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publié par gab le 08/05/12
Dominique Ané - Y revenir
Y revenir

D’aucuns, mauvaises langues, pourraient prétendre que notre intérêt pour Y revenir, le livre de Dominique Ané (alias Dominique A, bien connu de nos services pour sa musique désormais vingtenaire), est guidé principalement par une malsaine fascination que serait la notre pour la Seine et Marne. Alors certes, il se trouve que celui-ci y relate son rapport tout à fait particulier avec la ville de Melun … euh, Provins (lapsus révélateur), qui l’a vu grandir. D’aucuns pourraient donc mais on les arrête tout de suite. Premièrement on n’a pas de fascination malsaine pour la Seine et Marne, on vit à Melun, nuance. Et quelle autre antenne que la melunaise du cargo (ça sonne bien ça, « la melunaise du cargo ») pour traiter ce dossier ? Surtout que la ville de Melun et son hypermarché sont cités (page 45) dans le livre. Incroyable. Deuxièmement, jusqu’en 2006 et la chanson « Rue des Marais », on croyait qu’il était nantais, Dominique A, ce qui n’était pas sans flatter notre fibre angevine, n’est pas « Close west » qui veut. En somme on aura connu la migration inverse, élevé dans l’ouest et Seine-et-marnais sur le (très) tard. Mais on s’égare.

cercles

On s’égare car le sujet du livre n’est pas tant la ville de Provins en elle-même que le rapport à l’enfance, à l’adolescence, la construction d’une vie ainsi que la perméabilité entre un lieu et une personne. Or on a tous connu des lieux qu’on voulait fuir, on s’est tous construits à un moment donné contre un environnement (la musique de marge est d’ailleurs souvent le moyen le plus simple à l’adolescence pour se forger son identité en réaction à). Dans ce livre c’est le chemin du retour (régulier) vers ce lieu qui est passionnant. C’est le rapport d’attraction-répulsion qui engendre la mélancolie (ou est-ce l’inverse). C’est la genèse d’une œuvre racontée par son auteur. C’est surtout la découverte, sans doute universelle, qu’au final on n’est pas forcément la personne qu’on croyait être. Le chemin d’une vie en somme, en cercles concentriques autour d’une ville.

pont

Un très beau livre tout en sensibilité et finesse. Une sensibilité assez évidente pour l’amateur des chansons de Dominique A qui découvre pour la première fois l’envers du décor des superbes « Rue des Marais » (L’horizon, 2006) et « Les terres brunes » (Auguri, 2001). Chansons d’une beauté et d’une tristesse infinies qu’on réécoute aujourd’hui sous une nouvelle lumière. On trouve sans doute aussi dans ce livre les clés de certaines chansons à venir, comme celles de « Close west », notre morceau préféré sur son nouveau disque (Vers les lueurs, 2012). On y retrouve des éléments parlants et Dominique Ané s’inquiète dans son livre de tomber dans le « syndrome livre de chanteur ». Pour ne rien vous cacher c’était une de nos peurs aussi (même si on pensait plutôt autobiographie d’acteur, ça doit s’en rapprocher). C’est donc avec soulagement qu’on rencontre un écrivain avec un vrai ton, une vraie écriture et surtout un livre qui se suffit à lui-même. Mais pouvait-il en être autrement lorsqu’on connait la qualité des textes de ses chansons ? En réalité le pont entre son œuvre musicale et la littérature est là depuis longtemps déjà, c’est d’ailleurs la force et la distinction de Dominique A (chanteur) dans notre paysage musical.

filigrane

On sort donc remué de ce livre qui par sa sincérité et ses remises en questions nous renvoie à notre propre enfance et notre propre construction identitaire. Et au-delà de ce thème premier, ce livre aborde en filigrane l’importance des choix de vie des parents sur leurs enfants, question que tout parent est en droit (devoir ?) de se poser et qui résonne fortement chez nous autres trentenaires, parents de jeunes enfants. Maintenant, en attendant de trouver des réponses toutes personnelles à ces questions existentielles, resservons-nous notre dose de Vers les lueurs quotidienne et patientons tranquillement jusqu’à la prochaine salve littéraire de Dominique Ané.

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publié par le 08/05/12