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publié par gab le 15/04/10
Mickaël C. Alasèv
- Has a taste of blood mixed with dust
Has a taste of blood mixed with dust

C’est sous la forme d’un uppercut qu’Alasèv nous revient ces jours-ci avec le bien nommé Has a taste of blood mixed with dust, voire d’un coup de pied dans le foie, ce qui fait toujours son petit effet surtout après un week-end pascal bien chargé. Changeant de nom au passage, Mickaël C. Alasèv est de retour, certes, mais en réalité c’est un homme nouveau qui s’impose à nous, qui s’attaque à la vision désormais déformée qu’on se faisait de lui et de sa musique. Car si on retrouve bien sa voix rauque et ses guitares rêches si caractéristiques, on est au départ un peu déstabilisé par les pertes : perte d’un certain mélange de cultures, perte d’une ouverture au monde, perte de cette incitation si communicative au voyage libéré de toute contrainte. On reste donc un moment interdit, on passe quelques écoutes à rechercher, impuissant, ce qui n’est plus, avant de comprendre, ses doigts de pieds chatouillant fortement notre rate, que c’est en réalité un homme ancien qui nous revient, fort de ses absences justement, parlant directement aux nôtres.

impact

Vous l’aurez compris, le temps des touchantes approximations de l’album précédent est lui aussi révolu, place à une musique carrée, dense, ramassée même. Et c’est dans cette dimension compacte, dans cette tension palpable, dans cette linéarité aussi, qu’on perd justement cette fameuse ouverture et qu’on gagne en force d’impact. Comment fait-on pour passer d’un univers aussi extraverti à un monde si introverti le temps d’un album ? La question mérite d’être posée mais en tout cas Mickaël C. Alasèv nous livre aujourd’hui son pendant / ses penchants introspectifs et remués. Car attention, ne vous fiez pas trop aux termes introverti et introspectif, trop souvent synonymes de musiques minimalo-rebarbatives, non, ne vous y trompez pas, c’est bien en ordre de bataille rangée que notre homme part au combat, et la bataille est d’autant plus sanglante qu’elle est interne. On peut se tromper évidemment, dès qu’il s’agit de lire des intentions ainsi, mais s’il est un bon moyen d’accéder à cet album, il semble être là, entre colère et remise en question, via un dialogue corporel très intense.

branches

Ce sont donc, vous l’aurez compris, la linéarité et la tension qui frappent le plus aux premières écoutes. Dès le premier morceau "West" le ton est donné, peu de place pour les ruptures intra-morceau, les refrains dans la continuité des couplets, les guitares s’emballent progressivement et aucun retour en arrière n’est possible. Pas de concessions. Seul "Your favourite song" maintient une ouverture et un refrain suffisamment accrocheurs, lui conférant d’emblée le statut mérité de single. Et heureusement qu’il est là d’ailleurs pour permettre à l’auditeur de se raccrocher aux branches aux premières écoutes, de maintenir une volonté active de découverte en profondeur du reste de l’album. Ensuite, une fois l’œuvre du temps réalisée, la boite à trésors s’ouvre à nous : la douceur captivante d’un "Blow" superbement interprété, ces deux instrumentaux passionnants ("az #1" et "az #2") et surtout le triptyque "The world is now", "Revolver" et "The painter" toutes guitares dehors. Trois morceaux proches dans l’exécution et la composition tel un escadron d’aviation en formation serrée, paré à l’attaque. Une unité marquante, une complémentarité exemplaire avec le paradisiant "Revolver" en leader incontesté et une préférence tout personnelle pour l’ailier "The painter" moins tapageur certes, mais tout aussi émérite.

manque

On quitte enfin l’album sur deux clins d’œil, car comment chanter la pluie d’été (l’excellent "Summer rain") sans qu’on ne pense instantanément au "English summer rain" de Placebo (même si les deux morceaux n’ont rien à voir musicalement) et comment inclure des arpèges indiennisants ("Folk september") sans qu’on ne pense par association d’idées à "The end" des Doors (même si une fois encore les deux morceaux n’ont pas grand-chose en commun). De quoi faire mentir en deux titres nos accusations précédentes de manque d’ouverture ! De quoi surtout nous laisser espérer un nouveau revirement, ou enrichissement tout du moins, pour le troisième album : si Mickaël C. Alasèv et ses camarades pouvaient faire se rencontrer les grands espaces du premier album et l’intensité du second, nul doute qu’ils tiendraient là un sacré disque.

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publié par le 15/04/10
Informations

Sortie : 2010
Label : autoproduit

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