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publié par Nausica Zaballos le 09/12/09
Goodbye Solo - Ramin Bahrani
Ramin Bahrani

Récit d’une rencontre improbable entre un vieillard suicidaire et un chauffeur de taxi sénégalais optimiste... Goodbye Solo brosse le portrait d’un chauffeur de taxi sénégalais émigré dans une petite ville de Caroline du Nord. Mais le film n’est pas uniquement la description des trésors d’ingéniosité dont Solo fait preuve pour offrir un quotidien agréable à ceux qu’il aime, épouse et belle-fille latino, ex petite amie serveuse, employé d’hôtel trop fauché pour s’acheter une carte de téléphone internationale...Le film offre un témoignage poignant sur une rencontre improbable et un apprivoisement mutuel entre un jeune chien fou et un vieillard taciturne et désabusé. William, le vieil homme en question -interprété par l’homme qui fut le garde du corps personnel d’Elvis- propose un soir un étrange marché à Solo : devenir son chauffeur personnel pendant une semaine sans échanger la moindre parole. Solo accepte mais n’aura de cesse de briser la carapace de son client. D’abord intrigué par cet homme dont l’apparence impassible peine à cacher une immense solitude, Solo sera bientôt mû par un désir irrépressible de protéger le vieillard de ses démons intérieurs...

Un contre-la-montre pour la vie malgré l’errance et la culpabilité

Goodbye Solo est le récit de l’incommunicabilité et de la culpabilité qui gangrène les faits et gestes des protagonistes principaux. Une justification culturelle explique l’intérêt manifesté par Solo envers le septuagénaire : en Afrique, les personnes âgées ne meurent pas seules. Or, partir seul et sans faire de bruit, est l’ultime désir du vieil homme. Solo va tenter de percer le secret inavouable à l’origine de ce souhait qu’il considère contre-nature. Le film s’emploie donc à rendre compte de ce contre-la-montre fébrile et angoissant pour l’un, assumé et maintenu à distance pour l’autre. On aurait pu craindre le pire du personnage de chauffeur de taxi survolté campé par Souleymane Sy Savane mais le réalisateur Ramin Bahrani, s’il filme la truculence du choc culturel entre l’Amérique des blancs fatigués et celle des nouveaux immigrés, ne tombe pas dans le piège du cliché. La ville et ses alentours verdoyants et montagneux est un personnage à part entière du film. Ramin Bahrani la connaît bien puisqu’il y a résidé. Dès lors, le réalisme de certaines scènes (la bagarre entre les deux chauffeurs de taxi, les réveils dans le motel déprimant ou l’ascension du Blowing Rock, promontoire rocheux duquel William souhaite se jeter) sert le récit en soulignant la solitude qui prend le dessus sur le désir de durer et de construire envers et contre tous. En essayant de sauver William, Solo se bat contre une évidence qui le terrifie : quelque soit l’intensité de l’amour qui nous unit aux autres, la compréhension de ces derniers peut nous échapper, les rendant ainsi étrangers au bonheur que l’on souhaiterait les voir embrasser. Malgré ses efforts pour plaire et complaire, Solo est souvent filmé alors qu’il est victime de rejet. Sa femme ne comprend pas son désir de devenir steward. William refuse les marques d’attention que lui porte cet homme étranger dans les deux sens du terme. Solo tente désespérément d’éviter les confrontations qu’il provoque pourtant par ses multiples projets et son irrépressible besoin de créer des contacts entre les êtres rencontrés.

Etre égoïste ou plaire : telle est la question...

Le film de Ramin Bahrani met en scène un choix décisif et sans retour : celui de mettre fin à ses jours. Mais, il est également l’illustration des conséquences de non-choix : en voulant plaire à tout le monde, Solo s’épuise et ne se réalise pas complètement. Goodbye Solo illustre l’incapacité de certains hommes à tourner la page. C’est un choix décidé plusieurs décennies auparavant qui est à l’origine de la volonté d’en finir avec la vie du vieil homme. C’est donc un choix non assumé ou tout au moins regretté. Pour Solo, rien de tel : pas de regrets à avoir puisqu’il s’efforce de concilier des aspirations contradictoires. Cependant, à vouloir faire le grand écart entre ce qu’il considère comme des devoirs familiaux et un désir de changement de carrière légitime, Solo se retrouve en situation d’échec face à son épouse et ses recruteurs. Même s’il semble particulièrement bien intégré dans sa communauté d’adoption, Solo ne peut s’empêcher de dénigrer les valeurs égoïstes et individualistes de celle-ci dans une scène introductive qui met en place le duel à venir entre les deux hommes... Par conséquent, la fidélité à un passé (culturel pour l’un, sentimental pour l’autre) empêche les deux hommes de progresser. L’amitié qui se noue entre les deux hommes n’a donc rien d’extraordinaire. Même si leurs âges et origines sociales diffèrent, William (magistralement interprété par Red West) et Solo sont confrontés aux mêmes questionnements identitaires : les désirs de l’individu priment-ils sur ceux exprimés par le groupe ? La nostalgie ou les regrets doivent-ils gangréner le futur ?

La légende de Blowing Rock

Réflexion sur la paternité et l’angoisse face à la fuite du temps et au changement, le film de Ramin Bahrani ne peut se terminer qu’au sommet du Blowing Rock. Le vent y souffle de telle manière qu’une légende affirme que tout corps jeté de cette cime remonte la pente pour rejoindre son point de départ. Tel n’est pas le souhait des deux protagonistes : retourner dans un passé idéalisé pour y retrouver une forme d’innocence et de liberté... Goodbye Solo est un film d’une grande tendresse, notamment grâce au personnage de la petite fille latino qui commente avec ironie et sagacité les décisions des adultes mais aussi un film à la luminosité et à la beauté plastique remarquables malgré la tristesse et la résignation...

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publié par le 09/12/09
Derniers commentaires
i love moon - le 20/12/09 à 13:51
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J’ai été quelque peu déçue par ce film. Disons que je m’attendais à autre chose mais la déception ne réside pas dans ce seul fait. Ce film est d’une lenteur. Il manque un truc.
Afin de mieux comprendre ce que j’ai raté, j’ai cherché à lire des commentaires à son sujet. Il s’avère qu’en fait la personne la plus seule dans l’histoire est Solo.