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publié par Mélanie Fazi le 14/05/07
Jesse Sykes & The Sweet Hereafter
- Like, Love, Lust And The Open Halls of The Soul
Like, Love, Lust And The Open Halls of The Soul

tournant

Il me sera difficile, pour parler de ce troisième album de Jesse Sykes & The Sweet Hereafter, de le replacer dans le contexte de la discographie du groupe sans faire de raccourcis hâtifs, car je l’ai découvert en premier et connais encore mal ses prédécesseurs. Mais une constatation frappe d’emblée à l’écoute successive des trois disques : le tournant amorcé par ce Like, Love, Lust and The Open Halls of The Soul. J’avoue être étonnée, en remontant ainsi le temps, par le relatif classicisme des deux premiers albums, dont l’appartenance à une country envoûtante et mélancolique ne fait aucun doute, alors qu’il ne me viendrait jamais à l’idée de coller cette étiquette à Like, Love, Lust. J’imagine donc sans peine comme celui-ci surprendra les amateurs (ou détracteurs, d’ailleurs) de Reckless Burning et Oh, My Girl.

fantômes

Comment le qualifier alors ? Question délicate. Il s’agit en tout cas d’un album avec lequel se produit une véritable rencontre, de l’ordre de l’éblouissement. Rencontre avec une voix, tout d’abord. Étrange, indescriptible, de celles qui ne peuvent susciter que des réactions fortes, adhésion ou rejet immédiats. C’est le premier des trois albums sur lequel elle soit à ce point mise en avant. Sa bizarrerie sublime, en tout cas, frappait moins sur les deux précédents. Le charme obsédant de ce disque repose en grande partie sur cette voix sans âge et sa façon de s’emparer des mots pour en extraire des émotions intenses. Est-ce un hasard si l’une des chansons s’appelle « Spectral Beings » ? On croirait sincèrement, par moments, écouter murmurer un fantôme. Des titres à l’ambiance douce amère comme « Eisenhower Moon » ou « Morning It Comes » donnent l’impression de s’éveiller au petit matin d’un rêve étrange dont ne subsisteraient que des émotions diffuses.

plongée

Like, Love, Lust est un de ces disques qui se révèlent au fil des écoutes, une couche à la fois. Mais on pressent immédiatement, dès les premières notes d’harmonica qui ouvrent « Eisenhower Moon », le côté profondément addictif et attachant de cet album. Certains titres frappent fort dès la première écoute. Surtout « The Air Is Thin », incroyablement poignant. D’autant plus qu’il est précédé d’une chanson pop nettement plus enjouée, « You Might Walk Away ». Certains considèrent celle-ci comme une faute de goût, tant elle tranche avec la tonalité du reste. On peut au contraire y voir une bouffée d’air frais bienvenue. À ce stade, un morceau plus sombre aurait plombé l’ambiance. Ici, on respire avant de partir en plongée. Ainsi amené, « The Air Is Thin » est d’une intensité quasiment douloureuse.

ruptures

D’autres titres s’installent petit à petit, dévoilant leur complexité. Les chansons de cet album sont d’une structure moins linéaire que celles des deux précédents. On y trouve davantage d’ampleur dans les orchestrations, de variété dans les ambiances et les styles musicaux. Par rapport aux titres les plus dépouillés de Reckless Burning par exemple, l’instrumentation semble moins souligner le chant que dialoguer avec lui. Ainsi, l’interaction entre la voix de Jesse Sykes et la guitare de Phil Wandscher bâtit une dynamique intéressante. Beaucoup de chansons, comme le splendide « Station Grey » ou l’énergique « I Like The Sound », se construisent à coups d’habiles ruptures de ton. C’est peut-être ce qui maintient l’attention de l’auditeur tout au long du disque, de même que la diversité des influences : on trouve ici des échos de soul ou de pop sixties, des chœurs, des guitares psychédéliques. Mais le tout reste constamment cohérent. Avec comme fil conducteur cette voix génératrice de frissons. Et des paroles intrigantes qui suggèrent beaucoup en peu de mots et vous tournent longtemps dans la tête. J’ai du mal à expliquer par exemple la fascination qu’exerce sur moi le refrain de « Station Grey » (« Down in the valley/I’ve not lost a thing/Down here in the valley/Where mission bells ring ») si ce n’est par la façon dont la voix s’attarde sur les mots pour en extraire un sens caché. On pressent, sur ce disque, beaucoup plus qu’on n’entend.

envolée

« Only music sets my soul free », chante Jesse Sykes sur « The Open Halls Of The Soul » qui conclut l’album par une envolée sublime. Une phrase qui sonne comme une profession de foi dont ce disque magnifique serait l’illustration, tant il est habité d’une sincérité bouleversante. Si Jesse Sykes dénude ici son âme, ce sont les tréfonds de la nôtre que sa musique parvient à toucher.

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publié par le 14/05/07
Derniers commentaires
gab - le 14/05/07 à 15:05

Faisant partie des "pas mal mais sans plus" sur ses albums précédents, j’ai bien envie de jeter une oreille sur celui-ci du coup