La mention "tirée d’une histoire vraie" peut être à double tranchant : dans le cas des faits qui ont inspiré Jewish Connection, on peut se dire que sans, l’histoire de ce trafic de pilules d’extasy entre New York et Amsterdam qui s’appuie sur de jeunes juifs hassidiques comme passeurs serait trop énorme, trop farfelue pour être crédible.
Et pourtant c’est vraiment arrivé. Et il aura fallu un mélange chimique nouveau dans les pilules en question pour qu’un chien-renifleur donne l’alerte et et qu’un douanier se décide à fouiller une de ses jeunes juifs qui échappaient systématiquement aux contrôles, entraînant ainsi la chute du réseau.
Car évidemment l’histoire de ce petit trafic juteux se finit mal pour ceux qui y participent, dans la vraie vie comme dans le film. Et c’est là que le bât blesse et que quelque part la mention "tirée d’une histoire vraie" peut être castratrice.
Focalisation
Ce n’est pas tout d’avoir trouvé un fait-divers extraordinaire et d’avoir envie de raconter l’histoire, il faut aussi choisir l’angle selon lequel on va l’aborder. Le réalisateur Kevin Asch a choisi celui du passeur, Sam Gold, 20 ans, issu d’une famille juive orthodoxe.
C’est sa vie qu’on voit au début du film, la confrontation entre la jeunesse avec tout ce que cela implique, l’envie de brûler les étapes, la colère face à l’injustice, et un milieu familial étouffant, marqué par la figure du père, un homme totalement épris de sa religion, il y a d’ailleurs quelque chose de très beau dans sa manière d’exprimer sa foi, une douceur dans la façon d’envisager la vie au travers de celle-ci.
Le ver dans le fruit
Mais c’est quelque chose qui ne peut que provoquer le clash avec la jeunesse de Sam justement : l’argent manque dans la famille, même pour les choses les plus simples et Sam ne comprend pas son père. Pourquoi il s’obstine à vendre (à l’ancienne), pourquoi il ne veut pas que son fils s’intéresse à l’argent. Sam lui veut plus, tout de suite. Pas par cupidité, mais pour corriger les erreurs de la vie.
Et c’est là que commence la cassure. Plus que les mauvaises influences, en l’occurrence, le frère ainé de la maison voisine qui l’introduira à l’organisateur du trafic, c’est ce sentiment d’injustice, cette colère, encore décuplée quand son mariage arrangé échoue parce que sa famille est trop pauvre, qui font faire plonger Sam définitivement.
Entre deux mondes
Néanmoins il ne sera jamais totalement à l’aise dans le monde dans lequel il est entrainé, l’étalage de la richesse, les boites de nuit et puis les filles ou plutôt la fille (forcément c’est la copine du big boss complètement lunatique qu’il choisit...). Peut être à cause de la vacuité de celui-ci, peut être parce qu’il a tout simplement vécu trop longtemps dans un autre monde.
Le film choisit plutôt la première hypothèse : la rencontre miraculeuse d’un rabbin à Amsterdam qui lui fait remettre ses Téfilines (des lanières de parchemin que l’on s’enroule autour du bras et de la tête pour prier) est le premier pas d’une rédemption qui l’amènera à se rendre à la police et à collaborer avec elle pour faire tomber le réseau.
La dernière scène du film nous montre un Sam apaisé dans une prison où il purgera une courte peine, avec son père qui lui parle à nouveau avec la même tendresse qu’au début du film.
Tout est bien qui finit bien ?
Je vous avais dit en début de cet article que raconter une histoire vraie est à double tranchant : si la fin de l’histoire vraie est nulle, vous pouvez difficilement vous en détacher juste pour faire une fin qui vous plait plus, vous êtes un peu prisonnier de la réalité.
Et je trouve donc la fin de Jewish Connection particulièrement nulle : il ne s’agit pas de faire l’apologie d’un trafic de drogues ou de vouloir qu’un trafiquant ne soit pas puni mais le fait que Sam en arrive à demander de l’aide à son ancien ami devenu rabbin et qui a épousé celle qui est destinée à Sam à la base c’est une conclusion où pour moi la "balance cosmique" n’est pas respectée : j’ai du mal à accepter cette configuration où Sam est le perdant total parce qu’il a essayé de sortir du cadre et où celui qui "gagne" est le bon fils qui a respecté le chemin tracé du début jusqu’à la fin. (Pour me consoler je me dirais que gagner est subjectif et que Sam a vécu bien plus que lui)
Sam redevient donc un fils de bonne famille, expie pour ces pêchés et tout d’un coup toute cette opposition de générations, ces élans d’un jeune homme qui se heurte à l’influence paralysante de son milieu, tout ce qui rendait le film crédible et le personnage attachant, tout cela disparait, tout est résolu d’un coup parce que Sam retrouve la religion.
Autodestruction
Mouais... Ça sera sans moi... Malgré une bonne réalisation (j’aime bien les effets de mise au point de la caméra, qui joue avec le presque flou de manière très intéressante et souvent assez belle) et de bons acteurs, un scénario très bien rythmé où on se s’ennuie jamais, Jewish Connection se gâche tout seul à cause de cette fin un peu moisie.