« Entrée libre », annonce la porte ouverte. Derrière la façade jaune de cette « chambre d’embarquement », on crée des chansons à la vue des passants. Si l’on s’imagine souvent les résidences d’écriture dans le calme de la campagne, celle-ci se niche en plein cœur de Montmartre. Une petite bulle propice à la création, prêtée par la Galerie Hus toute proche. Quelques tables et chaises, un coin cuisine, un grand lit au cœur de l’espace, des éléments de décoration apportés par les artistes en même temps que leur nécessaire de travail. Et puis cette grande vitrine derrière laquelle s’asseoir pour regarder la pluie tomber, les passants marcher dans la rue.
Robi et Jérôme Marin s’y sont installés pour une semaine, avec l’objectif d’y créer des chansons. Nous les avions déjà croisés ensemble lors d’une mémorable session filmée chez Madame Arthur (Jérôme Marin, alias Monsieur K au chapeau noir et à l’humour pince-sans-rire, est l’un des piliers de la troupe du cabaret). Chacun apporte cette fois ses propres projets : des envies d’écriture, des bribes de mélodies sur lesquelles poser des paroles, là où d’autres chansons seront créées à partir de rien, inspirées parfois par le déroulement de la résidence – ainsi un incident impliquant un voisin peu aimable donnera-t-il aussitôt naissance à quelques rimes.
L’ambiance est paisible et studieuse mais, surtout, conviviale. Des passants s’arrêtent, intrigués par les textes affichés dans la vitrine, pour discuter et poser des questions. Des amis passent pour le déjeuner, le café ou l’apéritif, puis sont invités à apporter leur propre travail : s’ils le souhaitent, un coin de cet espace partagé leur est ouvert. Chacun travaille à part, qui avec son dictionnaire des rimes, qui son iPad et son casque, on s’en montre ensuite le résultat. Des bribes encore brutes, mais prometteuses ; une chanson de Robi entendue le vendredi nous restera en tête tout le week-end.
Les gens y sont heureux, c’en est frappant, ils s’en émerveillent eux-mêmes. L’espace est propice au partage bienveillant et à l’inspiration. Passés le premier jour prendre le café et nous enquérir du projet, nous y revenons plus tard faire quelques photos, écrire quelques lignes, mais surtout profiter un peu de cette chaleureuse atmosphère. On se sent tellement à son aise dans cette bulle, on tend l’oreille à ce qui se crée autour de nous (Jérôme Marin cherchant ses rimes, Robi enregistrant ses voix en marchant dans la rue), on prend le temps d’être bien, on ne s’étonne pas que les chansons y naissent sans temps mort.
L’expérience se poursuivra jusqu’à jeudi, conclue par une restitution à la Galerie Hus elle-même. Devraient y être projetées quelques images filmées sur place, entre journal vidéo et tentative de capturer cette ambiance si particulière. En attendant, l’espace reste ouvert. À l’heure où vous lisez ces lignes, des chansons sont en train de s’y créer.
"Écriture à vue", 27 rue Veron, 75018 Paris, de 10h à 18h jusqu’au jeudi 31 mai.
Restitution le 31 à 19h à la Galerie Hus, 4 rue Aristide Bruant.