2005
Label : ici d’ailleurs

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