« -La défaite n’existe pas dans ce dojo, n’est-ce pas ? -Non, Sensei ! » John Kreese/Karate Kid, 1984
La première saison de Cobra Kai, au miraculeux succès critique et public, plaçait d’emblée la barre très haut en termes d’attentes et d’exigences pour la suite. Le trio de scénaristes/producteurs allait-il réitérer l’exploit et parvenir à maintenir la qualité du show et continuer sur cette voie ? Dans l’ensemble, oui.
Pour ce qui est de l’histoire, le fond est là et embraye intelligemment sur les acquis. Deux difficultés s’érigent en challenge pour les deux Senseis désormais : Pour Johnny Lawrence, c’est de ne pas basculer dans les vieux travers qui définissaient le Cobra Kai, et de s’en tenir à des valeurs récentes pour lui et qu’il voudrait représentatives de sa nouvelle façon de voir les choses. Modifier les bases de son karaté afin de le rendre plus honorable. Pour Daniel Larusso, c’est d’arriver à transmettre les leçons qu’il a apprises avec Maître Miyagi, tout en les renouvelant afin de s’affranchir partiellement du lourd héritage que cela représente pour lui. Comme lui conseille sa femme dans le deuxième épisode : « Tu n’as pas besoin d’être M. Miyagi. Sois juste M. Larusso ». Ils vivent donc désormais tous deux avec un poids personnel sur les épaules : être à la hauteur des valeurs qu’ils veulent dispenser. Mais comme tous deux voient leur école comme une solution à ce qu’ils considèrent être une agression venant du dojo adverse, née d’une animosité alimentée par des souvenirs de jeunesse qui les a marqués au fer rouge, ce sera difficile pour eux de prendre du recul et de faire abstraction d’une rancœur aussi vieille que tenace.
Cet équilibre précaire entre les deux écoles sera d’ailleurs sérieusement menacé par un vieil ennemi dont l’arrivée à la toute fin de la saison 1 laissait présager le pire. Tel le serpent emblématique du Cobra Kai, la présence du vieux sensei John Kreese déstabilise sournoisement les velléités de rédemption de Lawrence. Un fantôme du passé, reflet de ce que Johnny ne veut plus être désormais mais à qui il doit ironiquement sa gloire d’antan. Ses actions au cours de la saison sont assez bien amenées pour qu’on se méfie de lui de manière instinctive, bien qu’en ayant par moment de la pitié, voire de l’empathie, pour l’être abîmé et vieillissant qu’il semble être devenu. Le traitement du personnage, sans le rendre forcément sympathique, lui confère une fragilité et une patine plus humaine que dans la trilogie ciné. La vérité sur son passé notamment, permet de craqueler l’aspect monolithique et sans nuances du personnage. Cependant, son influence néfaste continuera à transformer le personnage instable de Hawk, dont la mutation agressive atteindra son apogée lors du dixième épisode.
L’autre bonne idée de cette saison est d’avoir centré l’intrigue pendant les vacances d’été suivant le tournoi (à l’image du deuxième film d’ailleurs) et de ne pas avoir fait un calque des enjeux précédents. Pas de tournoi ici mais plutôt une volonté de renforcer la mise en place des personnages pour les laisser vivre leur évolution récente et les faire s’épanouir. Les histoires dans chaque camp vont se développer en reflet ici aussi : deux senseis en prise avec la difficulté d’enseigner, deux nouvelles histoires d’amour, deux personnages comiques décalés. Comme si, encore une fois, on avait droit à deux facettes d’une même histoire.
Et surtout, l’évolution de Johnny, son constat d’échec en tant que père et son impossibilité à réparer sa relation avec son fils qui a basculé du côté Miyagi-Do dojo, continue à être la grande réussite de la série. Le personnage essaye toujours de se racheter une conduite malgré des mauvaises racines assez tenaces, notamment en s’occupant de Miguel qui est plus un fils de substitution qu’un élève et qu’il essaye d’éloigner des anciens préceptes belliqueux du Cobra Kai. Par conséquent, sa manière de s’ouvrir à Miguel et l’importance qu’il donne à placer les bons curseurs d’enseignement le rendent très attachant.
Cependant, à l’image des deux héros qui se cherchent, la série joue parfois dangereusement avec la forme pour se renouveler. Elle se cherche au risque de basculer dans la facilité. Trouver autre chose que lustrer/frotter, chercher le gimmick à tout prix et il n’y a qu’un pas pour basculer dans la caricature. Les « trucs » d’entraînements sont un peu plus grossiers et demandent une suspension d’incrédulité et une bienveillance bien plus grandes que dans la saison passée. Le 7e épisode est ainsi le plus maladroit de la saison en cours, les entraînements respectifs des deux écoles frisent le ridicule (une variation du jeu du drapeau en forêt pour le Cobra Kai et un entrainement en chambre froide pour le Miyagi-Do). La démonstration fonctionne mal visuellement car peu crédible et trop facile. C’est d’autant plus dommage que le ton adulte et grave de l’épisode précédant proposait une parenthèse assez émouvante, on y voyait Johnny retrouver les anciens membres de son gang et partir dans une virée à moto profondément nostalgique. Un constat touchant sur un passé révolu et sur la fragilité de la condition humaine.
Mais ces quelques maladresses ne nuisent pas trop au show tellement il est, encore une fois,respectueux de son héritage. Cette saison (bien plus que la précédente) est blindée de références plus ou moins évidentes aux films précédents. Que ce soit la musique, les situations, les références visuelles ou certaines lignes de dialogues, les easter eggs – ou références cachées en français – sont imbriqués dans la structure narrative de manière tellement évidente qu’ils participent à l’ADN de la série. A la fois un cadeau aux fans hardcore mais aussi une manière d’ancrer cette histoire dans une boucle qui semble se répéter comme une malédiction.
Si la première saison a obtenu son 1er Dan haut la main et avec les honneurs, le 2ème Dan ici est validé avec quelques approximations. Mais ce que la saison a un peu perdu en fluidité et en homogénéité, elle l’a gagné en dureté. Les confrontations s’enchainant et montant en intensité créent une tension qui ne demande qu’à exploser. Entre les élèves comme entre les deux rivaux principaux. La mèche sera allumée lors d’un final explosif à la conclusion tristement dramatique. Ironiquement, même les bonnes décisions peuvent provoquer les pires dénouements. C’est en cela que la série continue à surprendre, de manière moins éclatante car parsemée de moments virant un peu plus vers le teen soap opéra, mais préservant un univers et une galerie de personnages qui se construisent entre équilibre et chaos.