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publié par Mickaël Adamadorassy le 21/02/05
hopper
- a tea with d.
a tea with d.

quelques accords dissonants hâchés par un trémolo, un fond indistinct, inquiétant duquel émerge progressivement la voix de Dorothée, une des deux chanteuses-guitaristes de Hopper. Son timbre navigue à volonté entre douceur et âpreté, comme ce "Stranger for good" qui ouvre l’album se joue lui des genres, passant d’un refrain noisy à un couplet à la mélodie polie et repolie où une très belle partie de slide dispute la vedette aux harmonies vocales d’Aurélia. Et en un sens, c’est même tout l’album qui se joue de nous : si ce premier morceau parle de solitude, il nous invite justement à écouter, pour ne plus être des étrangers mais de cette solitude il est toujours question dans la superbe ballade qui clôture l’album. il faudra donc plus que onze chansons, plus que les quelques indices que le groupe donne en live, pour déterrer les secrets enfouis évoqués dans "Stranger for good"... peut être savoir interpréter ce qui reste au fond de la tasse, après une cérémonie du thé avec D... Voici ce qu’il y avait au fond de la mienne :

L’anneau : l’union.

dans les figures du thé, l’anneau représente le mariage, l’union. Hopper c’est donc d’abord le mariage réussi entre la voix d’Aurélia assez conventionnelle mais très bien maitrisée dans la puissance et la pureté comme dans le rythme (la ligne de chant de "More and more" témoigne à ce titre d’une aisance impressionante) et celle plus rauque de Dorothée. Et c’est un mariage qui dure, puisqu’elles se sont rencontrés en 1995, ont fondé un premier groupe, Gemini, bricolé sur un quatre-pistes un album maison, There’s no place like home. Vient ensuite une deuxième union, avec une section rythmique, quand l’envie de se frotter à la scène se fait pressante . Romain (basse) et Jean (batterie) donnent alors au groupe sa forme définitive. Sunbelt, un EP de 4 titres marque cette nouvelle ère et le titre éponyme vaut à lui tout seul le coup : six minutes magiques pour dérouler des paysages imaginaires entre mélancolie et psychédélisme 70’s.

Le zèbre : d’une émotion à une autre.

Si la tonalité générale de l’album est assez mélancolique, une des choses qui le rend si attachant est la faculté que les chansons ont de se métamorphoser, de passer comme dans "More and more" d’une rythmique acoustique typiquement folk à quelque chose de plus énervé, que ce soit dans la voix qui se fait hurlement, les guitares et la basse qui se saturent ou le batteur qui déploie l’artillerie lourde (d’ailleurs, Jean, en plus de conserver une mise en place impeccable, est impressionant de puissance, surtout en live). Les compositons fourmillent de changements d’atmosphère mais aussi de breaks et de montées, comme celle de "Stranger for good" totalement inattendue en plein milieu d’un couplet. Heureusement la section rythmique assure et sait faire le liant entre les parties, amorcer et désamorcer ce qu’il y a d’exacerbé dans les couleurs, les émotions d’Hopper.

La cascade : l’abondance.

Un morceau plat, ça n’existe pas sur A tea with D. D’abord d’une manière évidente, parce que chaque morceau ne se contente pas de poser une mélodie et une structure classique (le fameux chorus-verse-chorus de kurt cobain) mais offre plutôt deux ou trois de ces métamorphoses dont je parlais plus haut. et au niveau de l’album, c’est la même chose : il y a bien plus que la formule calme/énervé : les rythmes ternaires du très barré "The Thief", une relecture inattendue du thème d’amicalement vôtre sur "Colours" (merci à Claire de liabilitywebzine, j’aurais pas retrouvé tout seul :). Dans "The last sin", se mélangent instrumental zen pour wah cool, refrain puissant et surtout une des plus belles parties de chant de l’album, poignante, cristalline (un peu à la manière d’heather nova mais sans le côté pop surproduite).

le masque : le secret

Le secret c’est toutes ces trouvailles, ces arrangements qu’on ne remarquera pas sur l’album avec une première écoute distraite mais qui au fur et à mesure vont se révéler. C’est l’inventivité de la batterie de Jean sur des morceaux comme "The thief" ou "Colours". C’est les lignes de basse de Romain, qui donnent leur relief aux parties saturées de "Stranger for good" par exemple. Et c’est aussi le dialogue entre la strat’ d’Aurélia qui se pare volontiers d’effets et la telecaster de Dorothée, dont le jeu sait se faire discret (peut être un peu trop sur scène), quelques notes égrénées qui tissent une atmosphère, ou plus présent pour des leads épurés. Ce n’est pas un élément qu’on associe généralement au rock indé mais je trouve que nos deux chanteuses maîtrisent très bien leur instrument et c’est quelque chose qui est très bien mis en valeur par la production de Peter Deimel et Iain Burgess, des anciens collaborateurs de Steve Albini.

symbole

Voila il ne reste plus qu’une seule figure au fond de ma tasse et j’hésite un peu sur l’interprétation que je dois lui donner, est-ce un oeuf, le symbole de la réussite d’une carrière, ou alors une chaussure, qui représenterait l’énergie du groupe sur scène, la dynamique qu’ils ont su créer avec 48ème parallèle. Finalement c’est sûrement un vase, le symbole de l’admirateur secret et c’est exactement le sentiment que j’ai envers cet album. Il y a bien une ou deux chansons un peu moins bien qu’une merveille de composition comme "Stranger for good", et la voix de Dorothée déstabilise un peu au premier abord, même si très vite on y prend goût. (mais je continue de penser qu’elle ne devrait pas aussi systématiquement la pousser alors qu’elle est très bien nature). A tea with D. est donc un excellent album qui témoigne d’une identité forte, le "there’s no band like them" dont le groupe a fait son slogan n’est en rien usurpé. En effet, même si les influences existent, on les devinent très très variées et ça donne un mélange détonnant qui ne sonne pas comme du déjà-ouï . Et c’est sûrement pour ça que l’album fait autant de bien aux oreilles.

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publié par le 21/02/05