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publié par Mathilde Vohy le 03/06/20
Macadam Crocodile - "L'idée qui nous rassemblait ? Faire un DJ set en étant musiciens"

Macadam Crocodile, on connaissait le groupe de nom mais ne nous étions jamais vraiment plongés dans leur discographie et leurs lives. Nous étions convaincus d’aimer le fruit de la réunion de Xavier Polycarpe et Vincent Brülin sans forcément pouvoir mettre des mots sur la musique qu’ils proposaient. C’est l’annonce de l’enregistrement de leur EP en direct du Badaboum en avril dernier qui nous a réellement motivés à piquer une tête dans l’univers de ces deux personnages précieux du paysage musical français. Nous y avons découvert un mélange de charisme et d’énergie. Des mélodies disco-funk et des ambiances électriques créées par de vrais instruments de musique. Cette rencontre entre le sang chaud de deux reptiliens et l’urbanisme des clubs dans lesquels ils jouent et enregistrent nous a immédiatement saisis. Privés de live à cause du confinement, nous avons dévoré Back in the ring, leur EP sorti le 22 mai, et dansé sur leurs sessions maison. En attendant de pouvoir de nouveau transpirer à leurs côtés dans une salle de concert, nous vous proposons une presentation endiablée de ce CD par les deux énergumènes qui l’ont créé !

Depuis la sortie de votre EP Back in the ring j’imagine que vous enchaînez interviews et journée de promo, ça va ? Pas trop fatigués ?

Xavier & Vincent : On n’arrête plus c’est insupportable ! (rires) Non on a fait pas mal de phoners, de petites vidéos, de sessions live pendant le confinement mais pour ce qui est des interviews “physique” on a tout centralisé pour notre journée de promotion aujourd’hui. Donc tout va bien !

Pouvez-vous nous parler de cet EP ?

Vincent : Bah c’est un disque quoi c’est tout ! (rires) Non, c’est un live en fait. C’est un gros challenge parce que ce live est notre premier disque. Il n’y avait pas d’album que les gens connaissaient et qu’on allait juste sortir sous une autre version. Là c’est la première vitrine du groupe.

Xavier : En fait on a fait une soirée événement appelée "Rec party" en disant aux gens “venez on enregistre notre disque ce soir la et ce sera filmé”. Déjà c’est stressant parce que tu enregistres un disque mais aussi parce que tu peux pas te louper parce que des gens sont là pour y assister. Il y avait une pression supplémentaire. En studio tu peux faire et refaire tant que ça ne te plait pas. Là c’était juste “on fait”. Ce challenge nous plaisait et correspondait à la manière dont le groupe avait vécu jusqu’ici, c’est à dire en live. C’est comme ça que les morceaux ont pris forme et c’est comme ça que le disque devait être. D’un point de vue commercial c’est pas le plus simple pour commencer mais on avait envie de le faire comme ça alors on l’a fait !

Est-ce la première fois que vous enregistrez en live ?

Vincent : Moi j’avais fait ça avec Alain Chamfort au Jardin du Luxembourg il y a très longtemps.

Xavier : Non mais moi aussi j’ai enregistré plein d’albums live mais en premier album c’est la première fois ! Généralement les albums live que ce soit de Bob Marley ou de Coldplay (ou d’Alain Chamfort !) c’est une version live de titres existants sur un album studio. Nous, la version live est la seule existante sauf pour deux titres qu’on avait enregistrés avant.

Est-ce moins stressant de travailler de manière plus spontanée ?

Xavier & Vincent : Ben en fait pour nous c’était moins spontané de travailler comme ça (rires). On a plus l’habitude d’avoir des grosses plages de concert où on peut faire ce qu’on veut, faire la toupie et des sauts périlleux. On a une musique assez libre, vivante, c’est jamais vraiment la même chose. Là il fallait enregistrer du coup on a davantage cadré par rapport à d’habitude. Mais évidemment on a gardé quelques petites surprises. On a défini un cadre à l’intérieur duquel on a eu des libertés. On avait le début et la fin et à l’intérieur on s’est amusés.

Quand on est fan d’impro, comment se prépare-t-on à un enregistrement ?

Xavier & Vincent : En fait on est fan de tout nous ! Dans la manière de faire de la musique il n’y a pas grand chose qu’on trouve horrible. On est aussi capables de jouer des choses très écrites par exemple. Là ce n’était pas le but de Macadam. On s’est concentré sur la salle et l’audience, le public est un troisième partenaire. Les lives changent selon les soirs. Il y a des parties plus longues ou plus courtes. Si on commence à jouer pendant que les gens prennent l’apéro c’est un peu plus calme mais si on arrive au milieu de la nuit, là t’envoies un peu plus, tu fais moins de pauses, c’est plus fatigant. Les gens nous donnent une énergie qui influence directement le set.

Avez-vous eu des surprises ce soir la au Badaboum ?

Xavier : Le public était hyper chaud et enthousiaste. La surprise c’est que la salle était remplie, 200 personnes n’ont malheureusement pas pu rentrer. Ca nous a boostés de savoir qu’autant de gens avaient fait le déplacement. Il y avait aussi plein de choses rassurantes et réconfortantes comme le fait de voir nos parents, nos copines, des potes d’enfance, des gens qui suivent le projet depuis le début.

Vincent : On avait l’habitude de jouer plutôt dans des programmations déjà établies, dans des lieux dont le public était déjà présent. Là c’était la première fois que Macadam investissait un salle en son nom. On a senti un enthousiasme hyper chaleureux. Même avant de monter sur scène on sentait la salle se chauffer. “Vincent, Vincent !” il n’y avait que ça ! (rires) C’était une ambiance géniale mais particulière pour enregistrer un disque.

Pourquoi avoir choisi le Badaboum pour enregistrer le live de l’EP ?

Xavier & Vincent : Parce que la jauge nous semblait bonne. C’était un pari, la première fois qu’on était en tête d’affiche donc on allait pas se mettre directement au Bataclan ou au Zénith quoi. Puis on avait peut-être pas les fonds ! (rires) A la base on voulait se mettre au milieu de la salle, comme un ring, mais pour des raisons techniques ce n’était pas possible. Finalement on a arrangé les choses, les gens sont venus sur scène. C’était aussi un accord avec le Badaboum qui aimait le projet et nous a prêté la salle pour la soirée. Ce qui est très sympathique il faut le souligner !

Vous qui êtes des amoureux du live, avez-vous une anecdote à nous raconter ? Un moment qui vous a marqués ?

Vincent : Au cours de ce live, il y avait une danseuse qui dansait de manière hyper énergique, elle a dansé comme une folle devant la scène pendant tout le live. A la fin du concert j’étais trempé et en se prenant dans les bras j’ai compris qu’elle l’était encore plus que moi ! Sinon, une autre anecdote, ma mère qui a 67-68 ans est venue au concert mais elle fait 1m58. Ma copine a réussi à l’amener jusqu’à une barrière de sécurité du premier rang et a fait danser ma mère pendant une heure. Elle est même montée sur scène et a eu des courbatures pendant une semaine !

La moitié du disque comprend des morceaux remixés. D’où est venue l’idée ?

Xavier & Vincent : De la maison de disques on va pas se mentir ! On s’est dit qu’un disque live n’était pas évident à défendre donc qu’il serait bien d’avoir une base un peu plus studio, produite. Ils ont proposé qu’on fasse remixer des titres. Ca nous semblait intéressant et puis il y avait des potes parmi les artistes qui ont participé, comme Anoraak par exemple avec qui on avait dit qu’on ferait des choses ensemble.

J’allais justement vous demander pourquoi avoir choisi ces artistes ?

Xavier & Vincent : Anoraak c’est un copain du coup ! Sinon le label est allé chercher les autres grâce à son carnet d’adresses bien rempli. Nous on était à la base du concept et eux ont apporté leur plus-value.

Y a-t-il d’autres artistes que vous rêveriez voir remixer un de vos titres ?

Xavier : On a pas vraiment de rêves mais on serait hyper contents d’avoir des artistes qu’on aime bien. Genre voir Patrick Bruel faire un remix de Macadam Crocodile ce serait super ! (rires) On a pas trop de rêves mais si des artistes veulent le faire on sera hyper touchés. On a la culture du mix en fait et moins du remix !

Vincent : Puis une fois que les titres sont sortis ils ne t’appartiennent plus, ils sont dans la nature maintenant. Les gens en font ce qu’ils veulent !

Pour parler du groupe en tant que tel, vous vous connaissez depuis le lycée et avez toujours joué ensemble. Pourquoi ne pas avoir pensé plus tôt à officialiser le duo ?

Xavier : Parce qu’on a pas ce projet depuis le lycée, on joue ensemble mais à l’occasion. Moi j’ai eu Gush avec d’autres potes pendant 10 ans, Vince a eu son groupe Fortune, son projet Brülin et il a joué avec Chamfort et Izia. On était dans le même cercle d’amis, on se voyait de temps en temps, on faisait des jams et des boeufs, mais à côté de ça on était bien occupés. Il y a quatre ans on a commencé à se retrouver, à jouer davantage ensemble mais toujours sans projet particulier en tête. C’est à force de se retrouver qu’on s’est dit tiens, si on allait jouer là, et là, et là, et puis aujourd’hui ça donne un disque. Ca s’est fait sans trop réfléchir.

Il n’y a pas vraiment eu d’élément déclencheur en fait ?

Xavier : Non du tout, le groupe n’avez pas été réfléchi. Il y a juste un moment où on devait jouer à un endroit et il nous fallait un nom de scène quoi.

Vincent : Moi je voulais qu’on s’appelle Vincent Brülin, lui il voulait qu’on s’appelle Xavier Polycarpe, on a discuté, j’ai dit Macadam, il a dit Crocodile et hop c’était trouvé !

© PE Testard

Le style de Macadam Crocodile est différent de celui des projets que vous avez eu chacun de votre côté. Avez-vous l’impression d’être revenus à vos basiques ?

Xavier : L’idée qui nous rassemblait tous les deux c’était de faire danser les gens. On voulait un côté festif, très DJ, genre danse qui ne s’arrête jamais et un côté musique avec de vrais instruments. On voulait mêler en live des machines à des instruments de musique acoustique. Faire un DJ set en étant musiciens quoi. Ca a toujours été notre ligne de conduite.

Vincent : On avait jamais eu ce concept avec nos autres groupes auparavant. Moi j’ai eu un groupe plus électronique qui s’appelait Fortune où il y avait beaucoup de machines mais en fait on a fait en fonction des bulles inspiratives de chacun. Quand tu fais un projet si tu veux que ça se passe bien il faut trouver quelles bulles artistiques tu partages avec l’autre. Tu mets ça en commun et tu avances. Là notre envie c’était de faire la fête. On aimait bien sortir et danser et on avait envie de mêler ça à de la musique. Moi avant j’avais pas eu de groupe ou le cahier des charges était de faire danser les gens.

Xavier : On s’est servi de ce côté club pour nos concerts, il n’y a pas de pause lors desquelles les gens applaudissent entre les morceaux, on part dans un trip et on va voir où cela nous mène avec les gens qui sont en face.

Vos projets d’avant ont-ils été mis en pause ?

Xavier : A un moment j’ai eu Gush et Macadam Croco en parallèle parce que ça nous prenait moins de temps qu’aujourd’hui. On n’était pas encore signés, on avait des concerts assez régulièrement mais c’était un projet parallèle. Ca a pris un peu plus de place ces dernières années.

Vincent : C’est toujours bien de faire des choses à côté. Sauf quand t’es genre en répet ou en tournée pendant un mois tu n’as pas le temps mais ca reste toujours bien de s’aérer l’esprit de découvrir autre chose. La vie est si riche !

Xavier : On a mis un coup de collier, c’est important d’avoir chacun nos terrains. Moi par exemple ca fait longtemps que j’ai envie de sortir un disque sous mon nom faut que je travaille. Vince a aussi enregistré quelque chose qui doit bientôt sortir. Je fais des musiques de films, dernièrement pour Antoine de Maximy et prochainement pour Cyril Dion. Ca permet d’être indépendants puis de se retrouver enrichis.

Avec Macadam Crocodile vous êtes amenés à jouer en clubs, sur des sets plus longs et plus tardifs alors qu’avant vous étiez plus sur des formats “salles de concert / festival”. Qu’est-ce que ça change ?

Xavier : C’est vrai qu’avec Macadam on a fait des horaires complètement dingues genre 2h de matin. Ce côté hors format nous plaisait. Ca m’était peu arrivé d’arriver au milieu d’une fête et de devoir jouer. Sauf quand t’es en fin de soirée et que tu sors ta guitare mais ce côté fête en club, quasiment jamais. C’est assez sympa, tu te chauffes, tu bois un coup, parfois trop, et hop tu te lances dans le grand bain.

Vince : Pour moi il y a avait un côté presque fantasmé. C’est subjectif mais quand t’es en club, que la musique te plaît pas, tu te dis souvent qu’ils pourraient passer des trucs beaucoup plus sympas. Quand j’ai vu les gens qui dansaient à notre passage je me suis dit “putain, c’est cool, c’est exactement ça que j’avais envie de donner”.

Xavier : Il y a eu des sets complètement délirants genre à La Mano avec deux baffes toutes pourries, tu joues trois heures, les gens sont en sueur !

Ces sets permettent d’avoir moins la routine du même concert qui se répète tous les soirs non ?

Xavier : Oui c’est ça qui est génial avec Macadam Croco, c’est qu’on peut jouer 45 min comme 3h, à 20h comme à 2h du mat. Alors certes à 2h t’es un peu moins frais et en peu moins en forme physique. Mais tant qu’on en a envie tout est faisable ! Justement, maintenant, j’ai un peu moins envie de faire ça, je suis devenu papa et j’ai moins envie de passer ma vie dans un club.

Vincent : De temps en temps quand même ! On l’a fait et on le refera !

Il faut varier les plaisirs !

Xavier : Exactement. C’est pour ça que c’est bien d’avoir signé en maison de disque pour s’ouvrir à de nouveaux horizons parce qu’on avait fait le tour des sets en clubs, à Paris en tout cas. C’était super mais je n’ai pas envie de repartir pour un tour des clubs. Il nous reste plein de formules à créer et de choses à découvrir. Ca serait cool de refaire cela de temps en temps mais plus toutes les semaines quoi.

Vincent : Ca fait longtemps qu’on a pas joué dans une petite cave quand même ! Avec les murs un peu humides ?

Xavier : Comme ça j’ai envie de te dire non mais tu sais que quand on y est je suis toujours content !

Qu’est-ce qu’on vous souhaite pour la suite ?

Xavier : De l’amour, de la poésie !

Vincent : De la thune, des gonzesses, et de la drogue et de l’alcool à volonté !

Xavier : Continuer à essayer de protéger notre spontanéité, ce qui n’est pas facile quand tu construis quelque chose de plus sérieux… ou que tu enchaînes les interviews toute une après-midi !

P.-S.

Un grand merci à Vincent et Xavier pour leur temps et leur bonne humeur et à Romane et Allo Floride pour l’organisation de cette rencontre !

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publié par le 03/06/20