C’est dans le cadre d’une carte blanche à la cinéaste Ursula Meier, avec qui John Parish a collaboré sur L’Enfant d’en haut, qu’il se produisait deux soirs de suite au Centre Culturel Suisse en compagnie de son groupe habituel (Marta Collica, Jean-Marc Butty, Giorgia Poli, rejoints plus récemment par Jeremy Hogg). Deux concerts très différents de celui auquel nous avions assisté à Bristol en mars, qui marquait le début de la tournée Screenplay, consacré à son travail sur les musiques de films. D’un point de vue musical, le répertoire était identique, composé d’une grande partie de l’album Screenplay et de quelques extraits des bandes originales de Rosie et d’Une Chinoise. Mais le dispositif visuel qui accompagne les morceaux a été totalement revu dans l’intervalle. Là où le concert de Bristol était une expérience autant cinématographique que musicale, avec une interaction constante entre images et sons, ces deux concerts de fin de tournée adoptaient une forme plus classique. Les extraits dialogués, dont plusieurs figurent sur l’album, venaient simplement s’intercaler entre les morceaux et en accompagner quelques-uns.
L’osmose touchait à la perfection sur ces quelques morceaux-là. « Pretty Baby » tout d’abord, chanson tirée de Rosie de Patrice Toye, que les images du film teintaient d’une émotion particulière. D’autant que la chanson, interprétée au départ sur disque par Alison Goldfrapp, semble désormais appartenir bien davantage à Marta Collica qui lui a souvent prêté sur scène sa belle voix aérienne. Autre moment intense lié à d’intriguantes images, « The Minotaur (Pt. 2) », tout en déchaînement de guitares électriques souligné par les chœurs jumeaux de Marta Collica et Giorgia Poli, tandis que défilent les images d’un mystérieux rituel auquel se livrent les adolescentes du film Little Black Spiders.
Tandis que les musiciens jouaient aux chaises musicales et changeaient régulièrement d’instruments, la tonalité du concert oscillait entre deux tendances, l’une onirique (« Katharina », « LBS », « Les Billets »), l’autre énergique, électrisante. Sur ces derniers en particulier se dégageait une impression frappante d’interaction véritable entre les musiciens. Plus particulièrement peut-être entre Jean-Marc Butty à la batterie, au jeu toujours aussi expressif et subtil, et Giorgia Poli à la basse : un véritable courant d’énergie semblait circuler entre eux, qui rejaillissait sur le public. Notamment lors d’une impressionnante version de « I did it for you mama », le sublime générique de fin de Rosie, joué ici dans une tonalité moins intimiste et plus bruitiste que celle qu’on lui connaît au départ, et qui prenait réellement aux tripes.
Le concert s’est conclu sur cette même tonalité électrique au son de « L’Enfant d’en haut » tandis que défilait un générique rappelant les différents films présentés au cours de la soirée. Un rappel exceptionnel eut lieu ensuite, enchaînant d’abord « Girl » dédié à Ursula Meier – qui expliquait, dans sa présentation d’avant le concert, avoir utilisé cet instrumental lors du montage de son film et y avoir trouvé l’idée d’engager John Parish pour en composer la musique. Puis une belle reprise de « Pale blue eyes » en hommage à Lou Reed décédé tout juste une semaine plus tôt.
Ces deux concerts nous auront confirmé ce qu’on ressent profondément depuis la B.O. de Rosie il y a déjà quatorze ans : loin d’être un simple travail de commande, les bandes originales de John Parish sont une œuvre réellement personnelle et chargée d’émotions superbes. Screenplay en est un magnifique témoignage. Tout comme le furent ces concerts qui sont parvenus, au vu des impressions échangées ensuite, à séduire aussi bien ceux qui connaissaient comme nous ces morceaux et les films dont ils étaient tirés, que ceux qui découvraient le répertoire et se sont laissés porter avec tout autant de bonheur.