Quelques mois après la sortie de leur deuxième album Big Swimmer, voilà King Hannah à la Maroquinerie pour une date qui affiche complet depuis un bon moment (séance de rattrapage annoncée à la Gaieté Lyrique le 18 décembre 2024). C’est donc devant un public conquis d’avance et attentif que le duo va dérouler un set où l’on s’immerge dans les ambiances des disques avec en fil rouge la voix de velours d’Hannah, tantôt chanteuse, tantôt raconteuse mais où on découvre aussi à King Hannah une facette live très rock.
Si King Hannah n’a officiellement que deux membres, Hannah (chant/guitare) et Craig (guitare), en live ils reçoivent le renfort d’une session rythmique classique, le bassiste assurant aussi quelques parties de clavier. C’est d’abord les garçons qui débarquent, le batteur lance un rythme lent, joué bien au fond du temps pour un effet lancinant garanti et une nappe de claviers qui tourne dans les graves vient se poser par dessus. Craig s’installe devant un pedalboard conséquent et prend un de ses deux jazzmasters . Avec son jean, sa chemise de bucheron et ses cheveux blonds il nous fait penser à un mélange de Kurt Cobain et de Rivers Cuomo (le chanteur de Weezer) pour les lunettes, qu’il remet souvent en place, parfois même au milieu d’un des nombreux "soli" qui agrémente les morceaux du set. On met des guillemets parce que ces intermèdes instrumentaux mélodiques ou noisy ou les deux sont à des années lumières des oeuvres des guitar heroes de jadis. Mais pour nous ; à sa manière, avec les sons qu’il extirpe de sa Jazzmaster, parfois effleurées du bon des doigts, parfois violentée à coups de médiators ravageurs, Craig est aussi un héros de la guitare et ses parties ont autant d’importance que le chant et "parlent" autant.
Hannah arrive en dernier, dans une robe rouge à volants qui pourrait faire un peu trop "habillé" sans ses baskets. Très droite, les mains derrière le dos, elle commence à chanter "Somewhere near El Paso" ou plutôt à le déclamer puisqu’il s’agit d’un des titres en "spoken words" de Big Swimmer. Sur le disque on se disait à chaque écoute que cette approche se rapprochait quand même beaucoup de Dry Cleaning. En live la comparaison ne nous vient plus à l’esprit :la présence d’Hannah, sa façon de faire vivre le texte témoigne de sa personnalité, développe un univers très différent de celui de Florence Shaw (les deux ont cela dit cette intensité du regard qui peut vous clouer sur place). Et puis le morceau en lui-même a un développement très différent : d’un début très brumeux et inquiétant, une déclinaison americana du trip-hop il se métamorphose progressivement en un pur moment de rock bruitiste avec un batteur qui martèle ses cymbales et lâche complètement sa frappe tandis à mi-morceau Hannah s’empare de sa telecaster pour encore grossir le mur du son, jusqu’à un final jouissif où les hurlements de la guitares de Craig parte en larsens bien grunge.
On n’en est qu’au premier morceau (de huit minutes quand même) mais King Hannah annonce clairement la couleur : s’ils savent faire de la folk, du spoken word, de l’indie rock, du trip-hop , ils maitrisent aussi le gros son et on sent dans les mouvements d’Hannah quand elle n’est pas au chant, dans les gestes de Craig, qu’il y a cette envie de dynamiter les morceaux, de pousser un peu plus loin, que ça ne sonne pas comme le disque. Un objectif largement atteint pour ce show parisien captivant de bout en bout, dont Hannah annoncera après quelques titres à peine que c’est déjà son préférée de la tournée.
Après cette introduction classieuse, le groupe se pose un tout petit peu avec la mélancolique "The Mattress", plus aérée, avec un rythme plus lent jusqu’à que qu’une guitare bien noisy s’invite dans la conversation. "Milk Boy" en spoken word ensuite, comme sur le disque, avec ce même principe de déchainement de guitare en fin de morceau. le groupe revient ensuite rapidement sur sa discographie précédente avec un titre de chacun deux disques qui ont précédé Big Swimmer, des deux on retient plutôt Go-Kart Kid, pour la participation de Craig au chant et là encore un généraux développement plus ryhtmique que soliste mais bruyant à souhait.
Le reste du concert reprend l’album dans sa quasi-totalité avec un très bel enchainement "Suddenly Your Hand" (une des parties mélodiques les plus belles de Craig sur le final instrumental) - "New York, Let’s do nothing" (Hannah impériale sur sur la mordant à donner au "ab - so - lu -te l-y nothing") - "Daveys Says "( le titre peut être le plus pop du groupe, avec un beau chant à deux) et en final le tite éponyme "Big Swimmer" "scénarisé" un peu comme sur disque en plusieurs mouvements : d’abord Hannah qui revient pour le rappel toute seule et entame le morceau en guitare-voix, Craig revient un peu plus tard , rejoint par tout le groupe pour "rebooter" le morceau en mode rock et le faire dans un dernier crescendo massif dont on aurait voulu que le groupe l’étire encore un peu plus mais 1 heure 20 de concert de cette qualité, avec un groupe qu’on adore sur disque pour les atmosphères, le son des guitares, ce jeu solo qui reste en partie rythmique, qui évite les clichés de la six cordes, le chant envoutant. on les imaginait un peu distants et mystérieux, on les découvre souriants, communicatifs et surtout aussi très rock.