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publié par arnaud le 29/12/06
Lisa Germano
- In The Maybe World
In The Maybe World

DEBARQUEE

Le dernier album en date de Lisa Germano, Lullaby For Liquid Pig, avait laissé l’image d’une femme en proie aux tourments et aux doutes, sentiments somme toute légitimes compte tenu de sa situation d’alors : débarquée par 4AD, elle ne gardait un pied dans le showbiz que par l’entremise des amis (Giant Sand pour le projet OP8, Eels en tant que violoniste et multi-instrumentiste), contrainte de se réfugier dans un relatif anonymat comme vendeuse derrière le comptoir d’une librairie de L.A. Ses penchants pour l’alcool ou la mort de Miamo Tutti (son chat favori), avait fini de colorer le disque de gris, proposant une palette sonore bien plus rugueuse et complexe que celle du très lisse Slide, paru cinq ans auparavant. Trois ans plus tard, on ne peut que se réjouir que l’ex-Swans, et patron de Young God Records, Michael Gira, la recueille dans son giron et lui offre la possibilité de sortir In The Maybe World, septième album doux-amer, à la mélancolie rampante.

ABSENCE

L’introductif « The Day » installe le disque dans un registre plus apaisé que son prédecesseur, et marque le retour à une instrumentation plus basique : piano et voix, tout juste soutenus par quelques arpèges de guitares ou d’éparses touches de cordes. Déjà se dessine une thématique, celle de l’absence, que Lisa s’applique à scruter sous toutes ses coutures : peur de l’abandon (« The Day ») ou constat de solitude (« Too Much Space »), errance et déprime (« Moon In Hell ») ou souvenir des êtres disparus, la chanteuse parvient à émouvoir sans jamais verser dans une débauche d’effets larmoyants. In The Maybe World reste mesuré et pudique, au risque peut-être parfois de donner une impression de distance, de froideur, tant la voix de Germano ne cherche pas à surjouer, ni à prendre le pas sur les instruments. C’est tout à son honneur, puisqu’après tout, ce trait de caractère n’a jamais été sa marque de fabrique et permet de laisser les ambiances envelopper l’auditeur sans qu’il ne soit trop étouffé par les parties chantées. Ainsi l’Américaine est capable d’un enchanteur « In The Land Of Fairies », petite comptine inquiétante et fascinante à la fois, qui repose en grande partie sur le mariage parfait de ses voix et des instruments, et le fait que ni l’un ni l’autre ne cherche à tirer la couverture à soi.

ESQUISSE

Certes on pourra lui reprocher de nous donner qu’une petite demi-heure de musique, restant parfois plus au niveau de l’esquisse que de la composition approfondie (les très courts « Wire » ou « The Day »), néanmoins c’est aussi ce qui fait le charme d’In The Maybe World, incitant la curiosité, suscitant la ré-écoute immédiate. En bonne et discrète compagnie (Johnny Marr des Smiths à la guitare, Sebastian Steinberg de Soul Coughing et Joey Waronker, actuel batteur de R.E.M., en guise de section rythmique), Lisa Germano décline ses talents en plusieurs tons, se permettant même un titre éponyme un peu plus enlevé et accrocheur que le reste, pour un résultat qui ne déparerait guère sur le Electro-shock Blues du Eelsde la grande époque. Nostalgique ou cafardeux, fragile ou au contraire remontée (« Red Thread » et ses refrains susurrés « go to hell... fuck you »), Lisa Germano accouche d’un album habité, voire hanté. Car outre la présence de fées mystérieuses, et le souvenir de Miamo Tutti (« Golden Cities »), on y croise aussi d’autres fantômes, anonymes pour la plupart, mais pas toujours : ainsi « Except For The Ghosts », poignant hommage à Jeff Buckley, âme solitaire perdue en mer (« alone in the sea »), que Lisa traite comme le reste de ses morceaux, de manière retenue et touchante à la fois, fragile et gracieuse. In The Maybe World confirme le talent de songwriter, mais rappelle surtout à notre souvenir la richesse et la singularité de l’univers de Ms Germano, un bonheur dont il serait bien dommage de se passer.

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publié par le 29/12/06