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publié par Mickaël Adamadorassy le 12/06/25
Feeble Little Horse - Le Point Ephémère, Paris - 08/06/2025

En écoutant les chansons barrées des américains de Feeble Little Horse, on a tout de suite été séduit : de l’indie-rock avec une jolie voix féminine, des bricolages sonores originaux, contrebalancés par un son de guitare bien heavy et des riffs qui donnent la pêche. Et puis on creuse et là les choses deviennent très vite franchement bizarres. Dans les sons, comme les compositions, Feeble Little Horse fait preuve de beaucoup d’inventivité et part dans des directions inattendues : une ritournelle presque enfantine peut devenir un bricolage électronique avant de basculer soudainement dans un refrain grunge bruitiste façon "Territorial Pissings" tandis que le morceau d’après est porté par un arpège de guitare acoustique. Il y a des dissonances savoureuses, un goût pour la saturation poussée à la limite du bruit blanc, dans des riffs grunge-noise bien sentis. Impossible de se lasser, de faire son blasé, face à la variété des sonorités, des styles entre lesquels le groupe navigue, l’excentricité assumée de l’ensemble qui intègre aussi des samples loufoques, des boucles et empilements de voix, du pitchshifter et du glitch saupoudré un peu partout et des nappes synthétiques diverses.

Leur dernier album Girl With Fish (2023) est une auberge espagnole musicale, où il n’y a pas deux morceaux qui se ressemblent, aucune influence ni style qui permettrait de résumer la musique du groupe à part quelques titres qui font penser par moment aux anglais de Sorry pour l’alternance voix féminine - voix masculine et une sorte de mélancolie ("Sweet").

En découvrant que cet OVNI musical n’est pas un des dernières hype new-yorkais mais un jeune groupe venu de Pittsburgh, Pennsylvanie, on regrettait déjà de ne pas avoir l’occasion de les voir en concert de si tôt... mais grâce au tourneur SUPER qui comme souvent a eu le nez creux, voilà le groupe programmé en tête d’affiche au Point Ephémère dans le cadre de sa première tournée européenne.

Malgré une musique plutôt hors-normes et un album qui a déja deux ans et une date un dimanche soir veille de jour férié, Feeble Little Horse parvient à remplir plus que correctement une jauge comme celle du .FMR (300 personnes environ) avec un public jeune qui connait manifestement les chansons et même s’il faudra un peu de temps finira par offrir aux américains une fosse qui se remue et pogote dans la bonne humeur.

Le groupe fait lui aussi assez jeune, surtout le batteur et la chanteuse/bassiste Lydia , si on a bien fait les comptes, ils ont tous autour de 23/24 ans, on leur donnerait facile deux ou trois ans de moins. C’est leur première tournée en Europe, premier concert à Paris. Sans parler énormément, ils sont souriants et plutôt détendus alors qu’ils entament le concert avec "Freak" qui ouvre aussi le dernier album. C’est une entrée en matière bien choisie pour entrer dans l’univers du groupe : à la fois très mélodique et très bruitiste, c’est un de nos titres préférés sur disque.

Sur la scène du Point Ephémère, si les guitares sont bien présentes, si la batterie martèle avec véhémence les bons passages,l’approche du mix vocal est elle très "my bloody valentinienne" : le chant de Lydia est audible mais on ne distingue pas grand chose et on n’en profite pas vraiment. C’est dommage parce que le disque arrive à avoir un son énorme sans pour autant écraser la voix mais c’est du live, le public commence à se réveiller, les guitares sonnent bien, puissantes mais avec un grain moins "noise", moins extrême que sur disque, ce qui est en fait plutôt plaisant.

On poursuit avec "Sweet", ces guitares légèrement dissonantes avec le pitch shifting (effet qui double la note jouée à la guitare par une deuxième plus aigue avec un intervalle fixe) et le chant partagé entre Lydia et le guitariste Sebastian Kinsler. Le titre laisse un peu plus d’espace aux voix et on se retrouve un peu plus proche du son de l’album. Dans la salle comme sur scène, l’ambiance monte progressivement alors que se succèdent des inédits, "Doorway", des titres du précédent album Hayday, qu’on a beaucoup moins écouté et qui en live rendent plus évidente l’influence Sonic Youth, en même temps avec une grande chanteuse blonde qui tient la basse au milieu de la scène.. mais en fait c’est plus dans le coup de poignet sur certaines rythmiques...

On arrive à mi concert et on se dit que cette incarnation live de Feeble Little Horse est quand même assez différente de l’image très barrée qu’on s’en était fait, essentiellement basé sur le dernier album mais à ce moment précis on s’en fiche : tant pis si toutes les subtilités du studio n’y sont pas, le groupe gagne notre adhésion avec son énergie, sa bonne humeur, la qualité du jeu de chacun et on sent que le phénomène touche tout le public, qui commence comme tout bon public parisien indé : très calme et attentif, et finit comme une bonne fosse de concert bien rock, ça pogotte, ça danse et le groupe finit de dérouler son set d’une quinzaine de chansons dans cette ambiance très chaleureuse et sans jamais presque d’intensité, à part ce moment qui semble être à moitié une blague où ils nous font croire qu’ils vont jouer Enter Sandman de Metallica.

Après le concert on apprendra que le second guitariste et co-fondateur du groupe est parti il y a quelques temps. Son remplaçant semble bien intégré et la plupart des sons et mélodies "bizarres", claviers, semblent être le domaine de l’autre guitariste, Sebastian, qui apporte aussi la voix masculine. Cela ne semble donc pas expliquer la différence ressentie par rapport au disque, mais il faut dire aussi que celui-ci date de 2023, que certains arrangements étaient de manière évidente des choses qui s’obtiennent en bricolant en studio. Et en fait cela nous va tout à fait que le groupe ne cherche pas à sonner exactement comme sur disque et perde un peu de sa bizarrerie en live, pour l’instant. Le choix de sous-mixer la voix (à supposer que ce soit volontaire) on est modérément convaincu aussi mais si on fait le bilan de cette soirée, ce qui reste c’est surtout un sentiment positif, par rapport à ce que dégage les musiciens, à l’énergie et à la qualité des chansons. Il aura fallu que ce cheval là se chauffe un peu pour donner toute sa fougue mais une fois que le galop était lancé, on a passé un très bon moment de rock’n’roll avec Feeble Little Horse qui mériterait de s’appeler plutôt Fiery Little Horse*

P.-S.

* : Feeble Little Horse se traduirait par petit cheval frêle

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