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publié par gab le 08/03/10
French Cowboy
- (Isn't my bedroom) a masterpiece
(Isn't my bedroom) a masterpiece

C’est un French Cowboy au petit moral qui nous revient ces jours-ci avec un nouvel album (Isn’t my bedroom) a masterpiece. Pas si surprenant en soi, le cowboy français comme le cinéma du même nom a toujours su se parer d’une certaine tristesse qui, loin de nuire à son épanouissement, mettait en valeur une nonchalance dosée homéopathiquement. Seulement là, l’inquiétude commence à poindre car la mélancolie s’installe dès le premier morceau (patinée pour l’occasion de la nostalgie d’une maison d’enfance remplacée par une bâtisse sans âme, "Home", problématique à ne pas prendre à la légère, on en sait quelque chose), mélancolie dont on peine à se débarrasser tout au long du disque même sur les morceaux les plus pêchus ("You, sexy thing"), c’est dire si elle s’imprègne en profondeur.

corps

L’ambiance est donc plutôt sombre, les premières écoutes déroutantes, les effets en tous genres sur les guitares et sur le chant remplissant bien leur fonction. Seul le dernier morceau, "Dreaming", possède l’évidence mélodique qui conquiert instantanément et pour longtemps ; pour le reste on s’oriente rapidement vers un album à travailler au corps, un album qu’il va falloir aller chercher, qu’il va falloir dompter. Bref, un album comme on les aime, qui se fait désirer, avec lequel on va passer du temps, construire une histoire toute personnelle, un album qu’on va pleinement s’approprier. Car si on a perdu en mélodisme, on a fortement gagné en hypnotisme à l’image des chœurs féminins sur "No, you’re not alone". Cet album joue sur les répétitions en demi-teintes ("Play with the boy") et en tant qu’auditeur cela s’avère déstabilisant tant qu’on résiste à l’hypnotisation justement, à partir du moment où on accepte l’évidence à l’instar de la victime face à son meurtrier (le flippant "Saw your sister prelude" équivalent d’un glaçant « ne vous crispez pas, je suis à vous dans un instant »), on se laisse envahir par une espèce de mini-transe et on pénètre pleinement dans l’univers du groupe.

chevauché

Côté musique maintenant, on retrouve bien sur le son un peu crade qu’on leur connaissait déjà et qui leur va à merveille. Ils ont cependant su l’agrémenter de trouvailles extérieures et de références musicales, conscientes ou non, qui étonnamment donnent une bonne cohérence à l’ensemble. On découvre donc un petit mélange Bowie (dans le chant) / Arcade fire (dans la musique) / Depeche mode (dans le titre) assez détonant sur l’excellent "It’s a question of time", Arcade fire qu’on retrouve réapproprié un peu plus tard sur "Planet X". Côté références, il fallait bien une petite ambiance à la Cure ("Saw your sister") et, sous forme de retour aux sources, une connexion Go-betweens entre leur "Here comes the city" et le présent "Is the city" (et pas que dans le titre du morceau). Tout ceci restant bien sur au stade de la bonne digestion d’influences, des allusions plutôt que des violations. Plus exotique, les French cowboy ont visiblement chevauché leur remonte-temps et sont revenus avec l’incroyable machine-that-goes-ping des Monty Python qu’ils ont traficotée pour lui faire faire de la (trans)figuration ("It’s a question of time", "Planet X", "On my way"), ainsi qu’un pas de danse seventies qu’ils ont adapté inventant au passage le disco mélancolique ("Girl"). On est d’ailleurs prêt à miser gros sur l’explosion rapide du genre ainsi révolutionné : crise oblige, l’été sera mélo-disco ou ne sera pas (et vu l’hiver qu’on se paye ce serait quand même très surprenant qu’il ne soit pas ...).

démence

Voici donc comment nous avons dépassé nos peurs (le tueur rode toujours dans les souterrains avec son scalpel je vous signale), comment nous avons vaincu les lois de l’hypnapesanteur, comment nous sommes passés d’une écoute poliment curieuse à une écoute fortement compulsive, limite malsaine (notamment la fascination qui s’est installée pour la section "No, you’re not alone", "Play with the boy" et les deux "Saw your sister"). Et si au départ on s’inquiétait pour le moral du groupe, c’est désormais pour notre propre santé mentale qu’on s’alarme car au-delà de la fascination susmentionnée pour la partie la plus étrange de l’album, que trahit donc notre attirance profonde pour "See trees, talk to trees" et sa démence douce ? Le temps serait-il donc venu pour nous de consulter un french doctor ? Fort heureusement, alors qu’on flanche au bout de ces trois quarts d’heure d’intenses questionnements, "Dreaming" revient mettre nos pendules à l’heure ... et quand notre tête se remet à battre le rythme sans qu’on ne puisse rien y changer, on sait avec certitude qu’on est prêt pour un nouveau tour ... et quand un scalpel ensanglanté vient appuyer délicatement sur la touche play, on sait qu’on est déjà loin ... très très loin ...

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publié par le 08/03/10