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publié par arnaud le 21/06/06
Mono
- You Are There
You Are There

Ersatz

C’est toujours la même histoire ! Avec ce quatrième album studio de Mono, on va encore devoir batailler dur pour faire comprendre que ce groupe est autre chose qu’un ersatz de Mogspeed... Pourtant aujourd’hui, ce débat semble dépassé. Bien installés au sein du label Temporary Residence, aux côtés de leurs amis texans d’Explosions In The Sky, les Japonais poursuivent leur cadence frénétique, passant plus de temps sur la route que dans leur île natale. Faisant preuve d’une rage incroyable sur scène, se révélant pour l’occasion bien plus convaincants que certains de leurs collègues évoluant dans le rock instrumental, les quatre musiciens donnent au contraire dans le privé, l’image d’êtres timides, remplis d’humilité et de gentillesse. Des qualités qui n’incitent guère à la critique même si l’on pouvait déjà trouver à redire à l’écoute de leurs deux premiers efforts, au demeurant très réussis, mais dont les ficelles paraissaient parfois un peu grossières.

Mono-tone

Avec Walking Cloud Deep Red Sky..., en 2004, le groupe donnait l’impression d’avoir trouvé sa voie, avec un son très caractéristique et une production (signée Steve Albini) plus qu’adaptée. Néanmoins, les compositions avaient perdu de leur mordant, lorgnant parfois un peu trop vers le mélo, avec une floppée de cordes pas toujours des plus heureuses. You Are There, même s’il est un peu moins noyé sous les violons, reprend le flambeau, en décrivant les mêmes paysages mornes, films au ralenti d’un Japon post-atomique (ce sont du moins les images qu’évoquaient directement Walking Cloud Deep Red Sky... et qui sont devenus presque indissociables de la musique de Mono). Ce nouveau disque fait donc figure de monolithe monotone, alternant à peine les ambiances distordues (la seconde partie de Yearning ) et les accalmies douces-amères (Heart Has Asked For The Pleasure). La formule est déjà connue : celle d’un côté, des nappes de guitares en delay, des rythmes lents qui débouchent sur une mélodie saturée sur fond de chaos électrique ; de l’autre, des lignes parfois squelettiques, de six cordes claires qui se croisent sur fond de cordes et de carillons. Bien sûr Mono se révèle plus qu’à l’aise dans ce systématisme, et fait parfois mouche (il faut bien reconnaître que l’ouverture de Flames Beyond The Cold Mountain est impressionnante), mais montre malheureusement sur la longueur, de sérieux signes de fatigue.

Palette

Plus attachés aux bandes originales de Morricone, ou au registre classique de la Neuvième de Beethoven, qu’à la scène proprement dite « post-rock », nos Japonais s’enlisent dans des compositions trop étirées, se cantonnant trop souvent à la même palette de couleurs délavées, en manquant souvent d’introduire la tension nécessaire pour captiver l’auditeur (à l’instar d’un Godspeed You ! Black Emperor ). Ils pataugent même carrément dans le sensibilisme grotesque (la montée de cordes de Moonlight) avec des arrangements boursoufflés qui rappellent les mauvais côtés des Finlandais de Magyar Posse, ou jouent les faux Sigur Rós sur Remains Of The Day avec piano reverbéré et tapis de cordes, pour un résultat manquant de saveur...

Prisonniers

Parfois on se laisse quand même prendre par des moments intenses, de l’explosion électrique de Flames... à la mélancolie innocente d’Are You There ?, mais il subsiste toujours ce sentiment de déséquilibre, ici sur le passage épique de Yearning qui tombe à plat, ou là sur le final de Moonlight qui s’enlise, pour que finalement on reste mitigé à l’écoute de l’album. Car si You Are There ne chavirera pas les cœurs des amateurs pointus du genre, ni même n’enchantera le fan des premiers albums de la formation nippone, il n’en est pas pour autant désagréable : il donne juste l’impression que le groupe est prisonnier de son style, s’y complait, sans jamais chercher à se mettre en danger. On espère mieux de Mono, beaucoup mieux.

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publié par le 21/06/06
Derniers commentaires
Sfar - le 01/07/06 à 21:29
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C’est vrai que cet album ne révolutionnera pas la carrière de Mono, que les fans des premiers disques risquent d’être plutôt déçus.
Mais pour être moins sévère j’ai quand même trouvé que cette retenue était fort intéressante et pas un simple endormissement, elle confère à l’ensemble une ambiance feutrée et envoûtante.

Sinon, "les faux Sigur Rós", héhé , j’ose à peine imaginer ce que cela peut donner !

Informations

Sortie : 2006
Label : Temporary Residence/Differ-ant