mésaventure
cette semaine interpol est de retour sur paris après la fin de leur première vraie tournée en france et dans quelques pays d’europe. c’est l’occasion pour notre cargo de les revoir, en dehors du cadre de la promo classique : avant album, avant tournée, avant d’avoir vraiment quelque chose à dire. l’occasion, aussi, de passer un peu plus de temps, seul cette fois-ci, avec eux. bon tout cela est bien beau, mais c’est sans compter les petits imprévus... quand on va à labels, on sait toujours qu’il y aura un peu de retard, cette fois-ci claude gassian, grand photographe, ayant eu le même horaire que moi, je vous laisse deviner qui est passé en premier. on se retrouvera d’ailleurs dans le même cas de figure pour l’interview de supergrass ! très vite on arrive vers les 14h45, ce qui fait toujours un peu long, surtout quand on est accompagné de sa fille de six ans, malade. je sais, cela ne fait pas très professionnel, mais ça tombe bien, je ne le suis pas ! je ne me sens pas du tout journaliste, même après plus de trois ans de cargo ! mais tout cela ne serait vite oublié si notre mini-disc avait bien voulu fonctionner normalement. au lieu de cela (et je fais beaucoup d’effort pour rester extrêmement poli en vous racontant cette petite mésaventure !!!) rien, nada, nothing... le mini disc est resté vierge. le genre de petit détail anodin qui vous fout la journée et le reste de la semaine en l’air. quand je vous disais que je ne me sentais pas professionnel, j’ai de bonnes raisons, non ? pour ne pas rester non plus sur notre fin et sur un échec, je vous livre ici en quelques phrases ce que j’ai compris et retenu de notre entretien... la coutume sur cargo veut que les interviews soient retranscrites en entier, sans aucune coupe... désolé pour cette fois ! mais cela nous fait une excuse pour coincer le groupe une troisième fois quand il reviendra en mars.
angoisses
je me retrouve donc dans le local de labels, paul - le chanteur - et daniel -le guitariste - sont occupés, c’est donc carlos le bassiste et samuel le batteur qui affronte l’incroyable pauvreté de mon anglais. en attendant que je me prépare et que j’explique à ma fille ce que je suis en train de faire avec ces drôles de type qui parlent anglais, ils s’amusent beaucoup en regardant les photos qu’ils ont fait pour cargo cet été. carlos ne se souvenant pas d’ailleurs de la plupart des moments où elles ont été prises... je vous laisse deviner pourquoi, pourtant la plupart l’ont été dans la journée. la vie de rock star est décidément fatigante. aujourd’hui ils ne le sont pas vraiment, fatigués, interpol repart sur new york après une tournée européenne remplie de bonnes surprises. samuel affirme que pour ne pas avoir de déceptions, chaque jour de concert il ne pensait au concert et juste au concert, et à rien de ce qu’il peut se passer autour. n’attendant rien de particulier dans chaque ville où ils jouaient, le groupe préfère se concentrer sur la musique que vivre des angoisses de remplissage de salle.
too cool
carlos lui me regarde, en se contentant de secouer la tête, quand je lui demande si il est content de la tournée, c’est de gauche à droite, y a-t-il des regrets, c’est de bas en haut... il n’avait déjà pas beaucoup parlé lors de la première interview, je me dis donc que c’est repartit pour un tour. déjà que je n’avais pas traduit mes questions car je pensais que daniel et paul seraient là, et la première fois que je les avais interviewé, c’est daniel qui avait fait le traducteur... voilà, vous savez tout, ou presque. je me dis que samuel est assez bavard et que je pourrai toujours faire l’interview avec lui, sous le regard de carlos, mais mon a priori se dissipera bien vite. carlos se révèlent attentif et ne parle jamais pour ne rien dire. il écoute tout le monde, s’amuse de la présence de salomé (ma fille) et se livre avec précision. aujourd’hui interpol peut faire le point et se dire que les salles étaient remplies à 90%, et que chaque soir le public avait une énergie communicative qu’ils espèrent avoir rendu sur scène. bien sûr la route du rock reste le moment le plus incroyable de cette tournée et sûrement le meilleur concert, le meilleur souvenir de leur carrière. samuel - qui comme le reste du groupe est resté jusqu’au bout de la nuit pour ne pas rater l’incroyable concert de programme - reste persuadé, comme plusieurs fans rencontrés après le concert, que la pluie qui s’abattait en ce vendredi a apporté une atmosphère particulière a cette journée... et pour lui, quand il a entendu près de 5000 personnes chanter "happy birthday to you", il s’est vite retrouvé dans la foule, trempé, une chaussure perdue. et quand je lui signale que certains fans ont trouvé que interpol ce soir là, n’était pas à leur image, trop décontractée... il me certifie que se retrouver porté par la foule n’est pas « too cool » (pour l’avoir croisé un peu plus tard dans la soirée, dans un piteux état plus proche de festivalier de camping que de la rock star, je peux vous dire qu’effectivement ce stage diving fut agité et boueux), et que de toutes façons ils ne sont pas les virgin prunes. quelle que soit l’image que les gens ont d’eux, il reste naturel, et il est désolé de décevoir certaines personnes en étant lui-même (il s’adresse au magnéto... qui ne marche pas... comme si c’était le fan en lui disant qu’il est désolé.). samuel cite d’ailleurs en exemple nick cave, qui dans un clip que interpol a vu la veille s’amuse à casser son image de « lord of the darkness »...
punk
beaucoup de groupes américains sont plus connus en europe que dans leur pays d’origine (comme eels, spain ou lift to experience qu’ils ont l’air de particulièrement apprécier). interpol est venu en europe très tôt dans sa carrière en ayant cet état de fait à l’esprit. mais comme ils sont heureux de l’accueil que l’europe leur a réservé, ils sont aussi très agréablement surpris de voir que la tournée qu’ils ont fait et qui va se finir en décembre aux etats unis marche aussi très bien. ils finiront d’ailleurs l’année 2002 à new york avec trois dates sold out. cela reste quelque chose d’important à leurs yeux. bien sûr ils savent que les groupes européens, anglo-saxons, rêvent aussi de marcher aux etats-unis, où le système est très différent de l’europe, que c’est le passage obligé pour devenir des super stars du rock... mais samuel, aussitôt, assure qu’interpol se fout royalement de devenir un des nouveaux dinosaures du rock. pas de futurs rocks stars ingérables et insupportables en perspectives ! ? l’ambition de vouloir tout contrôler (cf. première interview) reste l’un des moteurs de ce groupe. ils le revendiquent tous, très naturellement, le contrôle, l’absence de concession... d’ailleurs cela faisait partie des points d’accord avec matador et labels. seul un label qui leur garantie le contrôle de leur carrière pouvait les intéresser. c’est aussi cela l’esprit punk, qui n’est pas, comme on peut s’en douter, un esprit politique.
soulseek
interpol ne se revendique en aucun cas un groupe politique, il n’y aura pas de nouveau bono chez ces 4 new-yorkais. juste quatre garçons qui savent ce qu’ils font et surveillent tout ce qui se passe, comme le clip de "pda", qu’ils ont suivi de près, refaisant faire plusieurs fois le montage avant d’en être satisfait. nous n’avions que brièvement évoqués leur travail à notre premier rendez vous. la musique d’interpol procure des sensations immédiates, elle fait naître en nous de nombreux sentiments, de fortes sensations, elle est très physique... pour carlos et samuel c’est en cela qu’ils font de la pop, en créant une musique accessible immédiatement, qui capte l’auditeur et lui parle dès la première écoute. bien sur ils sont très conscient du piège de la pop musique : que tout cela soit oubliée très vite, après quelques écoutes. peu de groupes sont arrivés à l’alchimie parfaite, et si carlos cite les beatles ce n’est en aucun cas en se comparant mais bel et bien comme une référence, la référence (?). bien sûr ils espèrent que la musique d’interpol soit assez riche, assez forte pour rester des années après toujours aussi forte à chaque écoute. ils travaillent tous les quatre dans ce sens. etant un webzine, on ne pouvait passer à coté des inévitables questions sur le net. mais c’est surtout à propos de programme comme soulseek (que carlos connaît très bien), et le fait que l’on trouve énormément de concerts et de morceaux d’interpol en mp3 sur le net, que l’on aimerait avoir leur avis. samuel nous avoue très vite qu’en dehors de quelques e-mails et d’écrire quelques textes, il refuse d’utiliser un ordinateur et écouter des mp3 sur un ordinateur ne le branche pas du tout. carlos, lui est beaucoup plus disert sur le sujet. pour lui l’échange de musique est un bien pour de nombreux groupes, et il ne comprend vraiment pas l’attitude ridicule de metallica qui se bat contre les morceaux qui se baladent sur le net. carlos pense que tout cela ne peut que servir un groupe. même s’il connaît plusieurs personnes qui n’écoutent plus que des mp3 sur l’ordinateur (dont certains achètent ces fameux mp3). c’est une évidence pour lui : cela peut permettre à de nombreuses personnes de découvrir de nouveaux groupes plus ou moins obscurs et aussi de partager ces découvertes avec leurs amis.
rituel
très vite notre conversation dévie vers le fait que pour carlos et samuel, le net n’est pas un problème car les amateurs de musique aiment aussi le cd en tant qu’objet. même si pour tout le monde dans cette pièce la disparition forcée du vynil reste le grand regret de tous le amateurs de musique. car pour la section rythmique d’interpol écouter de la musique c’est bien plus qu’ouvrir les oreilles. pour samuel il y avait tout un rituel, qui existe toujours plus ou moins et qui reste très important, autour des disques à écouter. on sortait les pochettes, on se passait les disques en fumant des cigarettes ou des joints, les photos des pochettes et les textes sont des éléments importants de la découverte d’un groupe et de sa musique. la conversation s’égare donc vers nos souvenirs et nos goûts personnels face au cd , aux vynils et au matérialisme des amateurs de musique. l’un regrette la taille des pochettes, pendant que l’autre se dit qu’avec toute la collection sur ton ordinateur ça n’a pas le même effet qu’un mur de disques que tout à chacun peut regarder et en connaître un peu plus sur la personnalité du collectionneur. carlos finira par conclure que si les mp3 existent aujourd’hui c’est aussi parce que l’industrie du disque a tout fait pour faire disparaître le vynil et mettre en place eux même la musique numérique. quand on vous parlait d’esprit punk...
rendez-vous
emmanuel plane, le g.o de labels vient maintenant nous signaler que le groupe doit partir. un taxi les attend. mais carlos veut être sûr avant tout que je suis d’accord et que j’ai bien fini de poser toutes mes questions. il ne me reste plus qu’à faire part de ma grande découverte qui les laisse d’abord sans voix puis mort de rire : interpol à joué trois fois sur paris deux fois en même temps que le festival des inrocks sans y être invités et surtout deux fois le même soir que coldplay. tout en continuant de leur affirmer que je suis sûr qu’ils l’ont fait exprès, carlos se demande si ils n’essaient pas de couler coldplay, pendant que samuel se dit que cela veut sûrement dire qu’ils feront un jour un album ensemble, sans avoir vraiment envie d’y croire. encore une fois on a réussi à passer un bon moment avec une partie d’interpol. tous les groupes n’auraient pas été aussi ravis de voir un soi-disant journaliste venir avec sa fille, faisant des aller et retours incessants. même mes a priori sur carlos ce sont vite envolés. paul banks, est même venu à la fin de l’interview pour savoir quand nous nous étions croisés... on sent que cela le tracassait de reconnaître un visage sans pour autant pouvoir le situer. cela reste pour moi des petits détails qui me rassurent sur la personnalité des membres de l’un des groupes les plus excitants de l’année. voilà donc ce que j’ai pu réunir de cette demie heure avec la rythmique d’interpol. disons que vous avez sous les yeux un bon tiers de notre conversation. on se rattrapera très vite, quand le groupe reviendra en mars pour plusieurs dates en france, nous aurons une bonne excuse pour reprendre rendez-vous...