De la subjectivité de la chronique

Quand on veut coller un minimum à l’actualité du moment pour éviter de transformer un gros navire en un placard à vieilleries, il faut alors se prêter au jeu des chroniques de disques récents. Avec toutes les réserves que cet exercice implique. Souvent lorsque, le temps passant, nous sommes amenés à relire nos premières impressions ou lorsque l’écoute découverte a fait place à une écoute plus attentive beaucoup d’impressions peuvent changer. Certains albums ne dépassent même pas la barre fatidique des 10 écoutes successives. D’autres au contraire se révèlent véritablement lors d’une écoute plus fouillée. De plus, se lancer dans la chronique d’un album qu’on a écouté au milieu de la dizaine de nouveautés du moment se révèle tout autant objectif que la notation scolaire. Tellement de facteurs vont entrer en jeu. Tous les enseignants connaissent et assument cette injustice d’une notation ou appréciation forcément subjective. Une copie qu’on corrige en premier aura toute notre indulgence face à celle qui termine la pile et dont on est pressé de se débarrasser sans aucune pitié. L’effet comparatif, que ce soit pour une chronique de disque ou dans une notation, est souvent redoutable. Un travail moyen se retrouvant noyé au milieu des meilleures productions sera forcément sous évalué alors qu’on trouvera toujours de quoi encenser une œuvre sans grande valeur se trouvant au milieu d’une série de travaux décevants et inintéressants. Vaste question que la crédibilité qu’on peut ou qu’on doit accorder à nos quelques impressions concernant la qualité et l’intérêt d’une œuvre musicale ou autre. L’environnement joue aussi beaucoup : le moral du moment, le fait qu’une cavalcade de bambins défile à vos côtés, l’écoute attentive ou l’écoute distraite tout en réglant quelques factures ou en écrivant une énième réclamation à la MGEN qui n’a toujours pas compris qu’une visite chez l’ophtalmo se faisait en parcours coordonné.

Donc autant ramener humblement cet exercice de la chronique de disque au simple fait que nous voulons vous parler d’un album parce qu’il nous a touché, énervé, ému, troublé ... mais qu’en aucun cas il ne peut s’agir là d’une évaluation véritablement qualitative du travail d’un groupe ou d’un artiste.

De l’hybride émotif

F.M., le membre principal de F.M. (New Popular Music), est un artiste à part. Alors c’est amusant car j’ai toujours l’impression que dans nos chroniques nous parlons d’artistes à part, à croire que le monde musical n’est fait que d’artistes à part. Et peut être même que nous pourrions les regrouper dans le genre « à part ». Auquel cas il nous faudrait ensuite différencier les à part des « à part ». Quoi qu’il en soit le travail de F.M. a ceci de particulier : il allie des orchestrations classiques à des compositions modernes sans jamais tomber dans le parodique à la Rondo Veneziano. Les morceaux de F.M. sont beaucoup plus subtils : de délicieux arrangements classiques (violon, alto, violoncelle et cor) accompagnant de fort jolies mélodies à la guitare. L’un des morceaux où ce mélange est exceptionnel est sans hésitation “certain people” : titre mêlant passages rythmés enjoués avec des phases beaucoup plus douces où les cordes prennent le dessus sur le chant de F.M. Ensuite tout dépend du dosage classique-moderne, certains titres “Jo and So” par exemple se montrent beaucoup moins convaincants avec des arrangements peut être trop marqués classiques. Le morceau “A Dream or Two” pourrait tomber aussi dans ce piège mais passée une introduction un peu molassonne, ce titre se révèle vraiment efficace sur la longueur. Le jeu des nuances est savamment réussi sur la plupart des morceaux de l’album que ce soit sur “Love Song” ou encore “Tired & Dirty”.

Mais là où F.M.(New Popular Music) se montrent vraiment étonnants c’est dans les trois reprises qu’ils nous proposent. Déjà dans le choix des morceaux new wave des années 80 : avec du The Cure, du Blondie et du Statu Quo mais surtout dans la manière où ces morceaux sont revisités. Après la désastreuse et hélas inoubliable reprise de “A forest” version Bossanova par le pseudo collectif de chanteurs Nouvelle Vague, on se méfie plutôt deux fois qu’une de tous ceux qui osent s’attaquer aux morceaux les plus emblématiques de Robert SMith. Dans A Dream or Two “Killing An Arab” avec des violons et l’interprétation d’un F.M. complètement habité est une réussite. Il en va de même pour “Heart Of Glass” dont on oublie la version originale de Debbie Harry et qui garde ici toute sa fraîcheur et sa spontanéité originelle. La reprise la plus bluffante étant celle de “Always the Sun”, morceau insupportable du temps où Statu Quo connaissait un semblant de gloire. On le redécouvre ici et on prend un réel plaisir à l’écoute des remaniements classiques apportés par F.M.(New Popular Music).

A Dream Or Two est un album qu’on se plaît à écouter, qu’on a envie d’acheter parce qu’il y a dessus ce morceau exceptionnel : “Certain People” et parce que les reprises qu’il propose sont judicieuses et fort réussies... Comme ces copies pour lesquelles un enseignant peut avoir un coup de cœur, on a vite fait d’oublier les petits couacs qualitatifs tout à fait acceptables pour un premier album pour laisser l’émotion l’emporter et faire qu’on aura plaisir à posséder cet album dans sa Cdthèque.