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publié par Mickaël Adamadorassy le 23/05/06
May fly
- Curtain Fall
Curtain Fall

May Fly. Il y a du conditionnel,de l’irréalisé dans ce nom. Coïncidence ou pas, c’est un peu ma conclusion quand à ce Curtain Fall, deuxième effort de ce groupe lyonnais faisant partie du collectif Limbrock, auquel on s’intéresse depuis pas mal de temps sur le cargo (Cellar Door, les For The Chosen Few y ont été etc etc...). Aux commandes on retrouve Yves qui a commencé May Fly comme un projet solo lui permettant de jouer les compositions ne trouvant pas leur place dans le répertoire de son autre groupe, Unwise. Sa soeur, Nathalie le rejoint plus tard au chant et à la guitare et la formation se complète ensuite d’un batteur, Ben.

Voilà pour la biographie de rigueur et revenons-en à notre divagation sur le nom du groupe, le conditionnel, tout ça... Ce qu’il y a de bien dans l’irréalisé c’est qu’il laisse ouvertes bien des portes alors avant d’en arriver à la conclusions mentionnée plus haut, je m’en vais vous montrer qu’il y a pas que du conditionnel mais pas mal de choses qui donnent bien envie de s’envoler aussi.

It’s just a dream

Ca commence comme ça, la voix de Nath enveloppée de reverb, une progression d’accords que le piano répète inlassablement. La thématique n’est pas tellement originale, c’est simple, dépouillé mais ça sonne juste et ça prend aux tripes. La voix ou plutôt les voix, y sont pour beaucoup dans le déploiement de cet univers mélancolique dans lequel on se retrouve aspiré en quelques mesures, mais l’instrumentation qui se développe est très bien pensée aussi : synthé analogique qui malgré l’utilisation des filtres ne dépareille pas avec le côté intimiste, nappe d’ebow[petit appareil permettant de faire durer les notes de guitare indéfiniment] qui se fond très bien avec le synthé pour donner un son très homogène. Et puis à la fin une montée très réussie où on regrettera juste pour la forme une certaine raideur, ça ne se lâche pas tout à fait comme il faudrait (alors qu’on imagine qu’en live c’est le cas).

Ca s’appelle « Is it mean to me » et une seule écoute a suffi pour que je sache que je voulais chroniquer cet album. Le genre de morceau qui à lui seul justifie l’achat d’un disque. Qui fait dire que May Fly peut aller très loin (haut ?). Et qui vous donnerait envie d’y mettre la main à couper. Sauf qu’on en est qu’à la première piste et que tout n’est pas parfait. Alors je garde ma main encore un paragraphe ou deux et on en reparle à la fin.

Much

Après un morceau de bravoure comme celui qu’on vient d’évoquer, on est dans les meilleures dispositions pour écouter la suite. L’ennui c’est que même si le morceau suivant s’appelle Higher, il fait carrément retomber la tension. Non pas que ce soit une mauvaise compo, en fait il n’y aucun titre dénué d’intérêt sur cet album, simplement les sonorités de celui-ci font que l’univers mélancolique dont on se délectait quelques minutes avant commencent à devenir étouffant, à l’image des nappes qui constituent l’essentiel de l’instrumentation et qui sont plus lassantes qu’autre chose.

Du coup, September fait l’effet d’un beau rayon de soleil avec ses guitares douces, son glockenspiel et sa batterie dont l’impact se ressent beaucoup plus, comme pour conjurer les mauvais jours peut être... Un morceau très réussi qui fait un peu penser au Radiohead de Pablo Honey et qui surtout relance bien la machine.

Le problème c’est que le morceau suivant retombe direct dans une léthargie encore plus profonde et déroule trèèès lentement son spleen. Pourtant encore une fois pris tout seul, il y a des bonnes choses dedans.

Too much

Et ce phénomène de chaud-froid continue globalement sur tout le disque, sauf que si on est encore là, c’est qu’on a choisi d’adhérer à l’univers du groupe, les brisures et les rechutes s’intégrant alors dans l’écoute. Et puis chaque morceau amène sa saveur particulière, le piano de Glass Shining Leaves, la ligne de chant de Spider Step où la voix qui se sature et où on trouve la rythmique la plus rock du disque. Par contre, les tout dernier morceaux sont moins convaicants et il faut avouer qu’il n’est pas évident d’écouter Curtain Fall en une seule fois.

Surtout que pour parler des choses qui fâchent (un peu), les recettes sont souvent les mêmes, que ce soit à la guitare ou au piano, une progression assez répétitive, le chant doublé un peu trop systématiquement et puis une batterie jouée trop souvent façon acoustique et qui manque pas mal de pêche (en partie à cause de la production qui lui donne un son très unplugged/jazz) et qui plutôt que de chercher à être en osmose avec le côté intimiste/acoustique aurait peut être pu se poser en contrepoint et aider à briser l’effet un peu monotone qui s’installe sur les plages les plus mélancoliques et lentes du disque.

une question de choix

May Fly n’a fait deux choix discutables avec Curtain Fall : d’abord celui d’en faire un album long et difficile à digérer, là où ils auraient pu faire 2 Eps qui auraient eu une critique très élogieuse et ce sans le moindre doute. Ensuite celui d’une production qui ne rend pas toujours grâce aux morceaux en les passant dans le même moule, en envisageant le son toujours sous le même angle. Pourtant en un seul morceau, ils sont capables de montrer qu’ils ont un talent indéniable. En trois ou quatre, il construisent un univers résolument attachant grâce à ces deux voix complices et une instrumentation bien pensée.

Dommage qu’ils en aient mis un peu trop ce coup-ci mais en tout cas May Fly est un groupe qui mérite qu’on s’y intéresse et dont je crois fermement que les prochains opus peuvent être des coups de maître, car la question n’est pas de savoir s’ils vont y mettre de la qualité mais plutôt s’ils sauront où s’arrêter. En attendant, sans conditionnel et au présent, il y a ce Curtain Fall, avec un extraordinaire Is it mean to me et quelques autres très bons morceaux qui en justifient amplement l’acquisition, pour peu que vous aimiez les atmosphères mélancoliques et intimistes.

PS : Le nouvel album de May Fly est sorti pendant que je finissais cette chronique, il s’appelle "our Hands" et on en reparle très vite sur Le Cargo.

Si vous êtes pas convaincus, allez-écouter Is It Mean To Me ici et si ca vous remue pas au moins un petit peu l’intérieur, je crois qu’on a plus rien à se dire....

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publié par le 23/05/06
Informations

Sortie : 2004
Label : Autoproduit