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publié par Nausica Zaballos le 23/01/09
Garbage - in and out -
in and out

madeleine

Pourquoi faire un focus sur Garbage, groupe qui semble out depuis une décennie ? Tout simplement parce que Garbage, groupe aussitôt dégusté, aussitôt oublié, est une véritable madeleine de proust pour toute une génération de trentenaires attardés.

icône

Garbage -poubelle en anglais- c’est avant tout une histoire de femme qui aimait les hommes qui aimaient se soumettre à elle. Shirley Manson, rockeuse écossaise sortie d’on ne sait quel lycée déprimant, de ceux qui forgent les caractères et les destins, s’inscrivait dans la lignée de ces meneuses qui par leur égo, finissent par faire imploser leur groupe d’adulateurs. Garbage ou la revanche éphémère d’une femme au physique étrange, affublée du surnom « frog eyes » dans son adolescence. Flanquée de Butch Vig, Duke Erikson et Steve Marker, Shirley Manson devient rapidement l’icône de teens en manque de méga-star-pseudo-rebelle en 1995 avec le succès de l’album éponyme Garbage.

Shirley, vraie-fausse punkette gagne des millions mais affiche constamment une moue boudeuse quand elle ne hurle pas des absurdités du genre “I’m only happy when it rains”, “I think I’m paranoid” pour prouver à quel point elle est différente de la masse abhorrée.

phénomène

C’est avec l’album Version 2.0 en 1998 que Garbage devient l’espace de quelques mois un phénomène de mode et donc, finalement, de masse, notamment quand son nom avec “Temptation Waits” est crédité sur la bande son de Buffy The Vampire Slayer dont bon nombre d’entre nous -allez, arrêtez, je suis sûre que vous adoriez au moins la première saison !- étaient fans.

Garbage est cheap et chic : elle pille The Cure, pour le maquillage et l’esthétique gothique-mélancolique. Dès le début de sa carrière et le single “Queer”, Shirley Manson s’est essayée au look androgyne qui sera plus tard copié par sa lointaine cousine, Pink. Celle-ci s’est certainement inspirée des chansons de Garbage telles que “When I grow up”. Sur ce single, les cheveux lissés en une queue de cheval blonde platine, les pas de danse de Shirley s’apparentent surtout à des coups de pieds pseudo sexy. A ce titre, Garbage était avant-gardiste car précurseur du mauvais goût commercial de nombreuses divas têtes-à-claques, dont le goût artistique semble se limiter à un défilé de tenues vulgaires.

inventivité

Mais Garbage, au-delà des pillages intempestifs dans l’imaginaire rock, gothique et sado-maso (voir le clip de “Bleed like me” avec Shirley en infirmière), faisait parfois preuve d’une forme d’inventivité visuelle étonnante dans des clips entièrement tournés à la gloire de l’égérie Shirley selon des codes aujourd’hui éculés ou repris par les divas R’n’B (mini robe, bottes noires, lèvres ou cheveux rouges carmin).

Ainsi, si l’on fait abstraction des minauderies de Shirley, le clip du single “Push it” est un hymne pictural fort réussi à l’inquiétante étrangeté. On y croise pèle mêle un cerf empaillé sur un parking de supermarché, un gang d’hommes bonnes-sœurs prêts à en découdre par tous les moyens au milieu d’étals vides, des clones enfants d’Andy Warhol qui dansent autour d’un homme sans visage au tronc surmonté d’une ampoule électrique allumée, des mannequins jumelles reliées organiquement par leurs cheveux...

plastique

Au-delà de l’esthétique porno, les thèmes sonores et visuels explorés par Garbage étaient stimulants car intrinsèquement organiques. Les corps sont corsetés, mutilés. Les cheveux ont une croissance exponentielle, les visages sont déformés (notamment lorsque Shirley implore « Bend me, break me (...) maim me, tame me » sur “I think I’m paranoid”). Corps invisibles (dans “Cherry Lips”), corps prisonniers de tableaux de maîtres dans “Androgyny” ... Et le fade et consensuel “Breaking up the girl” sur l’album Beautiful Garbage résume à lui seul toutes les obsessions et paradoxes d’un groupe construit et désagrégé autour de la plastique de Shirley. Garbage ou le drame de l’identité fondée sur un rapport à l’autre perverti par la manipulation corporelle... égérie d’une campagne Calvin Klein en 1999, elle avouera plus tard avoir été atteinte d’obsessions corporelles (dysmorphophobie) la poussant à vouloir sans cesse contrôler son image et modifier son apparence.

Shirley revient à davantage d’authenticité sur “Run, Baby, Run” et “Why do you love me ?”, deux chants du cygne du groupe qui annonce en 2005 avec l’album Bleed Like Me vouloir mettre un terme à l’aventure. Sur ces deux titres, on retrouve une Shirley qui ne se réfugie plus dans le travestissement ou les poses aguicheuses pour calmer ses démons intérieurs. Le son, toujours aussi commercial et calibré FM, est néanmoins moins électro, moins expérimental, moins sophistiqué et peut-être plus en raccord avec la personnalité des membres, peut-être lassés de leurs expérimentations identitaires autour d’une plastique certes toujours aussi intéressante mais vieillissante.

identité

Que reste-t-il aux fans de Garbage ? des mélodies entêtantes, une énergie incroyable pour ceux qui assistèrent à leurs concerts monstres (notamment au Zénith), des envies furieuses de mettre des mini-jupes pour aller travailler et peut-être une réflexion sur la tristesse d’une identité prisonnière d’un corps qui n’existe qu’à travers le désir qu’il suscite.

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publié par le 23/01/09
Derniers commentaires
Mélanie - le 23/01/09 à 20:16
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La saison 1 de Buffy, je n’accroche pas des masses - par contre, qu’est-ce que ça devient classe à partir de la 3... ;)

Sinon, j’ai toujours eu du mal à me faire un avis sur Garbage, il y avait effectivement tout et n’importe quoi, mais c’est vrai que ça a un côté "madeleine de Proust" pour la génération des trentenaires actuels. Pour moi, ça restera associé à mon arrivée à Paris, à ma découverte des concers, et à des souvenirs plus personnels aussi.

gab - le 28/01/09 à 06:57

ca donne envie de réécouter tout ca tiens ...

Yule63 - le 02/03/09 à 21:05
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Groupe que j’apprécie et je suis loin d’avoir la trentaine pourtant. J’aime bien le dernier album en date qui est plus brut que ces prédécesseurs. J’espère qu’un jour on aura droit à une nouvelle livrée.

marcello - le 30/03/09 à 17:34
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moi c’est plus la quarantaine (rigole stv cela viendrat vite pour toi !!!)
et j’ai découvert cette voix.... humm que du plaisir... comme Pour Anna Ternheim, bien au chaud dans mon ipod...m (a regarder ça session sur se site...trés cool)Bravo a l’équipe de Cargo