Cap’ ou pas cap’ ?

...de faire les pires bêtises qui soient ? d’ignorer complètement ses proches, la bienséance, la mort, ... l’amour ? Tout cela pour se plier au rituel d’un jeu d’enfants où la récompense est une boite en fer pourtant toute simple, à peine décorée d’un manège aux couleurs vives. Mais ce n’est pas n’importe quel jeu, celui-ci est absolu et sa seule règle est que le possesseur de la boîte peut exiger de l’autre n’importe quoi, en échange de recevoir à son tour celle-ci.

Un tyran et un flan

... Julien et Sophie... un fils unique un peu trop gâté dont la mère est atteinte d’un cancer et la tête de turc polonaise des gamins du quartier... Tous les deux victimes de situations aux quelles ils ne peuvent rien, ils vont se construire un univers très exclusif autour de cette boite offerte à Julien par sa mère. En effet, les défis qu’ils exigent l’un de l’autre suivent une spirale perverse qui va progressivement leur aliéner tout leur entourage. Les bêtises de gamins naturellement pardonnées deviennent les jeux cruels de deux adultes qui, incapables de distinguer où le jeu s’arrête et où commence l’amour en viennent à se déchirer sans pour autant pouvoir arrêter le jeu.

Une ambivalence salutaire

Le film suit une narration très classique, l’histoire étant présentée sous forme de chapitres séparés par des ellipses de plus en plus longues. Malgré cette structure très linéaire, Jeux d’enfants n’est ni lassant, ni trop prévisible et évite surtout l’écueil de la morale façon comédie hollywoodienne où le retour sur terre est un passage obligé. Ici tout est sans concession, quitte à donner un côté ouvertement malsain à l’histoire. Qui n’en reste pas moins attachante grâce aux prestations de Marion Cottillard et de Guillaume Canet et à un humour très présent quelque soit la gravité de la situation ( ce qui n’est pas pour rien dans le malaise, on rit souvent de ces petites cruautés que nos héros s’échangent par victimes interposées).

La partie consacrée à l’enfance est à mon avis la moins réussie malgré un humour très pipi caca digne d’un album de Titeuf qui forcément fait mouche. Même si la narration est faite en voix off par le gamin qui joue Julien, certains dialogues font de manière très évidente beaucoup trop adultes et perdent en crédibilité. Plus gênant, la relation entre la mère mourante et Julien ne parvient pas à émouvoir et cette première partie en devient un peu décousue. Au final on en garde surtout les méfaits de nos deux garnements.

Le reste du film est d’un meilleur niveau, le rythme de la narration est soutenu et on accroche sans problème aux errances amoureuses de nos deux héros avec toujours cette ambivalence entre les aspects romantiques et délétères voir psychotiques d’un amour aussi singulier et extrême. Mais c’est ici quelque chose de salutaire pour le film, ce qui le rend largement plus intéressant que les comédies romantiques formatées qui atterrissent régulièrement sur les écrans.

une réalisation ambitieuse

... peut être trop d’ailleurs. Les couleurs de chaque scène ont été retravaillées à la manière d’un Jeunet sauf que c’est souvent moins réussi et surtout c’est omniprésent et très tape à l’œil. De même les séquences surréalistes (dans l’esprit de celles du Baron de Münchhausen de Terry Gilliam), censées représenter l’imaginaire de Julien ne sont pas très convaincantes. C’est un peu dommage mais c’est un premier film et il y a du mérite à tenter des choses, surtout que si la partie sur l’enfance abuse vraiment de ces effets, la suite est beaucoup plus réussie, le travail de l’image se fait plus discret et se met mieux au service des ambiances.

Sans être une réussite totale de par les défauts dans la réalisation et le traitement très neutre de l’histoire, Jeux d’Enfants fait quand même passer un très bon moment grâce au rythme soutenu, à l’humour très présent et bien sûr grâce à son couple d’acteurs très attachants . La réalisation et l’histoire en elle-même pourront en rebuter plus d’un mais le film vaut au moins la peine d’être vu pour en décider :) (et puis vous saurez le pourquoi du comment du tyran et du flan ...).