accueil > articles > cinéma > GOMORRA

publié par yom-s le 28/11/08
GOMORRA - Matteo Garrone
Matteo Garrone

Connaissance

Bienvenue dans la famille, la mafia, la pègre ... peu importe le nom que vous lui donnez. Elle est bien connue du grand public qui la côtoie sans jamais réellement la voir sauf à travers les faits divers et les salles obscures. La trilogie du Parrain, Scarface, Les affranchis, Casino... Le luxe, les paillettes ; les beaux mafiosi américains bien habillés qui habitent dans des palaces de rêves, des villas à Miami, des lofts immenses à Las Vegas. C’est beau, ça brille, ça nous en met plein la vue et on adore.

Pleine face

C’est pour toutes ces raisons qu’il faut aller voir GOMORRA ! Tiré du livre de Roberto Saviano, reporter infiltré dans la mafia italienne (ce qui lui vaut de vivre sous un faux nom, protégé par les services de polices), ce film montre la mafia telle qu’elle est. Violente, inhumaine, quotidienne, injuste et bête, qui se fait des millions d’euros de bénéfices par jour (et qui les réinvestit dans des activités légales comme la reconstruction des Twin’s tower). GOMORRA démarre fort et vous envoie, dès la première séquence, la première claque et vous scotche au fauteuil pour les 2h15 qui suivent sans pouvoir rien faire d’autre que subir, subir lentement cette violence à travers 4 histoires "habituelles" dans cette petite cité napolitaine. Presque bidonville, si loin de Miami et si prés des favelas peintes dans La Cité de Dieu. Subir, c’est ce que font les habitants des quartiers sous la main de la mafia. Certains choisissent de ne jamais rentrer dans le milieu et vivent misérablement, d’autres y jouent les gros bras sans une once d’intelligence qui ripostent façon loi du Talion : « Œil pour œil ... [mort pour mort !] » Peu importe la cible ! Il y a aussi les gamins, ceux qui sont fascinés, qui veulent y rentrer, et qui passent un entretien d’embauche aussi brutal qu’un abattoir : une des plus impressionnantes séquences du film ! Ceux qui veulent devenir parrain à la place du parrain. Et qui entrainent la guerre les traitrises les déchirements , les peurs, les déménagements. Les amis deviennent ennemis. Dans la mafia pas de gris. Tous noirs ou tous blancs. Surtout après la mort d’un ami. Et puis il y a ceux qui ne sont plus vraiment des gamins mais pas encore des hommes, qui se disent indépendants. Qui jouent à des jeux de grands avec des vraies balles. Formation accélérée pour devenir un dur. Soit tu l’es, soit... Il y a les lâches, qui ont peur, ceux qui pensent à leurs familles, ceux qui fuient. GOMORRA montre un quotidien, la vraie vie à quelques centaines de kilomètres de notre pays. La mafia n’a aucun scrupule pour faire du fric. Les déchets toxiques soit disant traités conformément aux lois "écologiques" sont simplement enfouis sous la terre par des travailleurs clandestins qui ont besoin d’argent, faisant tout ce qu’ils peuvent pour vivre. La mafia, c’est ça, utiliser le besoin de vivre, la misère des gens et tout ce qu’il y a de plus mauvais en nous pour s’engraisser. C’est brutal, tous les jours et sans fioriture. Sans fioriture aussi la mise en scène et la photo du film. Caméra à l’épaule, lumière ’’naturelle’’, gros plans au plus près de cette vie. On dirait un documentaire et c’est aussi la force du film

Changement

Ne pas faire du Scorsese, ni du Coppola. Ne pas montrer des parrains en costards à 3000$, beaux, sveltes. Les montrer, gros, habillés en short et débardeur, devant la télévision, ou jouant aux cartes. Faire une fiction si près de la réalité, montrer la brutalité, la violence et la misère humaine comme si on y était. Pendant toute la projection, on a l’impression d’être sale, on sent presque la puanteur des décharges, du sang et de la pourriture humaine. Et malgré deux lueurs d’espoirs, deux personnages qui réussissent à quitter ce monde grâce à un ras le bol, à un sursaut de conscience, on ressort de la salle avec une rage qui retourne le ventre. Le film de Matteo Garrone a failli avoir la palme d’or à Cannes cette année, coiffé sur le fil par Entre les murs ( pour le cocorico on verra plus tard après la vision du film). Il doit se "contenter" du grand prix du jury, Ça le vaut, et même plus. Parce que ce film est un chef d’œuvre, parce que le cinéma c’est du divertissement mais c’est aussi l’art de faire passer un message au plus près de la réalité. Et là, on est dedans jusqu’au cou.

Partager :

publié par le 28/11/08