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publié par Mickaël Adamadorassy le 16/05/05
innocent x - composition instantanée

Merci aux membres d’Innocent X de nous avoir accordé cette interview où l’on commence par essayer d’en apprendre un peu plus sur le groupe avant d’aborder la réalisation de leurs deux albums et la scène.

Innocent X est-il maintenant le seul projet musical auquel vous participez ?

Pierre Fruchard : Non, nous avons tous les trois d’autres projets...

la basse est assez présente sur fugues, n’avez vous pas pensé à recruter un bassiste ? d’ailleurs pourquoi ce choix de ne pas en avoir à la base ?

Pierre Fruchard : Le choix de ne pas avoir de bassiste est surtout dû au fait que le trio, humainement et artistiquement, est une formule qui nous convient parfaitement. La présence de basse sur Fugues est surtout là pour élargir le spectre sonore lorsque le besoin s’en faisait ressentir...et comme je joue aussi de la basse et que j’aime ça, nous n’avons pas ressenti le besoin de convoquer quelqu’un d’autre.

le disque est sorti en 2002 mais on l’a reçu sur le cargo en 2004 avec un album annoncé juste après pour 2005. Que s’est-il passé pour le groupe durant cet intervalle ?

Pierre Fruchard : Durant cette période le groupe a continué à travailler...si vous l’avez reçu un peu tard, c’est que nous n’avions personne à ce moment là pour s’occuper de la promo de l’album et qu’il est difficile d’être sur tous les fronts en même temps.

On lit dans la bio que le groupe a commencé sur la base de "canevas pour l’improvisation", haut/bas semble quand même assez structuré, que ce soit sur un morceau ou sur la globalité, avec cette notion de B.O. de film qui revient assez souvent pour décrire la musique. Comment s’est effectué la transition ? Les morceaux de haut/bas sont-il issus tous de séances d’improvisation en groupe ou d’idées individuelles retravaillées ensemble ?

Pierre Fruchard : Les deux méthodes sont chez nous souvent liées. La première étape peut partir soit d’une improvisation collective, soit d’un canevas proposé par un des musiciens puis, très vite arrive un travail d’écriture qui est la définition de la structure horizontale. Une fois que le canevas est satisfaisant, nous n’irons pas plus loin. En dehors de sa structure, sont souvent aussi définis les timbres utilisés...la palette sonore du morceau en quelque sorte. Je reviens sur la notion d’improvisation juste pour spécifier qu’il s’agit plus pour nous de composition instantanée que de réelle improvisation au sens où on l’entend habituellement.

les titres des morceaux sont très évocateurs, on peut bien sûr construire ses propres interprétations sur la musique, n’empêche j’aimerais bien avoir les votre pour justice limite ou oui, madame par exemple. pourriez-vous nous raconter pourquoi ces titres ont été associés aux morceaux ?

Pierre Fruchard : Le titre de justice limite était une réaction à l’opération lancée par les États-Unis qu’ils avaient nommé justice sans limite...cela nous est apparu plus proche de la réalité. Quant à oui, madame c’est une amie qui à l’écoute du morceau y a entendu le courroux d’une femme d’où...

pour décrire votre musique, les noms de groupes plutôt post rock reviennent souvent mais dans haut/bas et encore plus dans fugues (je pense à l’arpège qui ouvre aux marches du palais), j’y trouve aussi des ressemblances avec des musiques de l’est. Est-ce que cela fait partie de vos influences et pour élargir la question, on écoute quoi en ce moment chez innocent X ?

Pierre Fruchard : Nos influences sont vraiment multiples...en fait, tous les gens que nous aimons influent sur notre travail... lorsque nous composons nous sommes le plus souvent à la recherche d’une émotion ou d’une énergie et je serais bien embarrassé si je devais vous dire que telle composition a été influencé par les Doors par exemple ou si ce n’est pas plutôt plus proche de l’émotion éprouvée à la lecture d’Antonin Artaud...ou à l’écoute de Jean Luc Godard...ou à l’émotion que me procure le cinéma de Philippe Garrel ou de Tarkovski...Bref la liste peut être très longue. En ce moment, on écoute Pan Sonic, Six Organs Of Admittance, Morton Feldman, John Zorn, Cat Power, eRikm & Fennesz ...etc...

comment avez-vous abordé la composition de cet album : haut/bas comportait une touche mélancolique très prononcé tandis que fugues, même si on y retrouve certaines de ces ambiances, m’a paru un peu plus optimiste, plus apaisé à l’image du morceau du même nom, mais avec des passages plus rock aussi .

Pierre Fruchard : Il n’y a pas eu de volonté pour Fugues d’être plus ou moins mélancolique ou optimiste ou sombre ou que sais-je...mais plus d’inaugurer de nouvelles formes et d’introduire de nouveaux timbres. On a aussi essayé d’approfondir les directions introduites par Haut/Bas. Après le choix des morceaux se fait sur leurs qualités intrinsèques...et sur le plaisir qu’on a à les jouer. Ce qui peut être intéressant de relever, c’est que trois mois avant d’entrer en studio, nous avions une vingtaine de morceaux et que seul deux d’entre eux se trouvent sur l’album, tout est venu dans l’urgence, les dernières semaines...

comment est venu l’idée des parties chantées/parlées sur le nouvel album ?

Pierre Fruchard : C’était un des points de départ de Fugues : se frotter au verbe, au sens, ce qui allait nous permettre d’explorer d’autres territoires...Ensuite, une fois les invités choisis, ils étaient libres d’aborder notre musique comme ils l’entendaient.

pouvez-vous nous parler de France Cartigny et de Anne-James Chaton, de la manière dont s’est déroulé votre collaboration ?

Pierre Fruchard : Que du bonheur puisque ce sont deux personnes intelligentes et sensibles. On a répété une ou deux fois le mois précédent l’enregistrement. Concernant Anne-James, nous lui avions envoyé deux-trois morceaux afin qu’il puisse écrire les textes en amont, c’est comme-ça qu’est né Comédie...quant à Valade Martial, il s’agit d’une improvisation, ou d’une écriture instantanée collective... Pour France, le travail était plus simple puisque nous lui avons proposé les deux textes (Aux marches du palais que tout le monde connaît et un poème de Tristan Corbière que personne ne connaît), il ne nous restait plus qu’à mettre ça en place.

éprouvez-vous autant de plaisir à jouer sur scène qu’en studio ? Au concert de la boule noire, j’ai eu l’impression que les ressentis étaient assez différents à ce niveau dans le groupe.

Pierre Fruchard : Cela est très variable. Lorsque tu es sur scène, il y a des tas d’éléments que tu ne contrôle pas. et cela peut être magnifique quand cela se passe bien car tu es bien évidemment boosté par la magie de ce qui se passe...mais à l’inverse tu peux avoir la sensation de ramer si cela ne se passe pas comme tu le souhaites...c’est le risque de tout projet basé sur l’improvisation...

lors du dernier dossier cargo consacré aux français d’hopper et d’exsonvaldes, on a largement discuté des difficultés rencontrées par la scène française indépendante, que ce soit au niveau des concerts ou de la presse, comment se présentent les choses pour vous ?

Pierre Fruchard : C’est difficile pour nous aussi ! Le seul espoir de rendre viable un projet comme Innocent X est de sortir de France...Aujourd’hui, la France est devenue un pays sclérosé sur ce plan là. Je suis toujours surpris de voir qu’un groupe peut faire 6 dates en Allemagne et seulement une seule en France. Il y a vraiment un fossé qui se creuse de plus en plus. Par rapport à Hopper ou Exsonvaldes, nous ne sommes pas non plus dans le même cas de figure qu’eux. C’est à dire qu’ils font tout de même une musique beaucoup plus "accessible" que nous. Ils tournent également plus. Innocent X, à l’heure actuelle, ce n’est qu’une douzaine de concerts par an malheureusement. Frilosité des salles (même si certaines continue de faire un boulot incroyable), de la presse papier, des radios.... L’auditeur, le public a plus que jamais son mot à dire pour essayer contrebalancer ça.

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publié par le 16/05/05