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publié par Mathilde Vohy le 26/03/20
Nazca - "Pour nous la musique est une nouvelle manière d’exister"

Quelque temps après leur passage au festival Fédéchansons à Paris, nous avions rencontré Juliette, chanteuse du groupe Nazca pour discuter avec elle de la sortie de leur troisième EP “Away”. Comment les quatre lyonnais composent-ils ? D’où viennent leurs inspirations folk et tribales ? Quels sont leurs projets pour la suite ? Dans cette interview, vous apprendrez un peu plus sur le passé, présent et futur de Nazca !

Salut Juliette, pour commencer on va parler de votre EP Away, sorti le 29 novembre. Peux-tu nous le présenter ?

Oui, c’est un EP qui est assez varié. Une des raisons principales de cette diversité est le temps que nous avons mis à le composer. Il y a des chansons qui datent plus que d’autres donc on peut y voir une certaine évolution et des ambiances assez différentes. Il y a des ambiances un peu gitanes comme sur le titre« Mac-Moi » par exemple, des choses plus urbaines avec « Back in the game » ou tribales avec « Loups ». C’est un EP que nous avons composé en anglais et en français et qui célèbre la capacité à se frayer son propre chemin parmi ceux qui préexistent déjà.

Comment l’avez-vous composé ? Y a-t-il eu des moments précis d’écriture ou cela s’est fait au hasard, à des moments où vous aviez envie d’écrire ?

On savait qu’on voulait sortir un EP à la rentrée 2019 mais nous n’avons pas fait de “camps d’écriture”. On a composé au fur et à mesure. Par exemple « Mac-Moi » c’est une chanson qu’on a écrite et qui existe sur scène depuis très longtemps et on avait très envie d’en avoir une trace digitale donc on a décidé de l’enregistrer. Et après « Loups » ou « Away from the way » sont quasiment toutes venues chacune à leur tour. Mais on a pas fait de grosses sessions d’écriture, on les a prises unes par unes et on les a emmenées au bout ce qui explique qu’elles soient assez variées. Ca nous a pris à peu près un mois à chaque fois pour terminer la maquette, et c’est comme si à chaque fois on allait au bout d’une expérience. « Loups » par exemple elle appelait quelque chose d’assez tribal, on est allés au bout de cette expérience tribale. Sur « Running », qui est plus une ballade folk, Marc avait amené la musique et Zoé et moi avons travaillé sur la mélodie et les paroles, et c’est comme si on était allés au bout de cette expérience folk. Comme elle arrivait après « Loups » ca explique que les voyages proposés soient si différents.

J’imagine aussi que votre mood au moment de composer influençait la création ?

Oui complètement !

Concernant votre organisation maintenant, le modèle est-il toujours le même ? Zoé et toi vous chargez des paroles et les garçons de la musique ?

Disons qu’il y a cette tendance, mais rien n’est figé. De manière générale c’est souvent Marc qui amène la musique, tout le monde gravite autour de cette idée de base et après j’amène le texte. Tout le monde y réfléchit mais c’est souvent Zoé et moi qui peaufinons. On veut que Nazca soit un projet collectif donc tout le monde doit valider et a son mot à dire.

Tout le monde doit aussi être présent lors de l’écriture ?

Pas forcément mais tout le monde relit et fait des retours. C’est important surtout que tout le monde chante donc il faut que les garçons puissent assumer les textes de la même manière que Zoé et moi.

Et chaque chanson prend donc à peu près un mois à être créée ?

A vrai dire, ça dépend. Quand je parle d’un mois c’est vraiment pour figer une mélodie avec les accords et les paroles. Mais je ne parle pas d’enregistrement, de mix et de master parce que ça, c’est encore plus long. Il y a des titres qui nous ont pris des mois et des mois de mixage parce qu’on ne trouvait pas la bonne personne avec qui collaborer. Non pas que les ingés son à qui on a fait appel n’étaient pas doués mais ils n’ont pas forcément tous les mêmes idées et approches que nous, et c’est normal.

Il me semble que vos autres EP étaient auto-produits, qu’en est-il de celui-ci ?

Oui, il est également autoproduit, en totale indépendance ! On a d’ailleurs reçu une subvention à l’autoproduction de la SACEM c’était une super nouvelle ! Pour les deux EP précédents néanmoins nous avions fait un financement participatif sur Kiss kiss bank bank et Ulule. Cette fois nous n’avons pas eu à le faire, c’était chouette d’expérimenter une nouvelle manière de s’autoproduire.

L’autoproduction est-elle un choix ou une nécessité ?

En fait l’autoprod a beaucoup d’avantages : notamment la totale indépendance et la liberté de création. Mais en même temps il y a un aspect financier non négligeable qui peut parfois être un frein parce qu’il y a des choses qu’on ne peut pas explorer par manque de moyens. Il y a déjà des labels qui nous ont approchés mais pour lesquels on a pas nécessairement eu l’envie de collaborer, on ne trouvait pas ça en cohérence avec notre projet. C’était donc un choix au début. Et après il y a des labels avec qui on aimerait collaborer mais qui, à l’inverse ne trouve pas ça cohérent non plus ! rires Donc en bref l’autoprod est un choix qui amène avantages et inconvénients. Il n’y a pas de solution idéale.

Parlons de Nazca en tant que groupe maintenant, comment vous êtes-vous connus tous les quatre ?

Zoé et moi, nous nous sommes connues au lycée, on était dans la même classe en seconde. Je cherchais un prof de chant et Zoé m’a proposé de venir dans sa chorale. Ils n’étaient pas nombreux et c’était presque du cours particulier. C’est là qu’on a lié une amitié et une complicité musicale. Après on a rencontré Marc qui a grandi au même endroit que nous. On l’a rencontré par des amis communs. Ensuite on a cherché un percussionniste quand on est arrivés à la fac à Lyon. On a mis des annonces et on a trouvé Navid qui est aussi devenu un ami. On s’est rencontré au fil des années lycée/fac quoi. Ca fait un petit moment maintenant !

Lorsque tu as rencontré Zoé puis Marc, y avait-il déjà un projet musical ou c’était simplement loisir et cela a pris de l’ampleur au fur et à mesure ?

Je crois que c’est plutôt la deuxième solution. Aucun de nous n’a jamais eu comme projet d’être musicien. En revanche la musique a toujours fait partie de nos vies. Au lycée avec Zoé on faisait de la chorale et de la musique. Quand on a rencontré Marc on a commencé à faire des fêtes de la musique et à jouer dans des bars mais c’était simplement pour s’amuser. Puis on a eu envie de s’investir un peu plus. C’était un projet qui nous portait mais sans forcément avoir l’ambition d’en faire notre métier. On a fait comme on pouvait, avec les moyens qu’on avait, on s’est donc mis à composer puis un jour on chantait sur un marché et il y a la programmatrice d’une salle à Lyon qui nous a vus, qui était hyper émue et qui nous a programmés. Ce fut notre première date officielle, pour laquelle on était rémunérés et tout ! Je crois que ca nous a stimulés et qu’on s’est beaucoup plus investis dans le projet à partir de ce moment clé. Ensuite tout s’est fait naturellement.

A quand remonte la rencontre avec cette programmatrice ? Y avait-il déjà Navid dans le groupe ?

Non il n’était pas encore là. On a cherché un percussionniste et rencontré Navid à peu près 6 mois après.

Quels étaient vos critères pour la recherche d’un percussionniste ?

Premièrement, on voulait quelqu’un avec qui, humainement, le feeling passe. Marc, Zoé et moi étions vraiment soudés, on voulait que cette quatrième personne soit aussi intégrée. Navid sur le plan humain s’est rapidement intégré puisqu’il a une très belle dimension sociale. La première fois qu’on s’est rencontré on a beaucoup parlé, après il nous a joué des percus et en plus il a toute une éducation musicale orientale qui nous a parue super intéressante pour le projet. Ca a élargi l’horizon de ce qu’on avait l’habitude d’explorer tous les trois. Quand on faisait des compos sur l’ordi on mettait des percus basiques, lui apportait quelque chose de nouveau, cela nous a directement plu !

C’est de lui que vient la podorythmie en concert ?

Non, ça ça date d’il y a très longtemps ! On avait vu le concert d’une artiste qui s’appelle Yoanna. Elle fait une musique qui n’avait rien à voir avec la nôtre mais elle avait une espèce de petite planche de bois comme ca dont elle jouait avec ses pieds. J’ai demandé à mon père si on pouvait essayer d’en fabriquer une, ce qu’on a fait, et on a mis un capteur relié à un boitier pour programmer des sons. Quand je tape sur la planche cela lance un son programmé au préalable. Ca permet d’avoir une précision unique !

Je trouve que l’instrument est même intéressant scéniquement parlant, qu’en penses-tu ?

Oui j’adore en faire ! Ca me met dans le mouvement de la musique, ça me fait danser ! Ca allie le visuel au son. Il se trouve d’ailleurs qu’à l’origine c’était les bluesmen qui jouaient de cet instrument assis.

En effet, ça remonte ! Pour revenir à la vie du groupe, aujourd’hui, vivez-vous de votre musique ou vous devez travailler à côté ?

On ne vit pas de Nazca malheureusement. C’est souvent un cap qu’il est difficile de franchir pour de nombreux artistes. On a donc tous des petits boulots à côté. Zoé est prof d’anglais, Marc est autoentrepreneur, il fait des sites internet, et Navid et moi sommes intervenants en musique dans les écoles.

Et il me semble que Marc est également manager du groupe ?

Oui exactement !

Ca le relie à Nazca au quotidien comme ça !

Oui c’est clairement celui qui pense le plus à Nazca au quotidien. Il est multifonctions !

Le groupe s’est-il directement appelé Nazca ou êtes-vous passés par d’autres noms ?

Non, on a toujours eu celui-ci ! En fait, avant Nazca, j’étais dans une école de théâtre et j’avais failli appeler un de mes projets “Nazca”. J’avais pensé à ce mot, qui vient du verbe naître en espagnol et qui s’utilise à cette forme pour dire “il est temps que vous naissiez”. Je trouvais que la sonorité était hyper belle. Ca claque sur la langue, il y a une belle dynamique et en même temps il y a de la douceur. Et c’est assez court en plus. Quand on cherché un nom de groupe j’ai vraiment eu à coeur de l’appeler comme ça parce que pour nous la musique était une nouvelle manière d’exister. C’était une nouvelle façon de s’exprimer, il y avait une forme de renaissance. Nazca nous nous paraissait donc pertinent. C’était une manière de se rappeler que la musique était avant tout une éclosion et une invitation pour les gens qui écoutent à renaître et à débuter un nouveau cycle dans leur vie. En me disant je me rends compte que ça fait un peu vieux discours hippie ce que je dis ! rires

Je trouve que le nom du groupe est bien en phase avec l’identité du groupe, musicalement ou visuellement parlant.

Bon ça va alors, yoga friendly quoi !

Tu parlais de Yoanna qui vous avez inspirés. Y a-t-il d’autres artistes qui vous influencent ? Les références sont-elles les mêmes pour vous quatre ?

Nous n’écoutons pas les mêmes styles de musique. On a des goûts variés mais il y a des artistes sur lesquels on se retrouve et qui nous font vibrer en tant que membres du groupe Nazca. Et d’ailleurs c’est rigolo parce que souvent ce sont des groupes dans lesquels il y a des soeurs. On est très inspirés par Ibeyi, les First Aid Kit, Haim et les Soeurs Boulay par exemple. En fait je pense que les soeurs ont des complicités vocales qui nous parlent de suite à Zoé et moi qui nous connaissons vocalement depuis très longtemps et qui cherchons cette connexion. Après il y a plein d’autres groupes qui nous influencent et qui ne sont pas des soeurs hein ! Genre Florence and the Machine on adore, The Do ou Pomme.

Et quels sont les artistes qui ne vous rassemblent pas spécialement ? Toi par exemple, qu’est-ce que tu écoutes qui touche moins les autres membres de Nazca ?

Par exemple j’ai beaucoup écouté l’album de Delgrès, je leur ai fait écouté, et ça ne les a pas percutés autant que moi. J’écoute aussi beaucoup de chanson française genre Vincent Delerm ou Camille, j’écoute leurs albums en boucle. Marc, lui, a une sensibilité assez pop. Il va écouter des choses qui vont moins me toucher, j’en reconnais quand même la qualité mais simplement ça me touche moins au coeur.

Est-ce que ces artistes t’influencent également dans l’écriture de vos chansons ?

Je pense que nécessairement oui parce que ce sont des choses que j’écoute beaucoup donc qui sont en moi et qui vont ressortir que tu ne le veuilles ou non. Après Nazca étant un projet particulier, quand on va écrire des choses on va écrire pour que ca sonne Nazca. Il y a des choses que j’écris mais je ne les soumets pas au groupe parce que ca ne rentre pas dans le projet. Et Marc c’est pareil, quand il compose des musiques il y a des choses pour lesquelles il dit par exemple “oh ça c’est pour quand j’aurais un projet électro” ! rires Donc je ne sais pas vraiment dans quelle mesure Camille et Vincent Delerm ont une influence dans les textes de Nazca tu vois ! Pas au premier abord en tout cas.

Pour finir quelle est votre actu ? Y a-t-il une petite tournée qui suit la sortie de l’EP ?

Il y a beaucoup d’options mais notre prochain concert certain est le 10 avril à la Parenthèse à Ballan-Miré (bon du coup plus vraiment certain compte tenu de la crise sanitaire actuelle, vous l’aurez compris...)

Allez-vous repasser par Paris ?

Je ne sais pas trop, je sais qu’il y a des options de dates mais rien de confirmé donc je préfère ne pas trop m’avancer. On manquera pas de communiquer en tout cas !

Pour finir, qu’est ce que je peux vous souhaiter ?

D’arriver à nous ressourcer parce que la sortie de cet EP a été fatigante et d’arriver à défendre notre EP le mieux possible sur scène. C’est un endroit qu’on aime tous les quatre parce qu’on ressent concrètement le pouvoir et la nécessité de la musique .

Un dernier mot pour la fin ?

Quand on parlait de compo je n’ai pas mentionné Nicolas Steid qui a composé avec nous « Back in the game » et fait les arrangements de « Mac-Moi ». Ce serait bien de préciser que pour ces morceaux Nicolas nous a aidés et c’est d’ailleurs la première fois qu’on collaborait avec quelqu’un d’extérieur ! Et c’est bien parce que ca apporte quelque chose de frais et nouveau.

C’est un musicien ?

Oui oui c’est un musicien, arrangeur, compositeur et auteur. Il a plein de groupes, et a notamment beaucoup bossé pour Ma Pauvre Lucette et Melba, grâce à qui on l’a rencontré.

Je ne manquerai pas de le noter, merci Juliette !

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publié par le 26/03/20