Cette soirée au Casino de Paris ne devait être rien de moins que magnifique : une artiste culte, Joni Mitchell, mise à l’honneur par des artistes tous plus talentueux les uns que les autres, à commencer par Jesca Hoop qui a réalisé pour la BBC un podcast sur Joni et Lail Arad qui est à l’origine de cette idée de concert "chorale" où de nombreux artistes inspirés par la chanteuse américaine viennent lui rendre hommage pour une ou deux chansons chacun. Après quelques dates en 2024, "The Songs of Joni Mitchell" est relancé cette année pour une dizaine de dates en Europe avec comme "noyau dur" Jesca, Lail mais aussi Kate Stables (This is the Kit) et Richard Sears au piano. Et parfois, selon la ville, une invitée prestigieuse comme Liiiiisa Hannigan (qu’on aimerait tellement revoie en France ), ou dans le cas de Paris, plein d’invités prestigieux : Lonny, Charlie Winston, Delgres, Yaël Naim ou encore Naomi Greene.

Mais c’est à la géniale Jesca Hoop (avec qui le Cargo ! tournait l’après-midi même sa 6ème session, pour vous dire à quel point on adore cette artiste) que revient l’ouverture de la soirée, rejointe ensuite par Richard Sears au piano. Il s’agit de "Morning Morgantown", qu’on retrouvera aussi sur l’EP sorti avec Kate et Lail. Le choix de chanson est parfaitpour les merveilles vocales que Jesca peut faire avec le haut du spectre, toutes les intonations et subtilités qu’elle insuffle dans son chant, il y a tout donc tout ce qu’on aime chez Jesca et en même temps, l’interprétation se veut respectueuse, on est clairement dans l’univers de Joni Mitchell. On retrouve ce même respect, cette volonté d’interpréter en restant soi-même mais sans jamais oublier que c’est la soirée et les chansons de Joni, en fil rouge chez tous les interprètes de la soirée.

Pour Kate Stables (This is The Kit) qui succède à Jesca, toujours aussi souriante et drôle entre les chansons mais émouvante et intense pendant, l’ "authenticité" viendra du choix d’utiliser le Dulcimer même si on sent qu’elle est moins à l’aise sur cet instrument que sur ses guitares. Et la prise de risque paye, au prix d’un mini-pain , ce dont on se moque royalement parce que c’était très beau et que c’est aussi ça un concert de This is The Kit, de la spontanéité et des imprévus toujours assumés avec un grand sourire... mais c’est peut être pas moins le cas pour la captation vidéo d’Arte (on y reviendra). Pour son deuxième titre, Jesca et Lail Arad viennent lui prêter main forte aux chœurs. Ce principe de mini-chorale reviendra tout au long du concert avec un personnel qui change selon le titre, à chaque fois, c’est un petit bonheur supplémentaire en plus du talent de l’interprète principal, qui ne prend pas non plus le pied sur lui.

Pour Lonny, qui juste après, c’est un peu la dream-team folk du Cargo ! qui se retrouve sur cette scène : Lonny en lead, accompagnée de Jesca, Kate, Lail et Naomi, toutes ces belles voix réunies sur une belle chanson, on se dit que c’est presque un privilège d’assister à une telle prestation.

C’est ensuite au tour de Théodora (basse et chant)), accompagné de Sage (guitare) soit la moitié d’Astral Bakers qui reprenne un titre de la période jazz de Joni, avec une partie de basse jouée par Jaco Pastorius puis de Delgres , la seule formation "groupe" avec une batterie (et un sousaphone). C’est Marouchka Danae, la fille du chanteur-guitariste Pascal qui assure le chant et elle s’en sort très bien devant une salle qui doit paraitre bien intimidante avec son public très silencieux et immobile. Et n’oublions pas Lail Arad, Naomi Green et Yael Naim, là encore de très belles prestations vocales. Et Charlie Winston, seul interprète masculin de la soirée.
Alors qu’on arrive à la fin du concert, qu’on fatigue un peu de ces longs changements de plateau, rallongé d’un long entracte, c’est Gail Ann Dorsey qui arrive sur scène, pieds nus, perchée sur un tabouret de bar avec sa guitare folk. Comme beaucoup des artistes de ce soir, elle prendra le temps de nous raconter son histoire avec Joni, d’expliquer le choix de deux titres qu’elle va interpréter. Et même de nous confier qu’elle est venue de New-York, uniquement pour ce concert, pour ce que Joni Mitchell représente pour elle. Et celle qu’on connaissait comme la bassiste de David Bowie (parce que Renaud Cargo nous l’a expliqué pendant l’entracte) nous a ébloui par son charisme, la force de sa prestation, en guitare-voix d’abord puis avec Richard Sears au piano.

Pour finir le concert, on s’en doutait un peu mais c’est l’ensemble des musiciens de la soirée qui reviennent chanter "Free Man in Paris", épaulés par le piano de Richard et la guitare de Kate. Encore un très beau moment pour finir un concert qui si on prend chaque performance individuellement a été très bon de bout en bout, on sent la passion et le respect de chacun des artiste pour celle à qui ils rendent hommage, on apprécie de retrouver aussi un peu d’eux dans chacune des interprétations.
Il faut aussi souligner le travail de toute l’équipe technique : aussi bien les roadies que les ingés son qui gèrent la façade et les retours pour les musiciens : le son est toujours très bon alors que les musiciens et les instruments changent à chaque chanson et que "quelqu’un" a fait le choix d’installer et désinstaller complètement entre chaque artiste, un choix qu’on ne comprend pas vraiment : beaucoup de complication et de stress pour l’équipe technique, l’obligation pour les musiciens de meubler dans ces changements de plateau où tout ne marche pas toujours du premier coup et vu du public un concert très décousu et très long.

On imagine que ce sont les impératifs du tournage ou une problématique technique quelconque qui a fait choisir cette solution de changements de plateaux incessants et comparé à la beauté des interprétations, au plaisir de voir sur une même scène tous ces artistes qu’on adore et qu’on suit pour certains depuis de longues années, c’est vite oublié et on ressort de cette soirée fatigué mais avec le sentiment d’avoir eu le privilège d’assister à de très beaux moments de musique.






