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publié par vinciane le 08/02/03
jack the ripper - ils arrivent....

le cargo ! : jack the ripper, bonjour. nous sommes avec arnaud, chanteur et thierry, bassiste. vous êtes frères d’ailleurs. cela fait 6 ou 7 ans que vous êtes ensemble, est-ce que vous pouvez nous raconter les événements marquants de l’histoire du groupe, votre formation, ce qui vous a fait tenir pendant tout ce temps là...

thierry : le fait de faire la musique, c’est arrivé comme beaucoup de groupes, par mimétisme... en écoutant de la musique, on s’est mis à tapoter sur des instruments, et on a commencé, arnaud et moi, avec deux autres personnes... vers l’âge de 14/15 ans... on a commencé à joué ensemble et, au fur et à mesure, on a découvert nos instruments... puis c’est devenu un peu plus sérieux et le groupe est venu comme ça.

le cargo ! : vous aviez une formation musicale avant ou c’est juste parti de vos envies ?

thierry : au début on était quatre et dominique, le pianiste qui est toujours là, avait une formation de pianiste, une formation classique. mais nous, non !

le cargo ! : et comment cela passé par la suite. ? vous sortez votre second album. quand est arrivé le premier ? quand avez-vous vraiment commencé la scène ? c’est de là qu’est venue votre réputation ?

thierry : on a répété longtemps, longtemps... dans des caves, des studios de répétition... puis avec le temps on a eu des propositions, on a fait des cafés-concerts, des concerts dans les bars... etc... puis on a enregistré pas mal de maquettes que l’on a proposées à pas mal de maisons de disques, jusqu’à ce qu’on décide, en 2001, d’auto-produire notre premier album parce qu’on n’avait pas de labels qui nous prenait.

le cargo ! : votre univers est plutôt sombre. qui compose dans jack the ripper ? qui écrit ? et comment cela se passe-t-il ? comment écrivez-vous ? retravaillez vous beaucoup vos chansons... ?

arnaud : toutes les compositions sont faites de manière collective en partant très souvent d’un des instruments mélodiques. après, celui qui a eu l’idée retravaille chez lui, au final sur un morceau il y a beaucoup de mouvements. le résultat est vraiment collectif. il y a une évolution du morceau qui fait que par rapport à l’idée que l’on pouvait avoir par rapport au départ, le résultat sera complètement différent.

le cargo ! : vous partez plutôt de la musique, d’un thème de départ ?

thierry : ca part souvent d’une grille d’accords, du piano ou de la guitare. a partir du moment où l’on sent quelque chose, il y a une rythmique qui se pose dessus. de fil en aiguille... soit cela vient très vite et un morceau peut être composé en une ou deux répétitions, soit cela mûrit... cela ne passe pas, on le retravaille plus tard. donc il n’y pas vraiment de règles. chacun peut écrire sa propre partition et arnaud écrit les textes par la suite, le plus souvent.

arnaud : le texte arrive toujours après... malheureusement (éclat de rire d’arnaud). ca rend les choses plus dures. c’est un peu comme les jeux d’enfants avec les carrés, les ronds qu’il faut faire rentrer. il y a un canevas... ca part souvent d’une phrase, d’un yaourt comme on dit. et à partir de cette phrase il va falloir créer un sens, une histoire à partir d’une phrase qui revient de manière récurrente, sans savoir pourquoi cette phrase-là. mais on ne peut plus faire la chanson sans cette phrase, aussi absurde soit-elle et à partir de ce moment là on peut construire une histoire. mais j’aime bien qu’il y ait du temps pour les paroles parce que l’on fait un premier bloc et au fur et à mesure on écrème. j’ai horreur, par exemple, d’enregistrer un morceau quand les paroles ont été écrites il y a très très longtemps. il faut les éprouver sur scène, après on corrige, on recommence, elles se perfectionnent en 6 mois, 7 mois. jusqu’à... je ne sais pas pourquoi il y a des phrases qui sonnent, c’est très difficile de savoir pourquoi en fait.

le cargo ! : l’inspiration ? ce sont des thèmes assez noirs, c’est assez sombre comme univers...

arnaud : de l’humour noir, oui (rires)

le cargo ! : puisque c’est toi qui écris les textes, d’où vient ton inspiration ?... des lectures ? de l’air du temps que tu absorbes ?...

arnaud : les lectures...oui... il y a souvent des références littéraires, parce que les références littéraires sont des références communes. comme le temps est très limité dans une chanson c’est parfois très pratique, peut être même trop facile d’invoquer un personnage et à partir de ce moment là les gens peuvent poser un décor très rapidement, cela permet une grande économie de moyens, j’aime bien ! mais sinon, l’inspiration... je ne sais pas... il faut que cela soit assez ouvert comme au théâtre, avec certaines situations-clés et on fait parler ses personnages. je conçois plus le chant, enfin ce qui m’intéresse ce n’est pas d’être un chanteur mais plus un porte-voix de personnages à qui je permets de donner la parole, souvent à la première personne. cela m’intéresse plus de donner une voix à des personnages qui n’ont pas souvent accès à la parole et de leur donner une ouverture sur les chansons. c’est ça qui m’intéresse. comme au théâtre c’est plus les personnages qui me disent le ton qu’il y a à prendre, moi je ne suis qu’une voix pour les servir. mais j’espère qu’il y a suffisamment d’humour, on peut faire beaucoup d’humour avec du macabre, je pense que ce n’est pas dénué d’humour. s’il n’y a pas d’humour la mission a échoué (rires)

le cargo ! : il y a une particularité quand même c’est que vous chantez en anglais. pourquoi ça ? etait-ce la langue qui s’y prêtait le plus, ou est-ce une question d’inspiration, tu écris plus facilement en anglais ? tu peux expliquer un peu ce choix.

arnaud : oui, oui... les mots et la musique doivent faire corps, à l’origine cette musique elle a des racines anglo-saxonnes qui sont évidentes, on peut toujours essayer de transposer une autre rythmique ou une autre langue sur une musique mais c’est quelque chose qui ne va pas naturellement. il y a certaines tentatives qui sont faites, mais en rock c’est souvent assez maladroit, parfois si cela réussit cela tient plutôt du miracle, car la langue ne se plie pas à cette musique. alors soit il faut tout repenser à partir des textes et refaire la musique, comme ce que fait bashung... car malheureusement la langue française n’a pas cette souplesse, n’a pas cette liberté. j’en ai encore plus la conviction en ayant fait du travail de traduction, sur la nature de la langue française. l’autre chose, c’est que c’est un problème culturel. parler et chanter sont deux choses différentes... quand ils ont voté cette loi sur les quotas en français, il y avait une culture francophone au niveau de la musique qui n’existait pas. moi je n’avais pas écouté piaf, peut être quelques disques de brel comme tout le monde, parce que mes parents avaient écouté ça, mais je n’écoutais pas téléphone... cela serait plutôt 95% de musique anglophone, 2 de musique hongroise et peut être 1 ou 2 % de français, il y a des choses très, très bien mais ce n’est pas notre culture. quand les gens vous disent vous êtes français vous devez chanter en français, c’est complètement absurde. je ne sais pas pourquoi les gens savent déjà que l’on est français à l’origine.. il y a par exemple des belges qui chantent en anglais et cela ne pose pas de problème, pourquoi en france on va vous demander vos papiers... vous êtes français, donc vous devez chanter en français.

thierry : c’est d’ailleurs quelque chose qui nous a desservis pendant tout ce temps, car malgré les recommandations de gens de radios, de gens de maisons de disques... nous en faisant cette musique là, on a décidé de continuer à chanter en anglais, car c’est ce qu’il s’imposait artistiquement, mais c’est vrai que ça a été difficile et on nous a fermé les portes de pas mal d’endroits... ce n’est pas uniquement du fait de ne pas chanter en français, mais c’est vrai que les portes se fermaient très, très facilement au sein des différents labels. ce qui fait que c’est pour cela que l’on a décidé d’auto-produire le premier, qui a ensuite été repris en distribution par un petit label parisien qui s’appelle pop-lane. avant de signer le deuxième au village vert.

le cargo ! : qu’est-ce qui fait d’ailleurs que cela a été si difficile de signer en maison de disques ? parce que vous ne rentrez pas dans un format habituel ? a cause de ce problème de langue... êtes-vous trop à part ? les gens ne sont pas encore prêts ?

arnaud : je pense qu’en france il y a certains formats qui sont pré-établis et si on ne rentre pas dans ces formats, on n’existe pas... vous pouvez sortir un disque, aussi bon ou aussi mauvais soit-il, s’il correspond à une conjoncture adéquate, vous avez une opportunité.. mais vous pouvez être en retard, bien que être en retard c’est souvent être en avance, car les modes sont souvent rétroactives. c’est vrai qu’il y a une grande naïveté de sortir un disque... qui méritait une note... j’sais pas ... au dessus de la moyenne. au dessus de 10 (rires)

thierry : 12, 13...

arnaud : on se disait, il y a une possibilité, il devrait être signé... mais cela ne marche pas comme cela... cela ne marche pas sur un niveau minimum, quand on commence la musique on est très naïf...on se dit tiens, c’est aussi bon que le disque qu’ils ont vendu à 500 exemplaires que j’aime beaucoup, mais finalement personne ne le veut...

le cargo ! : et vous êtes moins naïfs maintenant, ou vous gardez encore un peu...

arnaud : c’est pour cela que l’on a proposé à naïve... (rires...)

thierry : plus naïfs, je ne sais pas parce qu’on apprend toujours car cela ne fait pas très longtemps qu’on est là... le premier disque est sorti en 2001, là on va sortir le deuxième d’ici un mois. c’est vrai qu’il y a toujours une part de naïveté, maintenant... le groupe existe aussi depuis 6-7 ans, on a fait pas mal de scène. on apprend forcément des choses. on a aussi contacté pas mal de gens à force de démarcher...

le cargo ! : la voie de l’indépendance. aujourd’hui, il y a des groupes qui en font un choix. cherchez vous toujours à signer sur une plus grosse structure et avoir plus de marketing, de promotion, etc.... ou finalement cela vous vient plutôt bien d’être dans une petite structure ?

thierry : l’avenir nous le dira, mais humainement cela nous convient pas mal de travailler avec le village vert, qui n’est pas non plus une petite structure, ils ont pas mal de références... humainement, on a des contacts vraiment directs et peut-être que l’on sait un peu mieux où on va, sans faire de plan sur la comète. après on verra bien, si cela marche très, très bien... enfin, tout ça quoi...

arnaud : aller sur une plus grosse structure ce n’est pas non plus signer avec le diable, car si vous avez fait certaines preuves, ils vous laissent relativement tranquilles. la morale de savoir si on signe avec le diable parce que c’est universal, je m’en moque un peu. par contre si eux vous ordonnent, comme cela s’est passé avec barclay, où ils nous disaient vous allez devoir chanter en français, là ça change complètement l’optique. mais s’ils vous laissent une certaine liberté, quitte à vous jeter après car vous avez vendu 2000 copies (rires), ça c’est pas le problème, mais si vous avez un album dont vous êtes contents vous les avez eus... l’important c’est d’avoir les moyens pour réaliser l’objet que l’on a envie de créer...

thierry : de toute façon chaque chose en son temps. on est passés d’un album autoproduit à une production plus fournie et plus riche, après on verra le résultat en espérant que cela soit sur une échelle qui aille de bas en haut...

le cargo ! : les gens ont surtout pu vous découvrir sur scène. comment cela se passe-t-il pour vous ? quelle est la part d’improvisation, celle pour la répétition ?... comment cela se prépare-t-il au sein du groupe ?

thierry : on a toujours répété pour présenter les morceaux sur scène. dans cette logique de répéter pour jouer les morceaux sur scène avant de les répéter encore pour les maquetter. il y a beaucoup de morceaux que l’on a testés sur scène, avant de les enregistrer. mais cela vient aussi très naturellement, car être sur scène c’est un vrai plaisir, présenter les morceaux, voire quand le public apprécie. c’est le premier élément qui a fait fonctionner le groupe tel qu’il est. ensuite, à partir du moment où les morceaux deviennent un peu plus mûrs, on est passés à des phases d’enregistrement. mais la scène a été le révélateur... vraiment !

le cargo ! : et cela reste le moteur principal ?

thierry : pas forcément le moteur principal car maintenant enregistrer des albums c’est vraiment quelque chose d’intéressant, il y a quelque chose qui est gravé... c’est le cas de le dire... pas trop j’espère... et qui va rester. les deux, pour moi, sont aussi importants, les deux éléments sont très, très importants. l’un ne va pas sans l’autre en fait !

le cargo ! : arnaud, tu disais que tu étais le porte-voix de plusieurs personnages. ce la veut dire que sur scène tu représentes plusieurs personnages ? plusieurs univers ? ce n’est pas épuisant... ?

arnaud : (rires) j’ai peut être été un peu prétentieux en disant cela, en fait je ne sais pas si j’y arrive...

le cargo ! : c’est comme cela en tout cas que tu voudrais que les gens le perçoivent...

arnaud : ça j’en sais rien, ils perçoivent ce qu’ils veulent. mais c’est un canevas, le texte me permet de donner un canevas et donc détermine la personne qui parle... s’il y a... un impuissant sexuel... un travelo ou je ne sais pas... n’importe qui, quelqu’un qui s’ennuie, un quidam... c’est lui qui parle, qui donne le ton à employer. c’est juste un canevas, je ne sais pas si je suis le porte-voix inspiré... une pythie (rires en regardant le « ciel ») avec les voix... voilà... mais il y a aussi le thème récurrent de la mauvaise conscience, du diable qui revient toujours avec la voix trafiquée... en plus dans la conscience il y a plusieurs voix... des monologues intérieurs, ou des voix... cette espèce de schizophrénie, de folie... les voix du souvenir, des voix qui s’entrecoupent. c’est cette dynamique qui m’intéresse, mais cela on l’entend aussi bien sur le disque que sur scène, je pense... après il faudrait travailler dans la subtilité, car jouer des rôles de psycho c’est assez facile, mais jouer des rôles plus fins, c’est encore une autre paire de manches... il faut affiner encore !

le cargo ! : là c’est encore le début de l’année, on est en février, quels sont les projets de jack the ripper pour l’année 2003 ?

thierry : il y a donc l’album qui sort le 25 mars chez le village vert et ensuite une tournée pour promouvoir et présenter cet album, qui devrait commencer dans la foulée courant avril, pas mal de concerts en espérant quelques festivals cet été. retour à paris en juin, et voilà.

interview réalisée par aurore pour tous en scène (canal 35) et le cargo !

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publié par le 08/02/03
Derniers commentaires
Romain - le 09/04/07 à 23:12
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Magnifique,quel groupe !!!Musique formidable !!!Pleins d’emotions,un veritable univers...