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publié par gab le 03/09/20
Midnight Oil
- Unplugged (1993)
Unplugged (1993)

Midnight Oil est de retour depuis 2017 après la longue parenthèse politique du chanteur Peter Garrett. Pas de nouvelles chansons au programme mais tournée mondiale et sortie d’albums live et de raretés. Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de les voir extraire des cartons des lives de nature et d’époques assez différentes. Il y a donc eu les débuts avec des concerts de 1978 et 1981, urgence et guitares cinglantes. Il y a évidemment eu un rendu des concerts récents avec un double album enregistré en novembre 2017 (Armistice day*) sous forme de rétrospective puisqu’il puise dans tous leurs albums. Il permet de constater que la soixantaine bien tassée, le groupe est encore très en forme. Mais celui qui retient toute notre attention cet été au point de nous accompagner jusqu’au fin fond des Alpes est un live enregistré en 1993 à New York sobrement nommé Unplugged et qui a la particularité comme son titre l’indique d’être réalisé en formation acoustique.

aparté

Il faut dire qu’en 1993 le concert acoustique a le vent en poupe, le succès du MTV Unplugged de Nirvana ayant donné le tournis à toute l’industrie musicale (Midnight Oil ne dérogera d’ailleurs pas à la règle et en fera un lui aussi). 1993 correspond aussi à la fin de l’âge d’or de Midnight Oil qui a trusté le haut du pavé musical mondial coup sur coup avec Diesel and dust (1987) et Blue sky mining (1990) et qui remet sa couronne en jeu avec son nouveau disque Earth and Sun and Moon (1993). C’est donc un groupe au sommet de sa notoriété qui s’autorise un aparté acoustique en mode détendu pour défendre ses nouveaux titres. Sans surprise, on retrouve 4 titres de cet album : "Feeling frenzy" marque l’arrivée des claviers dans un groupe à guitares (le début de la fin ?), "In the valley" qui dans un joli contrepied est à la guitare acoustique sur l’album et au piano solo ici, l’hymnesque "My country" pour clore le live et surtout en ce qui nous concerne une version addictive de "Truganini". On était passé à côté d’Earth and Sun and Moon à l’époque et c’est plutôt justifié à l’écoute du disque aujourd’hui sauf pour ce titre. En effet, "Truganini" est le dernier morceau épique de cette période, construit sur le même mode tout-harmonica-et-chœurs-dehors, couplets descriptifs de la vie dans l’outback australien et refrains cingl’engagés (ou l’inverse) que ses prédécesseurs. Ici, le groupe porte son attention sur la question du rattachement de l’Australie à la couronne britannique (symbolisé par la présence de l’Union Jack sur le drapeau) et, plus classiquement, continue sa lutte pour la reconnaissance du traitement calamiteux des aborigènes (Namatjira est le premier peintre aborigène reconnu dans les années 50 et Truganini la dernière aborigène de Tasmanie au XIXe siècle). Si l’orchestration originale est plutôt bonne, le passage à l’acoustique donne une dimension et une émotion supplémentaires au morceau. Il n’est jamais trop tard, ce sera la révélation du disque.

reconnaissance

Pour le reste, c’est tube sur tube et la part belle à l’album Diesel and dust. "Blue sky mining" et "Sell my soul" vont main dans la main, débordant d’énergie communicative. "Warakurna" est poignante comme au premier jour. Et bien entendu "Beds are burning" et "Dead heart" tiennent leur rang de leaders : "Beds are burning" étonnant sur un rythme un peu laidback, presque détendu, et "Dead heart" magnifiquement introduit et soutenu par un didjeridu qui vient souligner toute sa dimension politique. La cause aborigène a beaucoup évolué depuis la fin des années ’80, le premier ministre a officiellement demandé pardon en 2008 pour 2 siècles de « deuil, souffrance et perte » et Midnight Oil a incontestablement œuvré pour cette reconnaissance en mettant la pression et attirant l’attention avec ses morceaux. Il reste beaucoup à faire côté social et santé pour atténuer les inégalités toujours très fortes. Il reste aussi encore des symboles à contester (la fête nationale, Australia Day, le 26 janvier, commémore l’arrivée des premiers colons à Sydney en 1788 et se voit de plus en plus renommée « Invasion day »). Et on ne se lancera même pas sur le front de l’écologie (autre marotte du groupe). Plus que jamais en 2020, il semble qu’on ait besoin que Midnight Oil revienne dans le paysage médiatique pour faire entendre sa voix car si on ne danse plus beaucoup ces temps-ci, nos lits, eux, brûlent plus que jamais.

"Truganini", extrait du MTV Unplugged pour le coup

* Armistice day possède d’ailleurs une excellente version acoustique de "Kosciusko" (du nom de la plus haute montagne d’Australie et non de notre Kosciusko-Morizet nationale) qui aurait complété à merveille cet Unplugged-ci.

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publié par le 03/09/20