« J’ai choisi le pseudo Hello Saferide en souvenir d’un service de taxi scolaire que j’utilisais pendant mes études à Willimantic, dans le Connecticut. Cette ville était alors rongée par le trafic de drogue et il me fallait un moyen sûr de me rendre chez Wal-mart pour acheter des chips. Quand il arrivait, le chauffeur James s’annonçait toujours d’un tonitruant « Hello Saferide ! » avec un zozotement grandiose. Depuis, ce nom stupide me colle aux basques. »
Il était une fois...
Voilà ce qu’on apprend de la courte autobiographie disponible sur le site d’Annika Norlin, alias Hello Saferide, dans laquelle elle manie l’auto-dérision aussi bien que dans ses chansons. Des chansons qu’elle aurait, à l’en croire, commencé à écrire à l’âge de 7 ans, dans la maison familiale d’Östersund (Suède). Devenue ensuite journaliste radio mais rattrapée par sa vocation, elle livre en 2005 son premier album Introducing... Hello Saferide, collection sans prétention de petites fables du quotidien à l’humour doux-amer et aux mélodies bubble-gum, nées sur une guitare d’occasion et interprétées avec une spontanéité désarmante.
- Maia Hirasawa et Annika Norlin, 21 juin 2006
La tournée mondiale qui s’ensuivit passa par les jardins du centre culturel suédois le 21 juin 2006, où Annika et sa complice Maia Hirasawa célébrèrent un solstice pluvieux avec la crème du songwriting nordique (Wendy McNeil, Christian Kjellvander, the Tiny et Anna Ternheim).
De son propre aveu terrifiée par la soudaine attention qu’on lui portait, Annika Norlin décida de mettre Hello Saferide entre parenthèses et de se tourner exclusivement vers le public suédophone, autrement plus confidentiel, sous le nom Säkert !, subtilité difficilement traduisible jouant dans la langue de Strindberg sur les deux sens du mot « sûr » (une obsession, décidément). Bilan : disque d’or et deux grammies au pays (meilleure artiste féminin, meilleurs textes). Raté pour la discrétion.
De son côté, Maia Hirasawa s’employait à passer de l’ombre des chœurs au devant de la scène en produisant son propre album de twee-pop, aussi acidulé et aguicheur que sa pochette rose bonbon, mais flirtant parfois dangereusement avec la variété la plus tiède. Là aussi, succès. Logique, somme toute, dans un pays qui compte parmi les plus gros consommateurs de sucreries.
Je suis chiante par moments, mais je peux vous faire danser
Redémarrage de Hello Saferide cette année avec ce deuxième véritable album, après un ep à la bonne humeur contagieuse en 2006 (Would you let me play this ep ten times a day ?). Les histoires de 2008 ont toujours la particularité de passer instantanément du rire aux larmes, sont toujours écrites avec « trop de mots à la fois » et parlent de perte de virginité (“X telling me about the loss of something dear, at age 16”), d’une future enfant supposément brillante qui ne verra finalement jamais le jour faute de père (“Anna”, accrocheur premier single), de parents se rejetant la faute d’avoir élevé un futur Nazi (“Overall”, l’occasion d’un duo avec Andreas Mattsson de Popsicle, qui produit l’album) ou du fait que les gens sont comme les chansons et qu’on devrait seulement fréquenter ceux du type “God only knows” (“I wonder who is like this one”).
« People are like songs, it’s true / Some seem dull at first, but then they grow on you / Me, I’m like Can’t get you out of my head / Annoying at times, but I make you want to dance / But you are the only one I’ve met who’s God only knows / I liked you the first time I met you, and it grows, and grows, and grows. »
Premier morceau, premier couplet, et Annika Norlin nous a déjà mis dans sa poche avec la malice d’une gosse qui glisse un gros sac de bonbons dans le panier de courses de sa mère. La voix a pourtant perdu en innocence en descendant sur la portée, semblant désabusée, presque désincarnée. Le timbre que l’on a connu cristallin s’est voilé (évoquant parfois la britannique Beth Orton), occulté par une guitare ayant découvert l’électricité et une orchestration folk-rock étoffée jusqu’à étouffer. Pour tout dire, l’enthousiasme bon enfant des débuts semble un peu éteint. A la fois touchant et futile, tour à tour grave et espiègle, ce nouvel opus de Hello Saferide oscille entre couplets résignés et refrains lumineux, et exige plusieurs écoutes pour "grandir en vous", avant de se laisser apprivoiser totalement.