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publié par arnaud le 11/01/06
nine inch nails
- [With_Teeth]
[With_Teeth]

Attente

Il aura fallu patienter six (longues) années pour enfin découvrir le successeur de The Fragile. Six années à gamberger sur la santé mentale de Trent Reznor ; six années à se demander quelle suite donner à un double album auquel certains reprochaient la richesse, le manque de concision, le caractère trop dilué du propos. Oh bien sûr entre temps sa majesté aura su alimenter au goutte à goutte les fans en manque, distillant ses morceaux dans des BO (Tomb Raider), un piètre album de remixes (Things Falling Apart), un live et surtout un album de réinterprétations plus ou moins acoustiques de certains de ses classiques : Still. Ce mini-album, en plus des morceaux retravaillés, présentait aussi un Nine Inch Nails atmosphérique et instrumental, qui laissait présager du meilleur. Impression encore plus tenace à l’écoute de And All that Could Have Been, unique pièce chantée inédite du disque, toute en tension retenue, qui avait fini d’aiguiser les dents de son public, prêt à s’arracher n’importe quelle fuite du prochain album.

Mission artistique

Et c’est bien de dents qu’il s’agit... [With_Teeth] a donc débarqué en milieu d’année, laissant apparaître un Reznor plus serein, moins en proie à ses propres démons, mais se voulant prêt à mordre à pleines dents... Mais mordre quoi ? Dans le succès ? Dans le confort d’une production aseptisée ? Dans une tournée best-of laissant une piètre place aux nouvelles compositions ? Tant d’interrogations soulevées par cet album, légitimées par l’attente, qu’il fallait laisser la bête reposer un moment avant d’en dire quoique ce soit. Après quelques mois, il apparaît clairement que [With_Teeth] est un album de transition, pas si mauvais que ça, mais pas bouleversant non plus. Qu’attendions nous ? Après l’intensité de The Downward Spiral, chef-d’œuvre absolu, incarnation du dégoût de soi, et un Fragile ambitieux voire aventureux, que pouvions nous espérer ? De l’éternelle question sur la mission artistique, faut-il continuer quand on a déjà donné une interprétation presque parfaite d’un état donné à un moment donné, faut-il toujours chercher un nouveau moyen, au mieux plus original, d’arranger ses morceaux, de les construire alors qu’on est déjà parvenu à s’inscrire dans l’histoire musicale en tissant une toile sonore complexe mais accessible ? Bien malin celui qui prétend avoir la réponse à ces sempiternels questionnements...

Efficace

Bien sûr que The Line Begins To Blur ou You Know What You Are ne souffriront pas la comparaison avec les plus anciens, The Wretched ou March Of The Pigs, mais elles demeurent de bonnes chansons. On regrettera seulement tout au long du disque ce manque de relief, l’absence de ces abysses insondables dans lesquels on sombrait à l’écoute de Something I Can Never Have ou de Reptile. Il semble que le bonheur, ou « la positive attitude » ne seye pas à la musique de M. Reznor, même si les textes restent assez fidèles à ses humeurs passées, leurs écrins ne sont pas toujours du meilleur effet (le groove efficace mais fade du single The Hand That Feeds, le refrain mièvre d’Every Day Is Exactly The Same), ou ne font que recycler certaines sonorités (un Only de bon aloi mais qui lorgne bien trop vers Pretty Hate Machine, et qui du coup fait un peu tache en plein milieu du track-listing).

Strict minimum

On aurait tout simplement préféré que le disque développe les ambiances de Beside You In Time, véritable morceau ovni de [With_Teeth], construit sur une nappe de ebow et de clavier entrelacés dans un tapis synthétique sur lequel viennent s’écraser des voix en écho. La sensation hypnotique de la chanson, son caractère « anti-climactic » comme disent les anglophones, cette manière de susciter l’explosion en l’évitant soigneusement (du moins en la limitant au strict minimum), voilà qui aurait mérité quelques explorations plus poussées. C’est un peu ce que l’on retrouve sur Home, laissé de côté et uniquement disponible sur quelques versions imports en bonus. Avait-on peur de dérouter ? Voulait-on privilégier le potentiel radiophonique de l’album ? C’est pourtant sur ce genre de chansons qu’on sent N.I.N. se mettre en danger, chercher à innover. Il y a peu de moments sur ces treize titres au cours desquels Reznor semble être poussé dans ses retranchements, et c’est bien regrettable.

Ballade vénéneuse

Pourtant les choses semblaient partir dans ce sens avec All The Love In The World et son électronique mise en avant, et surtout les prises de risques dans le chant. Mais rien de plus... La seule innovation du disque résiderait d’ailleurs dans la façon de chanter de Trent, qui semble se permettre quelques petites fantaisies de-ci, de-là. Mais comme à son habitude, il parvient quand même à glisser une ballade vénéneuse, un morceau dont lui seul a le secret, un écho à peine déguisé à Hurt ou The Great Below, histoire de mettre son auditeur K-O, les larmes aux yeux, complètement désorienté dans son appréciation de l’album. Comment détester un disque sur lequel figure une perle comme Right Where It Belongs ? Comme si le maître avait voulu brouiller une dernière fois les pistes en proposant un texte des plus ambigus, pouvant être interprété comme une description de l’isolement, de la solitude, de la misère auxquels peut donner naissance le statut de rockstar. Une manière à peine déguisée d’adresser aux fans déçus un « Et si finalement rien n’avait changé » dans un grand clin d’œil complice... Six ans... c’est long six ans ?

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publié par le 11/01/06