accueil > articles > albums > Mogwai

publié par arnaud le 06/05/06
Mogwai
- Mr Beast
Mr Beast

Splendeur d’antan

Trois ans après Happy Songs For Happy People, difficile de savoir si les meilleurs moments de Mogwai sont à conjuguer au passé, tant les Ecossais brouillent les pistes depuis six ans. La volonté évidente de refuser le systématisme confortable dans lequel ils auraient pu sombrer après le succès de Come On Die Young ou le mélancolique EP qui avait suivi, est tout à leur honneur, néanmoins, on ne peut pas dire que le groupe ait depuis retrouvé la splendeur d’antan. Rock Action, qui de l’avis même des musiciens, avait pris trop de temps en studio, avait difficilement convaincu : disque très court et un peu "mal dans sa peau", comme un ado quittant le cocon familial, cherchant ses marques sans oser la rupture définitive avec ses racines. Dans cette optique, Happy Songs... était certainement plus réussi, ramenant la musique de Mogwai vers un format plus "pop", misant sur l’immédiateté plutôt que sur les ambiances diluées (comme celles de May Nothing But Happiness Come Through Your Door sur Come On Die Young) ou même les décharges de décibels (façon Summer sur Ten Rapid). Mais avec le temps, il faut bien reconnaître que l’on écoute bien plus volontiers le Mogwai des débuts que celui-là... C’est un peu le même sentiment qui domine à l’écoute de Mr. Beast, disque somme toute agréable mais qui n’a rien de sensationnel.

Anecdotique

Auto Rock en ouverture annonce la couleur : piano, programmations rythmiques, qui semblent faire echo à Sine Wave sur Rock Action, lequel marquait déjà l’influence de Barry Burns (cinquième homme ayant rejoint la formation pendant l’élaboration de Come On Die Young), dont le style semble complémentaire (mais les mauvaises langues diraient antagoniste) de celui de Stuart Braithwaite, plus marqué par les sonorités distordues et grand amateur de metal. C’est d’ailleurs un son très heavy-metal qu’utilise le titre suivant, Glasgow Mega-Snake, essayant d’imposer en 3’30’’ un Mogwai qui marcherait dans les pas d’un Pelican, voué aux riffs et aux ambiances plombées. Le résultat reste anecdotique. Même chose pour Folk Death 95, avec ses incursions agressives qui tentent de faire oublier les orchestrations de synthé qui les précèdent : on a du mal à y trouver de l’originalité, pire, de l’interêt. Car là où les Américains jouent avec nos nerfs, distillant une tension insidieuse - paradoxalement l’une des qualités des Ecossais de la grande époque (souvenez vous des sautes d’humeur deLike Herod morceau à déconseiller aux cardiaques !) - Mogwai faillit à acrocher l’auditeur, à le maintenir en haleine. Il n’est pas question de durée, puisque par le passé le groupe avait facilement relevé le défi en à peine deux minutes avec par exemple un impressionnant Ithica 27phi9.Non, il s’agit plus d’un état d’esprit qui manque cruellement aux nouvelles compositions de Mr Beast, à l’image des mélodies douce-amères de Team Handed ou Emergency Trap, qui charment sans jamais passionner. Reste un bon single instrumental, Friend Of The Night, à l’intro cousine de Rage:Man (sur le EP de 1999), mais qui au contraire de son prédecesseur, succombe au schéma facile du couplet/refrain/couplet ... Le monde à l’envers pour un groupe affranchi des paroles, et donc à même d’éviter les plans éculés.

Les voix comme salut ?

Peut-être que le salut de Mogwai est à chercher du côté du chant ? On fait la grimace. Car si Acid Food essaie bien de nous rejouer le coup de C.O.D.Y. avec un chant voilé et mélancolique sur fond de guitare slide, ses refrains sont malheureusement gâchés par un vocoder du plus mauvais effet (souvenir de Happy Songs... dont on se serait bien volontiers passé !). Travel Is Dangerous, interprétée par Barry, sort un peu plus son épingle du jeu, sans jamais pourtant parvenir à imposer une patte particulière, on a plutôt l’impression d’assister à un exercice de style, plutôt bien maitrisé, de pop song aux refrains parcourus d’une décharge sonore façon mur du son, mais dénuée d’âme. A la différence de I Chose Horses qui, se servant de la voix du japonais Tetsuya Fukagawa, chanteur-hurleur du groupe Envy, ici dans un spoken word des plus apaisés, mise plus sur l’atmosphère, et, même si certains effets vocodés sont encore de la partie (soupir), la rythmique sourde et le piano économe soutiennent habilement le morceau pour en faire l’une des plus belles réussites de l’album.

Dépassés

Mogwai cherche à avancer, mais a peut-être oublié que ses points forts résident dans les longues montées hypnotiques chargées de delay, jamais très éloignées de l’explosion. Bien sûr, il serait vain de prôner ce même systématisme albums après albums, mais force est de constater que le groupe a le plus grand mal à imposer sa personnalité lorsqu’il s’en éloigne. Et quand il essaie de renouer avec ce style, comme sur le final We’re No Here, on a le sentiment cruel d’écouter un de ces groupes un peu trop influencés par Young Team ! Eh oui, on pensait que parmi leurs admirateurs, personne n’arriverait jamais à la cheville de ces véritables dieux-vivants, mais pourtant il faut bien reconnaître qu’un groupe comme Explosions In The Sky, semble proposer en 2006 beaucoup plus de fraicheur et d’enthousiasme que Mogwai. Il est peut-être temps de tourner une page, à contre coeur...

Partager :

publié par le 06/05/06