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publié par arnaud le 08/05/06
Elysian Fields
- Bum Raps & Love Taps
Bum Raps & Love Taps

Romance

Elysian Fields, c’est un peu l’histoire d’une romance entamée il y a tout juste dix ans, un coup de foudre entre les New-yorkais et la France, qui dure depuis le EP Star et leur premier album Bleed Your Cedar, lesquels avaient mis la critique dans la poche du groupe, lui permettant aussi de se construire une base de suivants fidèles. Pourtant depuis ces premiers émois, jamais Jennifer Charles et Oren Bloedow, seuls membres permanents de la formation, n’auront réussi à nous charmer de nouveau de manière aussi gracieuse, délicate et sensuelle. Après un troisième opus en demi-teinte - Dreams That Breathe Your Name sorti en 2003 - et la séparation du couple à la ville, on appréhendait un peu les suites des aventures du duo, en dépit des impeccables apparitions de Jennifer en tant qu’invitée sur les disques d’autres artistes (avec le fantasque Murat bien sûr, mais aussi Chris Vrenna de Tweaker, ou Jim G. Thirlwell de Fœtus), dévoilant cette voix unique, volute de fumée en suspension, à peine réelle.

Envies de rock

Malheureusement ce n’est pas à l’écoute de Lions In The Storm ou Set The Grass On Fire que l’on peut se dire rassuré. Sur le premier titre, le groupe fonctionne sur ses acquis, ballade mid-tempo, exploitant le timbre lascif de Ms Charles sans jamais impressionner (on est bien loin de Fountains On Fire sur le premier disque d’Elysian Fields, sur lequel la formation jouait tout en nuances, créant ainsi une pièce unique, sorte de mirage sonore hypnotique et érotique). La guitare acide, certains diront Hendrixienne, de Set The Grass On Fire nous rappelle que les New-yorkais ne sont vraiment pas faits pour le rock au sens strict du terme. Par le passé ils avaient déjà caressé le rêve de durcir le son, accélérer un peu le beat, sur Bend Your Mind ou Timing Is Everything (respectivement sur les deuxième et troisième albums) par exemple, pour ne susciter que l’indifférence. Non, Elysian Fields n’est pas fait pour ce registre-là et même si le morceau n’est pas un fiasco, jamais il ne parvient à étonner, captiver, autant qu’un Bayonne (sur Queen Of The Meadow) ou Lady In The Lake (sur Bleed Your Cedar), titres “électriques” s’il en est, mais bien plus envoûtants.

Voile de fumée

Bien sûr les mots sont toujours aussi évocateurs, Jennifer prenant toujours autant de plaisir à les laisser couler de sa bouche, jouant de son souffle pour attiser les braises qu’elle diffuse habilement au fil des chansons, mais la perle est bien plus belle quand l’écrin est à sa taille, et force est de constater que ce n’est pas le cas lorsque le groupe joue de façon trop directe, en pleine lumière. Elysian Fields prend toute sa saveur dans la pénombre, éclairages tamisés, derrière un voile de fumée, quand la silhouette de la belle semble être le seul élément qui aspire la lumière. Sharpening Skills ou Duel With Cudgels prennent plus de temps pour construire une ambiance, laissent le charme agir, de sorte qu’on a bien plus de facilité à suivre la guitare d’Oren lorsqu’elle revêt de nouveau une distorsion. On s’enfonce un peu plus dans l’expérimentation avec un curieux Lame Lady Of The Highways, qu’on devine aisément issu de diverses jams, et qui, au final, se laisse plutôt bien écouter, on aurait pu pourtant craindre l’indigestion !

Disparition

Et puis Elysian Fields a su soigner sa fin d’album avec un enchaînement de quatre morceaux très réussis. On retiendra Out To Sea, pour sa façon de se détacher des trois autres, avec un tempo un peu plus alerte, et une atmosphère plus sombre : la formation au grand complet construit un clair-obscur dont elle seule a le secret, tension palpable à la Jack In The Box d’antan. On notera sinon un magnifique When dominé par la voix et le piano, au cours duquel Jennifer chante son (nouvel ?) amour et un We’re In Love juste accompagnée de la guitare classique d’Oren. Reste que c’est sur le morceau éponyme que l’émotion est la plus présente, tant on sent la chanteuse émue d’aborder ici la disparition de sa grand-mère, Deedee, et son combat contre Alzheimer. La chanson tire parti d’arrangements de cordes discrets et d’une section rythmique toute en retenue, soulignant à la fois la pudeur de la chanteuse, tout en la mettant assez en valeur afin de l’accompagner dans son introspection. Bel hommage à la disparue, dont les chansons ont bercé l’enfance de Jennifer Charles. En résumé si Bum Raps & Love Taps n’est peut-être pas l’album étalon d’Elysian Fields, il en demeure un disque riche et contrasté qui réserve de très bons moments, et se révèle bien moins diffus et plus inspiré que Dreams That Breathe Your Name. Ne boudons pas notre plaisir et sachons apprécier à leur juste valeur les ronronnements suaves de la troublante Jennifer.

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publié par le 08/05/06
Derniers commentaires
Mélanie Fazi - le 03/01/08 à 10:03

Je retombe là-dessus longtemps après en cherchant tout autre chose. C’est curieux, mais pour moi cet album-là est très nettement le plus beau depuis Bleed Your Cedar, je trouve qu’il touche à la perfection. Mais il semblerait qu’on n’accroche pas de la même manière à leurs disques (par exemple, Bayonne est un morceau que je trouve assez quelconque, personnellement). J’attends la suite avec impatience.