On nous avait promis une soirée riche en surprises. Tout commence en effet par le vernissage d’une exposition consacrée au très beau travail photographique de Sarah Bastin autour de Maissiat dans le restaurant de la Maroquinerie. Suit une première partie un peu spéciale puisque, comme l’annonce Chet qui jouera les animateurs à grands renforts de jeux de mots volontairement navrants, la première partie de Maissiat sera ce soir assurée par Maissiat. Bien entourée cependant, pour une série de « Duos sous les tropiques » au cours desquels des invités se succèdent sur scène pour des reprises de Jane Birkin (« Quoi ») ou encore Brigitte Fontaine (« Harem ») : Robi, Wladimir Anselme, Jeanne Cherhal, Mina Tindle, Tatiana Mladenovitch (Fiodor Dream Dog) ainsi que Katel, qui a réalisé l’album de Maissiat et l’accompagnera sur scène pendant le concert lui-même. Première partie qui se conclut par une improbable reprise de « Destinée » (celui de Guy Marchand, oui) pour laquelle les invités reviennent faire les chœurs et Tatiana Mladenovitch jouer de la batterie tandis que Robi brandit un briquet allumé.
Lorsque les lumières s’éteignent de nouveau après une courte pause, des bruits évoquant le chant des grillons s’élèvent doucement tandis qu’une série d’ampoules disposée au plafond crée l’illusion d’une nuit étoilée. Les premiers mots de « Jaguar » flottent dans l’air, hypnotiques comme toujours : « Tourne indigo, tourne rubis… » Et « Jaguar » nous emporte comme à chaque fois, évoquant l’ambiance dense et irréelle de la fin de nuit où fut composée la chanson. Assise au piano pour la majorité des titres, Amandine Maissiat laisse ses mains courir sur le clavier, imprimer à ses mélodies une pulsation chargée de tension. L’instant est parfait, magnifié par un très beau jeu de lumière qui met en relief sa silhouette et fait ressortir son regard souligné de noir. La soirée déroule une par une les chansons du splendide Tropiques, ponctuées de nouvelles apparitions d’invités : Vale Poher sur la chanson-titre qu’elle a contribué à composer, Bertrand Belin sur une très belle version de « Paradis ». Maissiat se déplace davantage sur scène que lors de concert plus intimistes, interagit davantage avec le public, notamment lorsqu’elle s’essaie aux reprises : « Tombé pour la France » d’Étienne Daho, qui tranche avec l’ambiance de la soirée mais qu’elle s’approprie avec aisance, puis une reprise d’Elvis en anglais plus inattendue. Les atmosphères sont belles et denses, l’osmose entre les musiciens est évidente, le public visiblement fan refuse de les laisser repartir au terme de ce « Départ » toujours aussi poignant - alors l’un des rappels en proposera la face jumelle, la « Réponse » de la personne défunte à celle qu’elle a laissée derrière elle.
Le concert nous aura semblé plus dense, plus intense aussi, que celui du Café de la Danse qui avait succédé à la sortie de l’album. La poésie onirique des textes de Maissiat, la belle fluidité de ses mélodies, la présence de sa voix, s’incarnent sur scène avec autant d’aisance et d’évidence que sur disque. Un bel univers, une belle aventure qu’il nous tarde de voir se poursuivre.