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publié par Mélanie Fazi le 15/02/13
Maissiat
- Tropiques
Tropiques

La musique de Maissiat coule de source. Sans hésitations ni faux pas, elle impose d’entrée de jeu un ton bien à elle, avec élégance et maîtrise. Plutôt que de nous cueillir à l’estomac, elle commence par nous emporter doucement, comme un courant tranquille, au gré des motifs aquatiques du piano. Et puis, lorsqu’on s’est laissé entraîner assez loin de la rive, elle se dévoile pleinement. Avant même de s’en rendre compte, on a déjà tissé un lien fort avec ces dix chansons.

Nuit mythomane

C’est grâce à l’écriture, en premier lieu. Ciselée, littéraire et précise, mais musicale avant tout. Il y a chez Maissiat une incroyable aisance pour dérouler les rimes et imprimer une rythmique aux syllabes : le texte lui-même devient musique. Tropiques regorge de trouvailles et de jeux de langage jamais gratuits. Une écriture poétique au sens premier du terme, comme en témoigne le texte envoûtant de « Jaguar », l’un des plus beaux morceaux de l’album, qui déroule à l’infini des images belles et surprenantes : « Le ciel est génie diamantaire/La nuit jaguar/L’orée panthère/Nuit mythomane/Tourne lubie ». Bien qu’il n’y ait musicalement pas grand-chose de commun, on pense à la densité de certains textes de Gainsbourg (« Cargo culte » pour n’en citer qu’un) où aucun mot n’était jamais laissé au hasard.

Comme un courant

La musique de Maissiat est sans âge. Pas toujours, mais souvent. Si quelques morceaux, notamment « Tropiques », adoptent une tonalité plus contemporaine, beaucoup avancent sur cette frontière fragile qui sépare le désuet de l’intemporel. « Le départ », « Soûle » ou « Trésor » ont ce petit quelque chose qui lorgne vers le classique immédiat : le morceau qui vous parle dès la première écoute et vous reste aussitôt en mémoire. Les mélodies sont aériennes et fluides et portent les mots comme un courant, toujours – c’est l’image qui revient sans cesse pour décrire cette musique. Les ambiances sont teintées d’une mélancolie diffuse, légère, et paradoxalement grisante. Il y a là des atmosphères de fin de soirées un peu troubles (« Jaguar »), des mélodies capiteuses (« Soûle » la bien nommée), des réminiscences douces-amères (« Les fins de nuit », intimiste et lyrique à la fois). Et une façon très belle de glisser à la surface des émotions, comme dans « Le départ » : le texte est d’une infinie tristesse mais la voix n’y plonge jamais vraiment, peut-être grâce à ce vouvoiement hors d’âge qui la tient à distance (« Allez en paix mon cœur/Puisse un jour le mien vous retrouver »).

Grâce absolue

S’il fallait ne garder qu’un instant de cet album pour en saisir toute la beauté, ce serait l’enchaînement sublime qui fait succéder « Soûle » à « Jaguar ». Deux morceaux à la virtuosité tranquille, à la mélodie grisante et au texte enchanteur. Qui suffiraient à eux seuls à illustrer cette évidence : la musique de Maissiat respire la grâce, tout simplement. Et Tropiques augure de magnifiques choses à venir.

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publié par le 15/02/13