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publié par Mélanie Fazi le 22/01/14
Hannibal - Saison 1
Saison 1

De prime abord, le titre est trompeur. Bien sûr, il est parlant. On entend Hannibal et on pense tout de suite Lecter, « Hannibal le cannibale », le célèbre psychiatre criminel imaginé par Thomas Harris et immortalisé au cinéma sous les traits d’Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux. Quelle n’est donc pas notre surprise de découvrir que la série s’intéresse principalement, dans un premier temps, à un personnage moins connu du grand public : Will Graham, agent du FBI possédant un don d’empathie poussé à l’extrême qui lui permet, lorsqu’il se trouve sur les lieux d’un crime, d’entrer dans l’esprit du tueur. Un talent qui a évidemment son revers et qui inquiète son supérieur Jack Crawford, lequel redoute l’impact de ces visions meurtrières sur l’équilibre mental de son protégé. Sur les conseils de Crawford, Will Graham est envoyé consulter un psychiatre de renom, esthète et gastronome, un homme d’une finesse et d’une intelligence rares. Un certain Hannibal Lecter.

Connivence

Dès lors, et bien que le récit tourne dans un premier temps autour des différentes affaires de meurtre sur lesquelles enquête Will Graham, le spectateur pressent qu’une intrigue sous-jacente est en train de se construire. La série se déroule avant les événements de Dragon rouge, premier roman dans lequel apparaissait le personnage de Lecter, qui était alors emprisonné pour ses crimes. Ici, Lecter est un homme libre, respecté de tous, et dont personne ne soupçonne encore la vraie nature. La série joue tout du long sur une connivence subtile avec le spectateur, seul à comprendre que les autres personnages ignorent et se refusent à voir. Un leitmotiv en particulier glace le sang : ces innombrables dîners fins auxquels Hannibal Lecter convie les autres personnages. Des scènes qui seraient tout à fait anodines si le spectateur ne savait pas qu’il est, selon toute probabilité, en train de leur faire déguster de la viande humaine. Aucun effet appuyé de mise en scène : tout repose sur cette connivence et sur une confiance en la capacité du spectateur à tirer lui-même les conclusions.

Le fil du rasoir et la beauté du diable

Ce qui séduit dans un premier temps, c’est la place accordée à Will Graham, personnage passionnant mais qui n’avait, jusqu’à présent, pas connu d’incarnation aussi marquante que pouvaient l’être celles d’Anthony Hopkins et Jodie Foster dans Le silence des agneaux ou celle de Ralph Fiennes dans Dragon rouge. Et ce, bien que les deux adaptations de Dragon rouge, réalisées par Michael Mann et Brett Ratner, soient tout à fait honorables. Le Will Graham remarquablement incarné ici par Hugh Dancy est un homme sur le fil du rasoir, profondément marqué par ses incursions dans l’esprit des criminels. Toucher du doigt la folie des autres ne laisse pas indemne, comme la série le montre lors de séquences dérangeantes ou Will devient, littéralement, le tueur dont il est en train de reconstituer les actes. Un génie à la psyché fragile, qu’on frémit de voir nouer une relation de confiance avec son nouveau psychiatre.

Face à lui, Mads Mikkelsen incarne un Hannibal tout en retenue, élégant, raffiné, qu’on trouve presque effacé dans un premier temps, surtout en comparaison d’Anthony Hopkins. Mais à mesure que son rôle se précise, à mesure qu’on le voit manipuler subtilement ceux qui l’entourent, jouant sur la suggestion et semant des doutes insidieux dans l’esprit des autres, il devient terrifiant. Pas comme un croque-mitaine gesticulant de film d’horreur : il a la beauté et la discrétion du diable qui tire les ficelles à l’insu de tous. Et l’on se rappelle soudain que c’était ça qui avait fait entrer le personnage au panthéon des grands criminels de fiction : non pas ses penchants cannibales, mais son extrême intelligence et sa fine connaissance des rouages de l’esprit humain.

Tableaux hallucinés

Outre l’interprétation sans failles, la belle galerie de personnages secondaires et la subtilité des effets, Hannibal se distingue également par la beauté formelle de sa mise en scène. Des visions hallucinées de Will Graham aux scènes de crime filmées comme des tableaux, sans parler des intermèdes culinaires de Lecter, les images marquantes sont nombreuses. Elles contribuent à installer une ambiance pesante et glaciale, faite de folie latente et, paradoxalement, de chaleur humaine : celle que partagent tous ces personnages qui ne savent pas qu’ils sont le jouet d’un autre, et qui persistent à vouloir se sauver les uns les autres. Qui surnagent tant bien que mal dans un univers où rien n’a de sens, sinon la froide logique des enquêtes et la confiance mutuelle qu’ils veulent bien s’accorder. Et qui, parfois, les mène à leur perte.

Hannibal s’impose donc comme l’une des toutes meilleures adaptations de l’univers de Thomas Harris, qui choisit d’intégrer l’apport des précédentes plutôt que d’en faire table rase. Voir par exemple ce clin d’œil discret au Silence des agneaux quand le docteur Alana Bloom s’avance dans le couloir d’une prison où seule une vitre la sépare des criminels : le souvenir de la Clarice Starling de Jodie Foster se superpose par transparence. On attend la saison suivante avec une impatience mêlée d’une grande curiosité. Qui a lu les romans de Thomas Harris ou vu leurs adaptations sait très bien de quelle manière tout ça se terminera. Reste encore – et c’est le plus passionnant – à découvrir comment.

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publié par le 22/01/14
Informations

Sortie : 2013
Label : NBC