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publié par Mélanie Fazi le 12/04/13
John Parish
- Screenplay
Screenplay

Les albums de John Parish ne sont pas de ceux qu’on appréhende dès la première écoute. Ils nécessitent qu’on prenne le temps de tourner autour, de s’y laisser glisser, de s’en imprégner. On y avance à tâtons et puis, soudain, on y entend quelque chose qui nous parle et nous touche en profondeur. Avec le recul, on y repense souvent comme à la bande-son accompagnant certains moments de notre vie.

Invitation

C’est fatalement d’autant plus vrai de ses musiques de film. Rosie, en 1999, était un album qu’il avait fallu apprivoiser petit à petit, mais qui récompensait au centuple l’auditeur patient. Le thème poignant associé à ce personnage d’adolescente paumée, entendu en concert des années après, nous prend encore à la gorge. Rosie dont la cinéaste Patrice Toye avait écrit le scénario en écoutant Dance hall at louse point, cet album de 1996 où les paysages sonores tissés par la guitare de John Parish et habités par la voix de PJ Harvey appelaient à la rêverie. De là à lui demander d’en composer la BO, il n’y avait qu’un pas, et ce fut le début de la jolie aventure musicale dont Screenplay donne aujourd’hui un aperçu.

Les films de Patrice Toye, avec laquelle il collabore depuis de manière suivie, fournissent d’ailleurs une grande partie de la matière de cet album : dix morceaux tirés de deux films différents, Nowhere man et le tout récent Little black spiders. Lors des premières écoutes, c’est ce dernier film qui retient l’attention, au point d’éclipser d’abord le reste de l’album : on est presque tenté de n’écouter que ces sept morceaux en boucle tant leur ambiance onirique est prenante et évocatrice. Est-ce la marque d’une bande-son réussie quand elle parvient à vous émouvoir à ce point sans que vous ayez vu le film ? Elle suscite en tout cas le désir fort de voir ce Little black spiders, accompagné d’une forme de nostalgie pour cette histoire qu’on ne connaît pas encore, ces personnages qu’on n’a pas encore rencontrés. Il y a dans ces instrumentaux une mélancolie feutrée, quelque chose de fort et de poignant, mais qui reste hors de portée : on sait ce qu’on ressent, mais on ne sait pas pourquoi. On ne peut que rêver le film à ce stade, et la façon dont la musique nous y invite est aussi belle que surprenante. Elle évoque par moments une autre bande-son triste et rêveuse à la fois, celle de Virgin suicides, que John Parish reconnaissait comme influence dans une interview récente.

Voyages

En raison de la structure qui nous fait dans un premier temps considérer l’album comme composé de deux blocs – Little black spiders d’abord, puis le reste – il faut un peu plus longtemps pour s’immerger dans les autres titres. « L’Enfant d’en haut » qui fait immédiatement suite au générique de Little black spiders est pourtant l’un des meilleurs morceaux de l’album, tout en stridences et en nervosité rentrée. Moins immédiatement évocateur, mais presque plus intriguant. On est frappé ici par la diversité des ambiances évoquées, chacune propre au film dont la musique est tirée. L’exotisme de « The Island », convoquant cette île lointaine où l’anti-héros de Nowhere man s’enfuit pour refaire sa vie, et n’en fait finalement pas grand-chose. L’atmosphère chaude et jazzy de « Longfellow forlorn », tiré d’une bande-son jamais utilisée. L’atmosphère de road-movie intimiste de « Plein Sud » tiré du film du même nom. On croise aussi en route une variation sur « Girl », qui ouvrait Dance hall at louse point, et une chanson unique parmi les instrumentaux, reprise de l’artiste slovène Ježek enregistrée dans le cadre d’un documentaire.

L’ensemble forme, de manière presque fortuite, un panorama assez vaste de la gamme de talents de John Parish. Certains titres auraient eu leur place sur l’album How animals move, d’autres explorent des terrains plus nouveaux pour lui. Screenplay invite en tout cas l’auditeur à faire en accéléré une suite de mini-voyages et à créer dans sa tête ses propres images lorsqu’il ne connaît pas les films – et même parfois, plus étonnant, lorsqu’il les connaît déjà. La seule balade proposée par les extraits de Little black spiders, riche en émotions fortes, justifierait déjà à elle seule l’existence de cet album, sans doute l’un des meilleurs de John Parish à ce jour. À ce stade, on devine déjà qu’on y repensera plus tard comme à la bande-son d’une autre époque de notre vie, celle d’un film en train de s’écrire. Une manière de boucler la boucle.

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publié par le 12/04/13