La rentrée 2018 n’a pas été franchement très excitante niveau séries, en particulier pour qui aime le fantastique et la SF. On a même frôlé la disette avec l’annulation de The Expanse, heureusement reprise par un autre network. Mais donc pas grand chose de neuf à se mettre sous la dent et puis on tombe sur Origin, produite par Youtube Premium (anciennement Youtube Red). Une série de SF... pas de stars à la réalisation, au scénario ou dans le casting, pas de buzz autour de la série... mais peu importe on se lance à l’aventure !
le neuvième passager
L’Origin est un vaisseau de colonisation en route vers la planète Thea. Les passagers sont plongés dans un sommeil artificiel, surveillés par un équipage minimal le temps du voyage. Qui est long même si on est dans un futur où on maîtrise le voyage à la vitesse de la lumière. Ils sont censés être réveillés quand le vaisseau arrivera à proximité de Thea.
Evidemment ça ne va pas se passer comme ça : la série débute avec le réveil difficile des passagers d’une section de l’Origin, éjectés de leur "cocon" de voyage avec personne pour les accueillir. Ils se rendent compte très vite que l’équipage et le reste des colons a abandonné le vaisseau à cause d’un incident grave qui a transformé certains passagers en psychopathes meurtriers. Parmi les survivants, personne ne se connait, une des conditions du voyage était que tout le monde bénéficie d’un nouveau départ et se débarrasse de son passé. Alors quand le sang commence à couler, la situation devient encore plus explosive : comment savoir à qui on peut faire confiance parmi des inconnus et comment trouver le ou les meurtriers ?
Recyclage
On retrouve dans Origin beaucoup de choses déjà vues en SF, : un huit-clos horrifique sur un vaisseau spatial, on pense tout de suite Alien bien sûr mais aussi plus récemment à Passengers (2016) pour l’aspect vaisseau de colonisation où une partie de l’équipage affronte des avaries techniques imprévues, au jeu Dead Space aussi pour le côté horrifique. Dans le roman Six Wakes de Mur Lafferty (2017), on retrouve presque à l’identique la même problématique de départ : un équipage qui se réveille et découvre qu’un de ses membres est un meurtrier. Mais Six Wakes introduit dans l’équation le clonage et la possibilité de numériser son cerveau voir de leur reprogrammer, ce qui pimente énormément les choses. Origin est beaucoup moins riche et se contente de faire son marché dans la culture cyberpunk/SF pour construire la toile de fond à son histoire. Cela manque donc d’imagination et d’ambition en terme de message social ou philosophique, tout ce qui fait que la SF peut revendiquer dépasser le statut de simple littérature "de genre".
Efficacité
Si l’arrière-plan est fade, qu’en est-il de l’histoire elle-même et des personnages ? là encore les développements ne sont pas tous follement originaux mais par contre, le casting est attachant et on sent quand même qu’à défaut d’audace le scénariste Mika Watkins est un bon professionnel : chaque épisode est bien construit et se termine à la fin par un cliffhanger qui bouscule les certitudes et la sécurité toute relative des héros et vous donne envie de regarder le suivant. La construction de la saison sur dix épisodes est aussi un modèle du genre, on est pas spécialement surpris de la manière dont les choses se passent mais c’est suffisamment bien fait pour que ce soit prenant, et la fin monte en puissance, vous faisant enchaîner les épisodes jusqu’au dénouement.
Lost in space
Globalement on a donc plutôt bien aimé notre passage sur l’Origin et les personnages, en particulier, Shun le yakuza repenti beau gosse et Lana celle qui est toujours gentille. Par contre, il y a quand même deux gros défauts à souligner dans la série qui sont plus ou moins liés :
1 - HÉ LES SCÉNARISTES VOUS NOUS SAOULEZ AVEC VOS PUTAINS DE FLASHBACKS. Oh je te maudis Lost d’avoir popularisé cette mécanique narrative dont certains abusent. Pire, si dans Lost le flashback avait toujours une sorte d’écho dans le présent ou éclairait le pourquoi d’un comportement, dans Origin c’est beaucoup moins pertinent. L’idée est plus de vous imposez l’histoire d’un personnage pour dessiner son caractère en quelques traits. Ça aide à faire dix épisodes mais ça dilue aussi la force du huit-clos et rien qu’en entendant le bruitage "fschiouuuuuu" caractéristique du flashback je me disais "oh non encore un".
2 - on va appeler ça la règle Keyser Söze : et ouais c’est toujours à toi que je parle scénariste : quand ton final de saison repose sur une grande révélation, pour que l’effet soit ouffissime et qu’on se rappelle de toi vingt ans après, il faut que tu l’aies préparé toute ta saison en laissant des indices visibles mais invisibles au premier visionnage, que tu remontres donc à la fin pour que ton spectateur ait l’impression que tout était là et que tu l’as mystifié à la loyale. Sans ça la révélation se transforme en pétard mouillé.
A moins que la vraie révélation soit... mais non je ne dirais rien de plus.... Ne partez-pas du principe que vous savez déjà tout, vous risquez quand même d’être surpris par Origin !
Mention honorable
Au terme de cette première saison, cela peut paraître étonnant vu les défauts que l’on vient de soulever mais Origin se révèle être une série SF tout à fait regardable avec des personnages sympathiques et une intrigue qui à défaut d’être originale est bien construite et vous incitera à la fin à un binge watching des familles pour avoir le fin mot de l’histoire. C’est déjà pas mal et en fait si vous êtes fans de SF ou juste de bonnes séries "efficaces", on recommande sans arrière-pensée Origin.