En première partie, pour chauffer les 17 000 spectateurs présents ce soir là, Orelsan a choisi de mettre à l’honneur ses acolytes, à travers la discopop de Powerdisc (groupe formé de son percussionniste et son guitariste/claviériste) et le rap de Phazz (son producteur) avant que le décor du concert ne se mette en place. Un immeuble, la pluie, quelques fenêtres éclairées. La représentation d’une nuit d’apparence tranquille, avant que le bâtiment s’enfonce dans le sol et laisse apparaître, sur son toit, celui que tout le monde attendait.
Orelsan entame ce concert comme il a commencé son album La fête est finie : par la chanson « San ». Des mots puissants et un flow bien affûté ; la preuve en quelques mesures qu’il n’y a pas que sur le toit des décors qu’Orelsan est perché, il est aussi sur le toit du rap français.
« Ma vie, c’est d’trouver les mots justes »
S’ensuit un récital des chansons de La Fête est finie et de son Epilogue sorti en novembre. Le rappeur appelle d’abord Ablaye, son acolyte de toujours, pour faire pogoter le public sur « Basique », fait des dédicaces à ceux avec qui il a chanté sur ces disques avec « Zone » et « Christophe », tourne un clip en live sur « Tout ce que je sais », et tire un trait d’union entre les deux albums grâce à « Bonne meuf » puis « Adieu les filles ». Orelsan ne lésine pas non plus sur l’accompagnement musical et chante « La lumière »] sur une instru jouée au mélodica. Enfin, ses fans de la première heure en manque de paroles crues sont servis avec « Quand est-ce que ça s’arrête »].
Bien qu’en tournée pour son dernier album, Orelsan n’a pas pour autant oublié ses classiques et les singles qui l’ont fait connaître. L’artiste se sert en effet de deux titres majeurs de son précédent album solo pour marquer une transition dans le show. « Le Chant des Sirènes », qui donna son nom à l’album et qui fustige le star-système, puis « Suicide Social », vive critique de nos sociétés modernes, s’enchaînent. Les mots frappent fort et certaines punchlines résonnent même différemment quand on sait que le concert est retransmis à la télévision.
Le clip de « Suicide Social »
J’viens d’Caen, ça s’entend, j’ai l’accent bas-normand
Si depuis presque 10 ans, le musique et les paroles d’Orelsan ont suivi les évolutions du rap, son sujet d’écriture favori tient, lui, contre vents et marées : la Basse-Normandie. Chaque album du rappeur a en effet pour tradition de contenir au moins une chanson dont les textes font référence à la région qu’on se doit aujourd’hui d’appeler “Normandie” et plus particulièrement à sa capitale politique, la ville de Caen. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’Orelsan y est né, en août 1982. Mais également parce qu’il y a étudié et fait des rencontres qui ont marqué sa carrière musicale. Premièrement Skread, devenu son producteur, sur les bancs de l’Ecole de Management de Normandie, puis Gringe, avec qui il créa le duo Les Casseurs Flowteurs, dans magasin de skate à Caen.
A l’AccorHotels Arena, Orelsan ne manque pas de répéter son attachement à “la ville aux cent clochers”. D’abord en faisant de multiples références à Comment c’est loin, film tourné à Caen, dans lequel il raconte ses difficultés à écrire un album avec Gringe. Il ironise ensuite la météo normande dans sa chanson « La Pluie » puis narre l’histoire de Caen à la manière d’un guide tourisique dans « Dans ma ville on traîne ». Enfin, le public se donne à pleine voix sur « La Terre est ronde », un de ses titres les plus populaires, dont le message n’est autre que “Après avoir fait l’tour du monde, Tout c’qu’on veut c’est être à la maison”.
On restera la meilleure famille qu’on n’ait jamais eue
Hormis son attachement à la Normandie, lors de ses deux dates à Paris, Orelsan a également chanté l’amour qu’il portait à sa famille. “Aurélien une chanson ! Aurélien une chanson !” : le public a anticipé ce passage du concert et réclame, via cette référence ironique, la chanson « Défaite de famille ». Après avoir tiré un portrait très caricatural de son entourage, Orelsan rebondit vite sur « La famille, la famille », qui sonne comme une série d’excuses pour ses proches présents. Sa grand-mère Janine est d’ailleurs de la partie avec une apparition sur les écrans de l’AccorHotels Arena pour « J’essaye j’essaye », leur touchant duo. La famille, pour Orelsan, c’est également sa femme, à qui il livre une belle déclaration d’amour en chantant « Paradis ».
Le clip de « Défaite de famille »
Amis rappeurs français, vous allez pas m’manquer
Outre l’enchaînement des chansons qui ont fait le succès de ses trois derniers albums solo, Orelsan a aussi pris la peine d’offrir des feats exceptionnels à son public lors de ces deux dates à l’AccorHotels Arena. La soirée du 5 décembre est l’occasion pour MHD, connu pour être le “précurseur” de l’”Afrotrap” de venir chanter « Le Temps », dernière collaboration en date avec Orelsan. Les spectateurs honoreront également la présence de Eugy pour un remix de « Tout va bien » et de Lomepal afin de présenter « La Vérité » son premier feat avec le rappeur caennais.
Le lendemain, les invités sont tout aussi nombreux. Gringe, Suikon Blaz AD, et Vald viennent chanter « Qui dit mieux », les soeurs d’Ibeyi interprètent « Notes pour plus tard » et Damso, qui avait invité Orelsan quelques jours plus tôt sur cette même scène, interprète « Rêves bizarres ».
Discipline, discipline, discipline
« Discipline », c’est le nom d’un des morceaux de son dernier album et le mot caractérise plutôt bien le travail d’Orelsan. Au sortir de ce concert, nous avons le sentiment que l’album qui a donné lieu à cette tournée est celui que le milieu musical aime appeler “album de la maturité”. La preuve, le Caennais parle désormais de lui à la première personne et ne se cache plus derrière le visage des personnages de fiction auxquels il était accoutumé. Une fois le masque tombé, Orelsan ose même l’introspection, la sincérité et l’autocritique.
S’il n’a plus à prouver la qualité de son écriture, il a aussi la particularité d’être un artiste complet et de ne pas négliger la partie musicale, ce qui est loin d’être le cas de tous les rappeurs. Sur scène, aucune instru n’est enregistrée et Manu, à la batterie, Phazz au clavier, Eddy à la guitare et à la basse, et Skread aux platines et synthé s’autorisent même quelques jolis solos.
Enfin, Orelsan se distingue également par une scénographie bien pensée. L’artiste, bien que seul sur cette si grande scène, occupe parfaitement l’espace et s’accorde quelques bains de foule en fin de concert. Les deux heures de show s’achèvent et Orelsan repart comme il était arrivé : pyjama à l’effigie de sa marque Avnier, casquette blanche vissée sur sa chevelure en train de blanchir, laissant derrière lui un public qui n’en finit plus d’applaudir.