accueil > photos > concerts > La Chica

publié par Ben Gaston, Mathilde Vohy, Natalia Algaba le 12/05/19
La Chica - FGO Barbara - 09/05/2019

La Frida Kalho de Belleville

Barbès, le quartier où se trouve le FGO-Barbara, est un quartier de métissage et de promesses où l’odeur des épices nous invite déjà au voyage dès qu’on s’approche de ce centre culturel qui propose aussi bien des concerts et des résidences que des scènes ouvertes ou des salles de répétition. C’est dans cet endroit ouvert à la diversité musicale et aux musiques actuelles que nous retrouvons La Chica, le projet solo de Sophie Fustec après son groupe 3somesisters. La Chica est une femme aux cultures plurielles, une femme multiple : d’un côté le Venezuela, l’Amérique Latine, les Caraïbes… d’un autre côté, la France, Paris et le cosmopolitisme de Belleville. Elle est venue nous présenter son premier album Cambio, disponible depuis le 8 février.

Elle débarque sur scène avec son kimono fleuri, sous lequel elle cache une tenue de boxeuse et une petite bouteille de rhum à la main qu’elle utilise pour bénir la scène telle une chamane, et se donner de l’énergie. Et nous voilà parti pour un set extraordinairement mystique, électro, brut, sauvage et intense. Accompagnée de Raphaël au clavier et aux percussions électroniques, La Chica chante en espagnol et en anglais, joue du clavier, martèle ses pads et bouge son corps avec des mouvements précis et instinctifs d’une extraordinaire grâce et élégance. Sa musique, à son image, est hybride, allant de l’électro-pop au rap et de la mélancolie à la cumbia et à la fête latina.

Et ça envoie ! Sa performance passe non seulement par une voix d’une beauté transcendante mais aussi par un rythme et une danse aux inspirations caribéennes renversante. Sophie sur scène est en transe, elle lâche prise physiquement, se laisse emporter par sa musique et danse comme si elle était dans une cérémonie chamanique ancestrale ou du candomblé . Ce syncrétisme qui est au cœur de l’Amérique caribéenne est bien revendiqué dans son projet. On la sent totalement à l’aise sur scène, s’adressant au public aussi bien en français qu’en espagnol. Un public dévoué à sa personne, qui danse, chante et lui hurle aussi en espagnol : « ¡Viva la chica ! », « ¡Guerrera ! ». Et oui c’est une guerrière ! elle nous le dit à travers les paroles du titre « S.Y.D » et elle nous le montre également avec son corps car l’expression corporelle est très importante dans son spectacle ; pour ceux qui ne comprennent pas ses paroles, La Chica s’exprime également par la danse : « ¿Quién quiere ser una serpiente ? » chante-t-elle en bougeant son corps tel un serpent, par exemple.

Bien équilibré, la setlist alterne les moments forts, au rythme endiablé comme « Drink », qui met le feu dans la salle et des passages plus intimistes comme le chant a capella sur le titre « Canto del Pilón » qu’elle dédie aux gens du Venezuela qu’elle n’oublie pas, même si elle ne veut pas parler de politique. A la fin, émue, elle nous explique qu’elle a beaucoup travaillé cette année avec beaucoup de gens pour nous offrir ce spectacle, qu’il y a une masse de travail derrière qui a rendu possible ce set fabuleux. On ne doute pas une seule seconde ! Il y derrière ce projet des années de travail et de recherche : musicale et esthétique bien sûr, mais aussi à l’intérieure d’elle-même.

Et en plus d’être face à une artiste qui ne cesse de travailler pour proposer un show toujours plus abouti à son public, on a le sentiment que La Chica est également une femme engagée. Outre ses allusions à la politique et au gouvernement vénézuélien au cours de son set, la chanteuse nous félicite d’être sortis assister à un concert plutôt que d’être restés devant notre télévision lors de ses remerciements. Elle ajoute d’ailleurs qu’il faut continuer de faire vivre la musique et l’art en soutenant les artistes que nous apprécions et ce, en achetant encore des disques et des places de concert. Vous vous en doutez, nous ne pouvons qu’approuver. Enfin, bien qu’elle ne l’évoque ni sur scène, ni dans ses chansons, La Chica est également engagée écologiquement puisqu’elle ne mange plus de viande depuis plus de 17 ans. En somme, qu’il s’agisse de politique, d’art ou d’écologie, la chanteuse s’attache à défendre l’humain, et elle le fait plutôt bien.

La Chica, cette Frida Kalho de Belleville est élégante, forte, guerrière et envoutante , elle est, comme l’artiste mexicaine, parvenue à faire coexister son héritage traditionnel avec ses influences modernes. Elle n’est pas une, elle est au moins deux, comme le tableau "Les deux Fridas", l’européenne et la latina, la traditionnelle et la moderne, la lunaire et la solaire. Celle qui se trouve à la frontière, entre deux cultures, entre deux mondes, entre la France et le Vénézuela, tel Frida entre les pyramides de Teotihuacan et les usines de Ford. Don’t mess up con La Chica ! ¡Es una guerrera !

Partager :