Je traverse la rue de cette ville qui a perdu son nom.

Regarde-moi.

Il fait chaud. Et moite. Va-t’il enfin pleuvoir ?

Regardez-moi.

Les voitures. Les gens. La poussière. Le bruit. La lumière du soleil qui disparaît derrière les immeubles.

Je me dirige vers le bar. Regarde-moi.

Mes pas sont lents, mes pas sont lourds.

J’ai le carnet. Serré dans ma main. Au fond de ma poche.

Quelques hommes en noir sont au bar. Silencieux.

Regardez-moi.

L’un d’entre eux se retourne. Et me dit. Cash. Qu’il a tiré sur un homme juste pour le regarder mourir. Il finit son verre.

Il fait nuit. Les lumières du bar éclairent faiblement les visages. Regarde-moi.

Un des hommes se lève. Marche comme un danseur, comme un félin. Il s’approche. Ses gestes, son visage, son regard. La lumière vacille.

Regardez-moi.

Une araignée grimpe le long du mur. L’homme passe à coté de moi. Il ne semble pas me voir. Il ne voit personne. Je serre le carnet dans ma poche.

Les autres se lèvent à leur tour, le suivent. Ils montent tous sur la petite scène.

Violon, contrebasse, banjo, guitare, piano.

C’est beau, envoûtant, émouvant, enivrant.

Ces hommes en noir, le visage fatigué pourraient presque nous faire croire en Dieu, en nous...

Regardez-moi.

Regardez-les.

C’est une musique pour l’âme, une musique pour le coeur, une musique pour les corps.

Sensualité.

Un battement de coeur. Un geste de la main. Un rythme. Une mélodie. Un voyage.