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publié par Mickaël Adamadorassy le 27/09/18
Mercury Rev - L'Alhambra, Paris - 25/09/2018

Ça faisait quelques années que l’on n’entendait plus parler de Mercury Rev, depuis l’album The Light In You en 2015 pour être exact, et voilà qu’on découvre au hasard de notre flux facebook qu’ils sont toujours là et qu’en plus pour fêter les vingt ans de la sortie de Deserter’s Songs, l’album qui les a fait connaître, ils font une tournée "acoustique et intimiste" autour du répertoire de ce disque. On commence à avoir l’habitude des ces tournées où l’on joue intégralement un album qui a 20 ans (c’est qu’on se fait vieux, comme aime à le rappeler le club des 40-50 du Cargo !) : Death Cab for Cutie pour Transatlanticism, The Black Heart Procession pour 1 et bien d’autres mais clairement on ne pouvait pas louper ça !

Culte

Deserter’s Songs même si ce n’est pas l’album qui nous a fait aimé le groupe, c’est un disque aussi culte que ceux qu’on vient de citer, une musique qui sort du lot, qui vous ouvre de nouveaux horizons, qui vous change un peu : à la fin des années 90, après le grunge, les arrangements orchestraux, ce chanteur qui se prend pour Peter Pan, ce côté grandiloquent, épique, les digressions instrumentales, la scie musicale. Tout ça c’était presque extra-terrestre. Deserter’s Songs et les prestations scéniques de Mercury Rev ont tout d’un coup rendu ça possible, crédible et aussi excitant que cette mythologie grunge avec laquelle on avait grandi.

Le dernier disque

Et donc nous voilà dans l’Alhambra, petit théâtre parisien plutôt music-hall et spectacles que "music tout seul" mais un bel écrin pour ce genre de prestations acoustiques, ejuste la taille qu’il faut pour se sentir entre amis. On grogne un peu parce que c’est assis et que même si c’est intimiste quand c’est assis on est toujours un peu frustré.

Maise là on a surtout l’impression d’être un privilégié, d’avoir la chance d’assister à quelque chose de rare, très différent des concerts du groupe qu’on a pu voir auparavant. Et ça n’a pas que l’absence des arrangements orchestraux, du son massif et bien léché qu’on leur connait. C’est aussi l’attitude du groupe, très souriant, venu jouer mais aussi se raconter à son public. Très humble aussi : Jonathan comparera même Mercury Rev à une bande de "hoboes" (SDF, vagabond) là où sur scène il ressemble plus à un dandy anglais, rejeton rock’n’roll d’un baron ou d’un duc de.

Alors qu’il est habituellement peu locace, Jonathan passera pas mal de temps à parler du disque et de son contexte, en se mettant vraiment à nu. Sur ce que c’est que d’être un artiste, persuadé d’avoir sorti sa grande oeuvre, celle qui le portera au firmament et de se prendre dans la figure ... la brit-pop et de sentir que plus personne ne va s’intéresser à un groupe qui fait des chansons de neuf minutes et utilisent à profusion cordes et vents. Comment lui et Grasshopper étaient presque ruinés à l’époque et n’attendaient plus grand chose de la musique. Ils ont commencé Deserter’s Songs en pensant que ce serait leur dernier disque.

No hay banda No hay Orchestra

Le groupe ne joue pas tout à fait en acoustique mais dans une configuration sans batterie, avec Jonathan Donahue à la guitare acoustique, Grasshopper en électrique mais avec un son adapté à la situation (moins chargé en effets et en saturation... ) et deux musiciens additionnels, un claviériste et un bassiste qui joue aussi certaines parties d’orgue avec sa guitare.

Avec une telle configuration, le résultat est forcément beaucoup plus dépouillé que le disque. Logique sans l’orchestre. Mais ce qui n’est plus là laisse plus de place à ce qui reste, on a jamais autant profité de la voix, de toutes les petites nuances de Jonathan, aussi bien compris les paroles. Les parties de piano sont très belles et suffisent largement comme armature aux chansons, sur laquelle la guitare de Grasshopper vient se greffer, c’est parfait quand elle est sobre, tout juste parée d’un peu d’écho et légèrement saturée, un peu plus brouillon quand les sons deviennent plus complexes.

Mise à nu

Les parties d’orgue récupérées par la guitare sont une bonne idée pour offrir un peu de la densité du son dont on a l’habitude avec Mercury Rev mais près de la scène, là où le son des amplis s’entend beaucoup plus que dans la sono, c’est parfois un peu too much, surtout quand Grasshopper part lui aussi sur des sons plus chargés, on se dit que placer les deux guitaristes de chaque côté de la scène auraient pu aider à garder un son plus propre, plus raccord avec le piano-voix. Mais bon on est là dans le pinaillage, on retiendra surtout que ces versions (presque) acoustiques d’un disque très sophistiqué n’ont pas du tout à rougir, elles sont la preuve même si on n’en doutait pas que ce n’est pas que l’emballage raffiné, l’accumulation des strates sonores qui faisaient de Deserter’s Songs un grand disque. Mises à nu les chansons sont toujours aussi belles et émouvantes.

Dommage que le concert soit un peu court et que le groupe n’est pas fait de rappel malgré une longue séquence d’applaudissements d’un public finalement assez nombreux. Même s’il ne remplit pas la salle complètement il est aussi très chaleureux et enthousiaste entre les morceaux, pendant c’est le silence respectueux qu’on connait bien à Paris (et qu’on préfère, tout particulièrement pour les concerts qui jouent sur la corde sensible et les nuances.Mais on est content aussi que le groupe ne se soit pas limité uniquement à l’album et nous ait joué The Dark is Rising. Et puis ils ont beaucoup donné, oubliant complètement le concept acoustique pour un final à rallonge bruitiste et bien jouissif. Ce qui restera, c’est surtout ce plaisir qu’on a pris à redécouvrir ces morceaux qui font partie de notre histoire musicale avec un groupe qui montre lui aussi une autre facette dans sa manière d’être sur scène.

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