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publié par Mélanie Fazi le 06/11/15
Gisèle Pape
- Oiseau
Oiseau

Nous avions découvert Gisèle Pape il y a quelques mois à travers le tout premier extrait de cet EP, « Encore », qui avait retenu notre attention dès la première écoute. Il y avait déjà là un petit quelque chose qui faisait toute la différence : un univers fragile et coloré comme une bulle de savon, un refrain qui s’installait doucement sur un tapis de percussions subtiles, une voix un peu frêle mais paradoxalement bien présente, de par ses failles et ses aspérités discrètes qui la rendaient d’autant plus vraie. On y pressentait un potentiel suffisant pour nous faire attendre ce premier EP autoproduit avec une réelle curiosité.

Poissons et sirènes

Le voici donc qui nous parvient derrière une élégante pochette en jeux d’ombres, doté d’un titre à la concision magnifique, Oiseau tout court, qui nous laisse tout loisir d’y accoler nos propres histoires, nos propres images. On a d’emblée envie d’y croire, à cet oiseau-là ; de fait, dès les premières écoutes, le doute n’est plus permis. Il y a là un univers tout personnel, un vrai sens de la nuance et du détail ainsi qu’un éclectisme salutaire. La voix enfantine rencontrée sur « Encore » nous entraîne avec une assurance insoupçonnée pour nous guider à travers six tableaux aux couleurs oniriques et poétiques.

« Sirène », qui succède à « Encore », adopte une tournure plus narrative ; c’est le premier des titres à lorgner vers le conte, dans son ambiance mais aussi dans sa thématique, puisque la créature du titre est celle d’Andersen, saisie à l’instant où elle renonce à sa voix pour « plonger hors de la mer ». Les motifs de guitare ondulent comme les vagues, les cordes évoquent la lumière du soleil sur l’océan, les chœurs achèvent de nous emporter ailleurs.

Puis vient « Moissonner », moment de bravoure intimiste, si la chose est possible, et tout bascule soudain. On ne l’attendait pas, cette chanson-là, mais elle nous hante déjà. Derrière le discret paravent inaugural d’« Encore », Gisèle Pape cachait son jeu pour mieux nous sidérer ensuite. « Moissonner » commence par poser un motif puis brode des arabesques tout autour. La voix se dédouble, le refrain devient mantra, le chant se fait sortilège et la mélodie ritournelle. Le chœur monte et nous entraîne dans un tourbillon d’eau douce pour nous laisser pantois lorsqu’on touche de nouveau terre. Cette « fable médiévale moderne », comme décrite dans la note d’intention, sème dans son sillage des bribes de paroles comme autant de pièces de puzzle qu’on cherche ensuite à assembler : une intrigante histoire de plantes et de poissons, de rois et de valets, d’un « bocal où tournent l’ennui et les peurs ».

Un si beau ramage

On retrouvera ce bel équilibre entre l’harmonie des mots et la douce folie des images sur « Dolls » tout aussi envoûtant, où l’on croise des « sourires étoilés » et une « fille à la tête de tournesol ». Tout au long de cet EP, l’univers de Gisèle Pape évoque celui des contes voire des comptines. L’onirisme ne se niche pas seulement dans les ambiances et les couleurs (douces et délavées, parfois relevées de pointes acidulées) mais dans la matière même des textes. À l’image de l’oiseau du clip d’« Encore » qui lit un vinyl à l’aide de son bec : tout est dans le décalage subtil, dans la poésie du détail.

Qu’importe si l’intensité retombe légèrement sur un « Solitary Star » final emprunté à Lord Byron ; l’anglais sied un peu moins à la voix de Gisèle Pape, qu’on sent davantage à l’aise lorsqu’elle s’immerge dans son propre univers poétique. On aura découvert sur cet EP une vraie personnalité, une écriture originale, à la hauteur des promesses initiales. Une artiste capable de nous offrir un Oiseau au si beau ramage, et surtout une pépite comme « Moissonner », sera certainement une voix avec laquelle il faudra désormais compter.

NB : À l’heure où nous écrivons ces lignes, une édition limitée d’Oiseau est en souscription sur Microcultures pour deux jours encore. Tous les détails figurent ici.

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publié par le 06/11/15