Lorsqu’on a comme moi un peu de mal à accrocher au Dominique A électronique (ses deux premiers disques, la musique), c’est avec une certaine appréhension qu’on voit débarquer au printemps 2018 un nouvel album pré-classé dans cette catégorie (classement opéré dans diverses chroniques, la communication du sieur A elle reste sur le terme « électrique »). L’appréhension a beau être atténuée par la promesse, en deuxième partie d’année, d’un second disque plus intimiste et acoustique, on y va inévitablement à reculons. Mais il est comme ça Dominique, on le sait, il a besoin de ses petites respirations électros pour se ressourcer et, ma foi, après deux albums magistraux, on ne se voyait guère lui refuser ce petit plaisir, fût-il sans nous... Et puis après tout, en est-on vraiment rendu à pré-classer impunément comme ça des disques qui n’ont rien demandé ? Va-t-on réellement laisser un disque de Dominique A passer sans même l’écouter ? Va-t-on au final écouter ce disque pendant plusieurs mois, être conquis et ne pas réussir à écrire une seule petite bafouille pour Le Cargo ? C’est à croire que le monde ne tourne plus tout à fait rond (un possible effet du réchauffement climatique) et alors que le fameux second disque, La Fragilité prévu pour octobre, pointe au loin le bout de son nez, il n’est plus vraiment question de reculer, allons-y pour Toute Latitude.
orangé
Et franchement, on aurait tort de se laisser impressionner par une classification intempestive puisqu’il est surtout ici question de rythme. Certes, tout n’est pas rose dans Toute Latitude (plutôt orangé, cela va de soi) mais peu de morceaux nous laissent vraiment blancs ("Cycle", "La mort d’un oiseau") au bout du compte. Les sonorités électros sont plus étoffées que par le passé et surtout, on est rapidement envoûtés par les rythmiques (parfois complexes) des morceaux. Ce sont ces rythmes qui parcourent le disque et tirent l’ensemble des morceaux vers le haut au point qu’on regrette vraiment de n’avoir pas vu Dominique A sur scène lors de cette tournée à deux batteries. Ce devait être quelque chose.
malaxé
Bien entendu Toute Latitude contient aussi ses morceaux phares. Des classiques instantanés comme "Désert d’hiver" et "Toute latitude" font le lien avec les albums précédents et portent haut l’écriture toujours somptueuse de Dominique A (qui d’autre que lui peut rendre trépidante la vie quotidienne en village vacances ?). Des morceaux à la tension hissée en étendard, "Aujourd’hui n’existe plus" et surtout l’impressionnant "Corps de ferme à l’abandon", scandé, malaxé, presque torturé. C’est la force de Dominique A de réussir une nouvelle fois à se renouveler après tant d’années, de recouper son activité récente d’écrivain de l’intime avec son activité historique. Une force qu’on retrouve aussi sous une autre forme dans le sommet du disque "Se décentrer" ou comment réaliser la chanson écolo parfaite loin de toute mièvrerie et des donneurs de leçons. Dans une tension palpable. On sent presque les forces terrestres nous parler à travers ce titre. Cette façon de repositionner le débat rejoint en filigrane la récente bande dessinée de Zep, The End, et annonce notre nouvelle ère, celle qui suit et surtout dépasse la période de prise de conscience.
captivés
Ainsi nous qui hésitions tant à faire le premier pas vers ce disque, nous n’en sortons guère. Il s’est installé et malgré nous s’est imposé, est devenu important. Une importance que prennent décidément systématiquement, maille après maille, les albums de Dominique A. Au point qu’on en vient à craindre la chute. Combien de temps peut-il donc nous tenir ainsi captivés ? En attendant d’obtenir une première partie de réponse en octobre, finissons en beauté avec les superbes clips qui accompagnent quatre des morceaux de ce disque.