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publié par gab le 08/12/11
Drop Nineteens - Drop Nineteens -
Drop Nineteens

Merci ! Oui, merci à vous The pains of being pure at heart et autres groupes de petits minots qui tentez vainement de relancer la vague noisy-pop du début des années ’90 tandis que nous autres vieux-croûtons-qui-y-étions freinons des quatre fers sur l’air entêtant de « c’était mieux avant ». Sans vos efforts touchants et les associations d’idées engendrées aurait-on ne serait-ce qu’eu l’idée de ressortir nos vieux Drop Nineteens ? Se repasserait-on régulièrement et avec délectation le fabuleux Delaware depuis plusieurs mois sans votre éphémère passage entre nos oreilles ? Merci donc de nous avoir incité à rouvrir nos vieux cartons puisque c’est ainsi que Drop Nineteens se retrouve propulsé dare-dare golden-oldie de l’année. Et ça, chez les vieux croûtons, ce n’est pas rien !

sensibilité

Delaware. Il ne s’agit nullement de l’album oublié de la discographie de Sufjan Stevens (qui lui a du se perdre au fin fond du Nebraska), ni de la dernière gamme de containers nutritifs d’une grande marque en réunion, non, il s’agit bien de la réponse américaine à la noisy-pop ambiante de l’époque (1992) dont l’hégémonie anglaise semblait ne devoir souffrir aucune concurrence sérieuse. Jusqu’à ce que de petits minots (décidément) répondant au patronyme de Drop Nineteens ne viennent brouiller les cartes. Pas qu’il ne se passait rien aux Etats-Unis, ne serait-ce qu’avec les Pixies (signés sur un label anglais tout de même) et Sonic Youth on avait largement de quoi faire, juste qu’aucun groupe n’avait daigné répondre aux guitares saturées en nuage et aux chants aéro-mélodiques de My Bloody Valentine ou Ride pour ne citer que les plus emblématiques. Et ma foi, notre sensibilité européenne ne s’en portait pas plus mal, jusqu’à ce que Drop Nineteens et son album de noisy-pop-anglaise-digérée-à-l’américaine ne viennent titiller nos positions pour de bon.

discours

Et ça commence comme de la bonne vieille noisy avec une intro en fade in d’une minute trente sur le titre éponyme, "Delaware", pour accélérer d’un coup, emporté par une basse délicieuse pour les trois minutes trente restantes. Un classique instantané qui n’a pas pris une ride. Mais où un groupe anglais aurait décliné la formule sur l’album entier, Drop Nineteens casse d’emblée le rythme en livrant en seconde position un "Ease it Halen" bien plus expérimental avec chant clairsemé sur guitare électrique seule, satureusement décousue, le tout couronné par la palme du meilleur titre de morceau de la décennie. Et ainsi le groupe souffle le chaud et le froid entre les morceaux classiquement noisy-poppiens ("Winona" et son gimmick de guitare planant, "Kick the tragedy" et son adorable discours de fin de morceau ou encore la fantastique reprise du "Angel" de Madonna) et des respirations toutes plus surprenantes les unes que les autres que ce soit l’intimiste "Baby wonder’s gone" (ballade à la guitare folk mais avec une rythmique noisy-pop créant un décalage aussi déroutant qu’envoûtant), le tout-en-batterie-jouissive "Happen" (avec ce chant expiatoire qui nous soulève à chaque fois) ou le limite inaudible mais défoulatoire "Reberrymemberer". Mais rien ne nous préparait à la déflagration en fin d’album de la bombe "My aquarium".

sabordage

C’est assez amusant, "My aquarium" est aussi sorti sur un EP (Your aquarium EP) dans une forme plus classique qui sentait bon le tube en puissance. Un morceau presque pop contrebalancé par un chant masculin nonchalant auquel répond un chant féminin ingénu. Un excellent tube indie comme on n’en fait plus trop (ou si, un peu à la "Big jet plane" d’Angus and Julia Stone dans l’esprit). Bref, belle formule, bon marketing, tout était là. Et plutôt que de la mettre à l’identique en troisième position de l’album comme aurait fait n’importe qui, voila qu’ils la propulsent en fin de disque en version ultra dépouillée, jouée façon basse sur une corde de guitare folk. Un sabordage en bonne et due forme. Et ça marche, cette version intimiste, nocturne, éclipse totalement la version tube de l’été underground pour devenir l’emblème de l’album et du groupe. Le morceau qu’on joue encore à la guitare vingt ans après, celui qui nous pousse à la recherche sur internet alors qu’on a égaré notre vieille cassette depuis plus d’une décennie. Le morceau tout simplement. A tel point que l’ultime titre du disque "(Plus fish dream)" est complètement anecdotique, même après des centaines d’écoutes, tant on ne redescend jamais complètement. On comprend mieux pourquoi il a fallu le reléguer en fin d’album.

lambda

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Et parlant d’anecdotique, c’est hélas le cas du reste de la discographie du groupe. Your aquarium EP dont on parlait précédemment vaut surtout le coup pour la version alternative de "My aquarium". On comprend rapidement pourquoi les trois inédits n’ont pas été retenus pour l’album, pas que ce soit mauvais, juste moins bon, plus braillard, plus ricain finalement et bien moins original en tout cas. Quant à leur deuxième album (National coma, 1993), on détournera à notre compte un « ease it Nineteen » tant il cherche à en mettre plein la vue (les guitares de "Cuban" !). Passé l’excellent premier morceau "Limp" et sa formule réveille-matin, le reste s’embourbe quand il ne se disperse pas. Il semblerait qu’il y ait eu du mouvement humain entre les deux disques et ça s’entend, on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un autre groupe … avec perte de toute sensibilité en cours de route. Il reste tout de même quelques bons moments, l’intro de "Skull" à la Imperial Teen par exemple. Mais globalement leur musique a pris un tel coup de testostérone que Drop Nineteens s’est transformé en groupe indé américain lambda des années ’90. Dommage.

cure

Ceci dit, le mal est fait, ils auront beau tenter tous les sabordages possibles, ils sont déjà entrés dans la légende (la seule qui compte, la notre) avec leur premier album et franchement on ne leur en demandait pas beaucoup plus. Mais quel bonheur de replonger en 2011 dans Delaware, à n’en pas douter la meilleure cure de jouvence dont on pouvait rêver dans le stress de cette fin d’année.

Liens d’écoute : la discographie du groupe est disponible sur Deezer et Spotify

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publié par le 08/12/11