Il était une fois, celle de la première avec Ropoporose. C’était au début de la fin de l’année dernière, par une après-midi d’automne, de froid et de pluie. A regarder une session Cargo tout juste publiée, capsule échappée de l’été. Sur un toit ou une terrasse, lors de beaux jours. deux jeunes gens de peu de printemps pour trois petits morceaux (de musique). une prestation fusionnelle, dans leur manière de se compléter, de construire cet ensemble un peu bricolé, assemblage sonore de bric et broc. Pas totalement renversant mais suffisamment frais et singulier pour donner envie d’une suite. d’un album construit. De morceaux posés. Bichonnés. Habillés.
ferveur
Il était une fois, celle de la deuxième avec Ropoporose, au début de l’hiver. Celle d’un véritable coup de coeur pour un Elephant Love. Barissement d’amour, ravissement rapide. Loin du dépouillement quasi acoustique des morceaux chantés sur ce toit lors de la session Cargo, la paire a minutieusement étoffé ses compositions, sans les étouffer pour autant, sans les juxtaposer uniquement. A l’ère de la musique qui s’écoute par morceau, par capsule de 3 minutes, par fraction d’une liste de lecture gigantesque, Ropoporose fait partie de ces groupes pour lesquels le temps d’un album se prend sans peine. Elephant Love captive dès l’introductif “Days of May”. Ce premier pas est une ascension électrique avec une ligne de guitare claire, rapidement débordée par un rythme qui s’emballe. Sa voix à elle se pose très haut et lui la soutient, en alchimie. Une formule assez classique pour une accroche juste efficace. “Desire” vient ensuite comme une respiration, avec ses cuivres, ses percussions. Un son chaud et différent. Une lente envolée, comme une nuit de désirs qui s’achève en fanfare avec des voix, au moins, qui s’enchevêtrent. Puis “Moïra” ramène une forme de tension, avec des frissons à l’échine comme en procure l’addictif dernier album de Peter Kernel : un hymne dont le chant alterne entre le sussuré et l’enlevé. Un goût du contraste à l’image de l’éléphant. Cet animal gigantesque et massif, qui progresse avec grâce, sans bruit en dépit de son poids. L’éléphant qui parfois souffle et barrit. Comme l’amour qui grandit avec douceur, sans bruit mais avec ferveur.
comptine
La marque de fabrique de Ropoporose est dans l’envolée. Aux parties instrumentales posées succèdent de délicieuses embardées chargées. Sans violence, sans agression, sans que le son ne soit extrême. Mais avec un sens de l’accélération et une épaisseur dans le son. Comme un pachyderme qui charge. Comme un amour qui s’emballe. Les moments les plus calmes tiennent parfois de la comptine pour enfant, avec cette candeur, ces sons issus de l’âge tendre (le carillon de “Whu Whu”) ou ce chant digne d’une berceuse (“40 states”). Puis vient une guitare plus rugueuse, un rythme plus ferme. Un sens de la nuance qui surprend sur chaque morceau. Avec une subtilité qui tient certainement à leur manière de composer autour d’une boucle, d’un gimmick, d’un rythme qu’ils font delicatement mûrir. Avec de l’accordéon (“My God”), de la trompette (“Consolation”), avec une guitare échappée du “Out Getting Ribs” de King Krule sur “Whu Whu”. Eléphant Love est riche de ces recherches.
Quand il est souvent souligné l’âge juvénile du duo, c’est surtout l’aisance enfantine, l’agilité avec laquelle ces deux ont assimilé la musique de leur jeunesse qui se ropopo- pose comme une évidence. Moralité : au Ropoporose qui propose ce conte, à cet Elephant Love dont les qualités ne se comptent pas sur deux mains, la réponse est une écoute attentive et fréquente, comme pour tout amour, éléphantesque ou non, qu’on cultive sans perspective finie. Elephant Love n’est pas éléphanteau ; ce n’est pas un premier album marqué par les défauts du trop tôt. Juste un premier pas géant d’éléphant pour une suite qu’on souhaite toute rose à Ropoporose.