Le plus sidérant dans la musique de Liesa Van der Aa, c’est peut-être encore de savoir qu’elle la joue seule. À l’écoute des atmosphères complexes du sublime Troops, on peinait déjà à se persuader qu’il n’y avait le plus souvent qu’une seule personne derrière ces voix, ces boucles, ces ambiances construites par couches successives. Et puis ce soir, sur la scène de Mains d’Œuvres, on voit le dispositif se mettre en place sous nos yeux ébahis. Elle est seule sur scène avec son violon et son pédalier d’effets. Agenouillée devant le pédalier, elle commence par lancer les boucles successives qui créent le fond sonore de « Birds in Berlin ». La musique s’interrompt, elle s’empare du violon, commence à chanter, la mélodie belle et nue nous prend aux tripes, et on sait qu’on va vivre un moment d’exception.

Liesa Van der Aa joue cette musique improbable entre toutes : une pop avant-gardiste composée au violon, une musique aussi viscérale que cérébrale. Un exercice de style maîtrisé qui n’oublie jamais d’être intense et émouvant. Sur scène, ce numéro de femme-orchestre qui alterne le violon et le bidouillage d’effets pourrait être fastidieux – mais au contraire, c’est magique de bout en bout. On s’émerveille de l’entendre démultiplier sa propre voix en direct pour chanter en canon le chœur de « Lost Souvenir ». On se surprend à fredonner le refrain de « Lou », qui est peut-être ce que Troops offre de plus proche d’un tube. On se laisse porter par ces ambiances qui commencent calmement et gagnent une ampleur inouïe à mesure que les boucles et les effets se déploient. Par-dessus tout, elle possède un charisme étonnant et dégage sur scène quelque chose de très beau, de lumineux, qui rend sa musique encore plus attachante.

On quitte la salle un peu sonné, échangeant des commentaires admiratifs avec nos voisins tout aussi éblouis. On s’en doutait déjà fortement depuis l’écoute de Troops, mais cette fois le doute n’est plus permis : Liesa Van der Aa est un phénomène, un vrai. On ne saurait trop vous conseiller d’aller, à votre tour, prendre une claque magistrale en mars dans le cadre des « Femmes s’en mêlent ». Il nous tarde déjà de l’y revoir.